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l’IUÈRK. I/ATTKNTION


l’attention nuit à la prière ne sont pas péremptoires : la prière « pure » n’est pas une prière inattentive : s’il lui manque la première ou la deuxième espèce d’attention, elle possède cependant la troisième, qui est de toutes la meilleure : quando mens per dilectionem in Deum ila rapiturut pelitionis suit immemor sit, atlenlio orationi adest, quamvis non secundo vel prima, sed terlia… Ad l"" 1.

Pendant que nous touchons à cette question de la prière « pure, qu’on nous permette d’ajouter quelques références et quelques remarques : le texte d’Hugues de Saint-Victor auquel renvoie saint Thomas se trouve en Migne, P. L., t. clxxvi, col. 980 : il faut y joindre la parole, souvent citée, de saint Antoine, rapportée par Cassien : « Il n’y a pas de prière parfaite si le religieux s’aperçoit qu’il prie. » Cf. F. "Vernet, La spiritualité médiévale, p. 137 ; La vie spirituelle, t. xiii, p. 112 ; Landriot, op. cit., t. iii, p. 539. Autre est cependant la question de savoir si la prière doit être attentive ou si elle doit être consciente, et l’on peut avancer sans paradoxe que, moins elle sera consciente, plus elle sera attentive : « Celui qui, priant Dieu, s’aperçoit qu’il prie, n’est pas parfaitement attentif à prier ; car il divertit son attention de Dieu, lequel il prie, pour penser à la prière par laquelle il prie. Le soin même que nous avons à n’avoir point de distractions nous sert souvent de fort grande distraction… Celui qui est en une fervente oraison, ne sait s’il est en oraison ou non ; car il ne pense pas à l’oraison qu’il fait, mais à Dieu, auquel il la fait. » Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, I. IX, c. x, cité par Landriot, ibid. ; cf. H. Bremond, Introduction à la philosophie de la prière, p. 54-55, 226-227. C’est la distinction entre la prière « directe », inaperçue, et la prière « réfléchie », consciente. La prière pure, telle que la définit Hugues de Saint-Victor, s’identifie-t-elle avec la prière pure de saint Maxime et d’F vagre le Pontique ? Ce n’est pas le lieu de le rechercher. Cf. Rev. d’ascét. et de myst., 1930, p. 250-254. II faudrait aussi la comparer avec la prière « de feu », ignea oratio, de Cassien ; cf. La vie spirituelle, t. viii, p. 210-211.

3° L’attention est-elle nécessaire ù la prière ? — « La question se pose surtout pour la prière vocale », remarque saint Tl ornas, Sum. iheol, ID-II*. q. lxxxiii, a. 13. Ne devrait-on pas dire plutôt qu’elle se pose seulement pour la prière vocale ? cf. supra, col. 184. Quoi qu’en ait dit H. Bremond. Hist, lill…, t. viii, p. 150-107, les distractions involontaires qui nous arrivent dans l’oraison, entendons-nous bien, les véritables distractions qui nous emportent bien loin de Dieu ou nous plongent dans le sommeil, interrompent bel et bien notre oraison ; il n’y a pas à répliquer que l’union du cœur subsiste : oui, elle subsiste, exactement comme elle subsiste durant le sommeil, mais c’est une union habituelle, ce n’est pas une union actuelle, ce n’est pas une prière. La prière est un acte, acte du cœur ou de l’esprit, peu importe ; quand il n’y a plus d’acte, ni de l’esprit, ni du cœur, il ne peut plus y avoir de prière. Cf. Suarez, op. cit., t. II, c. v, n. 16 : « La prière vocale peut bien subsister quoad malerialem actum (xlrrnum, quand l’attention disparaît ; mais la prière mentale ne peut aucunement subsister, quand l’attention disparaît entièrement, parce qu’elle consiste essentiellement dans un acte purement interne qui ne peut exister sans l’attention. »

Donc, il s’agit ici de savoir si l’attention est aussi nécessaire à la prière vocale. Saint Alphonse. Theologia moral is, t. VI, De prseceptis jarticularibus, n. 177, déclare qu’il y a sur cette question trois opinions parmi les théologiens. La première, qu’il qualifie de communior il probabilior, affirme que l’attention dite externe ne suffit pas, encore que l’on prononce correctement les paroles et qu’on ait l’intention au moins implicite de

prier, pour que la prière vocale soit une véritable prière, donc pour satisfaire à l’obligation du bréviaire ; il faut en plus une véritable attention interne, que) qu’en soit d’ailleurs l’objet, c’est-à-dire qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre des trois espèces d’attentions distinguées par saint Thomas ; il n’est pas nécessaire cependant que cette intention interne soit actuelle : elle peut n’être que virtuelle, c’est-à-dire qu’elle subsiste moralement tant qu’elle n’a pas été rétractée par la distraction pleinement volontaire et aperçue comme telle. La conséquence pratique de cette opinion, c’est que la récitation de l’office qui n’est pas accompagnée de ce minimum d’attention interne n’est pas valide et donc ne donne pas droit à la perception des revenus qui en dépend. Telle est l’opinion de Suarez, t. III, c. iv, n. 3-8 ; t. IV, c. xiv et xxvi. La seconde opinion (que saint Alphonse place en dernier lieu), n’exige que l’attention externe, à condition, cela va sans dire, qu’elle soit suffisante pour permettre de prononcer correctement les paroles de l’office divin et qu’on ait l’intention, au moins implicite, de prier. Il s’ensuit que, pendant la récitation de l’office, laisser son imagination vagabonder ou occuper son esprit d’affaires toutes profanes peut bien être une irrévérence, mais qui n’excédera pas les limites du péché véniel et n’empêchera pas cette récitation d’être valide et de donner droit, s’il y a lieu, à la perception des revenus qui en dépend. Cette seconde opinion se réclame de saint Thomas et de saint Antonin ; elle est professée par un bon nombre de théologiens, entre autres par de Lugo, Vermeersch, op. cit., p. 48sq., et reconnue comme probable par un grand nombre d’autres. Enfin, saint Alphonse croit découvrir dans les Salmanlicenses une opinion qui tend à concilier les deux autres : « Étant donné, d’une part, que l’attentionadso/awfftasuffitpoursatisfaire à l’obligation, et, d’autre part, que, pour une récitation correcte, il faut absolument au moins cette attention ad verba, avec l’intention au moins confuse d’honorer Dieu, il y aura prière tant qu’il y aura cette attention ad verba ; or, il n’est pas impossible qu’on soit attentif à bien prononcer les paroles tout en occupant son esprit d’autre chose ; donc, on satisfera à l’obligation tant que l’on n’aura pas rétracté par une volonté contraire la volonté de se maintenir attentif, unde is bene satis/acicl semper ac per contrariam valuntatem non retractabit proposilum atlendendi. » Concina, ajoute saint Alphonse, fait remarquer à ce sujet que celui qui se distrait volontairement n’est justement plus attentif à bien prononcer les paroles, ou son attention sera tellement atténuée que ce ne sera plus une véritable attention. Ballerini-Palmieri, op. cit., t. iv, p. 327. observant que cette opinion attribuée aux Salmanticenses n’est en réalité que la première opinion, puisque, comme celle-ci, elle exige au moins l’attention ad verba, qui est classée parmi les attentions internes. C’est vrai ; seulement elle en dillère parce qu’elle admet que cette attention est compatible avec la distraction volontaire, cum non sit incempi ssibile aliquem ad alia distrahi et simul altendere ad verba recte proferenda.

Nous n’entreprendrons pas d’exposer et de discuter les preuves apportées à l’appui de chacune de ces opinions, mais il nous semble que certaines remarques, théoriques ou pratiques, s’imposent, ^i a-t-il d’abord une bien grande différence entre les deux premières opinions ? Il ne le semble pas. Cette attention ad verba dont se contente la première et l’attention externe qu’exige la seconde, qui doit être telle qu’elle permette une récitation correcte des formules, n’est-ce pas à peu près la même chose ? Il reste bien cette différence entre les deux opinions que l’une affirme et que l’autre nie que les distractions volontaires détruisent la prière. Qui a raison’? Il semble bien que ce soit la pre-