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PRIÈRE. L’ATTENTION


paroles, ni comme les hypocrites ; il faut que la prière soit assidue et persévérante ; qu’elle soit faite au nom de Jésus-Christ ; il faut qu’on joigne l’action de grâces à la demande et que la prie re soit accompagnée du jeûne et de l’aumône. Et nous n’avons pas encore signalé la première condition de la prière : l’intention ; ni certaines circonstances qui peuvent influer sur la qualité de la prière : le temps, le lieu, l’attitude, cf. Suarez, op. cit., I. III, c. vii, n. 3, 7-13, 1(1. Sans compter encore cette condition primordiale de toute prière, à savoir qu’elle soit l’œuvre du Saint-Esprit agissant en nous par la grâce actuelle.

Il ne peut être dans notre dessein de nous étendre longuement sur chacune de ces qualités ou conditions <le la prière ; nous nous bornerons donc aux questions plus importantes et plus difficiles, qui sont généralement abordées par les théologiens en cette matière.

I. //A’L’INTENTION REQUISE POUR QU’IL Y Ml PRIÈRE, — Ne confondons pas l’intention et l’attention, comme on le fait quelquefois : l’intention est l’acte de la volonté qui se propose telle ou telle fin ; l’attention est l’acte de l’intelligence qui s’applique à tel ou tel objet, qui s’occupe de tel ou tel sujet ; cf. Sua rez, t. III, c. iii, n. 2.

Pour qu’il y ait prière, il faut qu’on ait Tintent ion de prier. On ne prie pas si l’on n’a pas l’intention de prier, encore « pie l’on prononce des formules de prière : le prêtre, par exemple, qui lit le bréviaire sludii vel rrcreationis causa, ne prie pas ; il étudie ou il s’amuse, mais il ne prie pas ; et par conséquent il ne s’acquitte pas de son obligation. Suarez. ibid., n. 3. El pour satisfaire à l’obligation du bréviaire, il faut vouloir prier ; il ne suffît pas de vouloir réciter ou chanter les formules imposées : non priecipitur tantum heec actio exterior legendi vel cantandi materialiter tumpta… ted preecipi(uraclio Ma exterior ut est oralia nrf Deum et cultuni e/us. Suarez, t. IV, c. xxvi, n. 5. Il est bien entendu que cette intention de prier n’a pas besoin d’être toujours expresse ou formelle, mais qu’une intention implicite et virtuelle suflit, t. III, c. ni, n. (i ; avoir Tint en lion de satisfaire à son obligation est une intention implicite ou équivalente de prier. I. IV, ibid. ; on sait, en outre, que virtuel s’oppose d’une part à actuel et de l’autre a habituel : une intention Virtuelle est une intention qui a cessé d’être actuelle, mais qui persévère et dure encore en quelque sorte, parce que c’est en vertu de cette intention que telle action continue ; pour (pudure la prière, il faut que soit maintenue l’intention de prier ; mais, tant que dure cette Intention, dure aussi la prière, du moins la prière vocale, quelles que soient les distractions involontaires, ou même volontaires, qui surviennent : nous revenons cela toul a l’heure.

Celle intention de prier peut être viciée par quelque circonstance accidentelle sans cesser d’exister ; il J aura donc prière, puisqu’il y aura Intention de prier, mus prière plus ou moins m-, i-, : telle serait la pnsi :

de celui qui prierait surtout pour la gloriole ou pOUT l’argent, ex intentione lundis humante, ce/ alicujus cornmorfi temporalis, in illurf principaliter intuendo ; oere roijnt, quamvis non bene oret. Suarez, I. III, c. iii, n. 5, C’est du moins l’opinion commune. Et une telle prière est suffisante pour sal Isfaire à l’obligation du bréviaire.

II. DE L’ATTENTION REQUISE DANS LA PRIÈRE. — 1° Distinctions préalables. L’attention étant une

application de l’esprit à un objet, à une action, celle qu’on apporte a la prière vocale se diversifie suivant l’objet auquel l’esprit s’a Hache particulièrement qu and on prie.

On peut s’appliquer principalement a bien prononcer les mots de la prière, comme ferait une personne chargée de présenter une requête en une langue étrangère. On peut aussi porter plutôt son attention sur le sens des formules qu’on prononce pour les bien « réali ser, pour les dire avec sincérité et conviction. Enfin l’esprit peut être en quelque sorte absorbé par la pensée de la personne à qui l’on s’adresse, par quelqu’un des attributs de Dieu, sa grandeur qui impose le respect, sa bonté qui inspire la confiance, etc., ou par la pensée de la détresse où l’on se trouve, détresse qui précisément nous pousse à recourir a Dieu. Telles sont du moins les trois sortes d’attentions à la prière que reconnaît saint Thomas, In 1 V"’Sent., dist. XV, q. iv, a. 2, sol.."> ; Sain. Ineol., II’-11 1, q. ixxxiii. a. 13 ; cf. Bolley, GebeUstimmung undGebet, Dusseldbrꝟ. 1930 Saint Thomas s’exprime d’une manière un peu différente sur l’objet précis de la troisième espi Ie d’attention dans le Commentaire des Sentences et dans la Somme tldologique : la, l’objet sur lequel se porte l’attention c’est’" qute petitionem ipsam circumslant, sicut est nécessitas pro qua petitur, Deut qui rogatur, et alia hujusmodi ; ici. ce sera ad flnem orationis, teilicet arf Deum ci arf rem pro qua oratur. Saint Bonaventure, De profeetu religiosorum, t. II, c. i.x, distingue aussi trois sortes d’attentions qu’on peut apporter a la prière, et qu’il appelle respectivement superficielle,

littérale et spirituelle ; les deux premh Tes ((.incident a peu [ires avec (elles de saint Thomas, mais la troisième en diffère ; l’attention spirituelle ((insisterait a découvrir derrière le sens littéral des psaumes le sens spiri luel qu’ils recèlent ; cf. Suarez, I. III, c. iv, n.’_'.

Certains auteurs dis ! i liguent une attention interne cl une attention citerne : celle-ci consisterait a s’abstenir.

quand on prie, de toute occupation Incompatible avec le minimum d’attention interne, c’est-à duc d’atten

tion proprement dite, requis dans la prière ; cf. V « 

meersch, op. cit., p. 17

Enfin, certains théologiens parlent d’une attention formelle ou ad utile et d’une attention virtuelle : celK ( i consisterait dans l’intention, la volonté, le ferme propos non rétracté d’étK attentif, d’une manière ou d’une autre, à la prière ; ferme propos qui persiste

parmi les distractions Involontaires, mais qu’interrom

Dent les distractions volontaires (jininuliu Ma vol’filai

durât, cetuetur altentio rfurare virlualiter, seu moraliter Suarez, tbid., n. 7. Vermeerscfa fait remarquer, p. it.

que c’est la une distinction imaginée pour les besoins de la cause : quand on enseigne que l’attention est absolument nécessaire a la prière et que néanmoins les

distractions Involontaires n’en Interrompent pas le

cours, il faut bien recourir ; i ce subtertu

2° L’attention ne nuit elle pus a la prnre’Cf. saint

Thomas, In I Y’Sent., ! ". cit. olUumquestion

qui aurait pique la curiosité de Henri lircmond : vide

tur quod attentlo orationi noeeedl Hugues de Saint-Victor ne dit-il pas, en effet, que la prière est vrai ment pure quand, par suite de l’Intensité (le la dévo tion, l’Ame (mena I est tellement embrasée quc se tournant vers Dieu pour l’implorer fpoatulatura), elle ne

pense même pas a ce qu’elle demande letiain SUC pctl lionis ol’lii’iscutur) ». Or. qui est capable d’un tel oubli, continue saint’Thomas, ne semble pas prête ! attention a la prière. Donc, il semble bien que la vraie prière serait empêchée par l’attention… »

La solution de la question se trouve dans la distinction des trois sortes d’attentions, et comme on ne peut être très attentif a plusieurs choses en même temps, il faut reconnaître que la première attention, si elle empêche la seconde, et, de même (elle ci si elle empêche li troisième, nuiront à la prière, en ce sens qu’elles en diminueront le fruit ; l’inverse, d’ailleurs, n’est pas vrai. Cependant, on ne peut pas dire qu’en général l’attention nuise à la prière : elle lui est plutôt profitable, comme en fait foi l’autorité de s. dut AugUS tin ». qui nous adresse cette recommandation : cum oratis Deum. hoc rersetur in conte quod projcrtur in ore. Tes raisons qu’on peut apporter pour prouver que