Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée
207
208
PRIÈRE. LE PRÉCEPTE DE LA PRIÈRE


ils obtiennent de Dieu ce qu’ils en attendent. » La prière est le geste naturel « le l’indigent ; en l’adoptant, en en faisant une condition nécessaire pour l’obtention de ses dons. Dieu s’est donc conformé à la nature humaine : Que fait le pauvre qui n’a rien ? Il s’en va frapper à la porte du riche, il ouvre une main suppliante, et reçoit l’aumône d’un cœur généreux. » Landriot, Instruction pastorale pour le saint temps de carême 1861, Œuvres, t. iii, p. 15. Suarez indique une autre « convenance » de cette disposition providentielle : elle se tire ex online et consuetudine divines providentiel. « Dieu, dit-il, agit, autant que faire se peut, par les causes secondes et, servata proportione, in operatione l’irtulis vult cooperalionem noslram. Donc, comme nous pouvons coopérer à notre salut au moins par la prière, après que nous avons été touchés par la grâce prévenante, c’est à bon droit que Dieu exige de nous cette coopération et qu’il a voulu que la prière fût quasi necessariam causalilalem secundæ causas ad talem efjectum. » Ibid., n. 5.

Malgré tout, cette exigence divine paraît dure à la nature humaine et c’est pourquoi les Pères, les théologiens, les prédicateurs se sont efforcés de la légitimer, d’en sonder les raisons mystérieuses, de répondre aux objections qu’elle soulève. Nous avons déjà vu saint Thomas aux prises avec ces difficultés, col. 204, et faisant valoir les utilités de la prière comme compensation à l’épreuve qu’elle impose à notre amour-propre. Le Catéchisme romain a repris cette tactique : « Si la prière est nécessaire, elle produit en même temps des fruits abondants qui doivent nous en rendre l’exercice infiniment agréable. » Loc. cit., c. ii, n. 1. Et tout le chapitre est consacré à rappeler celles des utilités de la prière « qui sont le plus en harmonie avec la pensée contemporaine ». Citons-en quelques-unes : 1° « Le premier fruit que nous tirons de la prière, c’est que par elle nous honorons Dieu… En priant, nous professons que nous sommes dépendants de Dieu, nous le reconnaissons pour l’auteur de tous biens, nous mettons en lui seul notre confiance, et nous le regardons comme l’unique soutien, l’unique refuge de qui nous puissions attendre notre conservation et notre salut. » Ibid., n. 1.

— 2° « Un second fruit de la prière, infiniment avantageux et consolant, est celui qu’on en retire lorsqu’elle est exaucée de Dieu… ; prier est une chose si utile et si efficace que par elle nous obtenons tous les biens spirituels. .. », n. 2. — 3° « Un troisième fruit de la prière, c’est qu’elle est un exercice de toutes les vertus, et qu’elle les augmente toutes ; ce qui est vrai surtout de la foi… ; la charité s’accroît aussi dans la prière… », n. G et 8. — 1° La joie est encore un fruit de la prière : omnino inest in precalinne singularis gaudii cumulus, n. 2. « Voir ses amis et converser avec eux augmente encore et enflamme l’amitié : ainsi plus les hommes pieux conversent avec Dieu par la prière, en invoquant les effets de sa bonté, plus aussi ils sentent croître en eux une sainte joie qui accompagne leurs prières et plus ils sont portés à l’aimer et à le servir avec ardeur », n. 8. Mgr Landriot a consacré toute VInstruction pastorale déjà citée à « l’utilité, la facilité, la douceur » de la prière ; cf. Œuvres, t. iii, p. 276-371.

Mais faire valoir l’utilité, la facilité, la douceur de la prière, c’est bien nous encourager à accepter de bon cœur cette condition que Dieu a mise à l’octroi de ses dons, ce n’est pas répondre directement à la question que nous ne pouvons manquer de nous poser : pourquoi Dieu a-t-il voulu qu’il en fût ainsi ? Pouvons-nous pénétrer ce mystère ? À plusieurs reprises, le Catéchisme romain paraît vouloir s’y aventurer. « Dieu pourrait, il est vrai, nous accorder toutes les choses nécessaires sans prières et même sans désirs de notre part, comme il fait par rapport aux animaux, à qui il donne tout ce qui est nécessaire à leur existence. Mais

c’est un père plein de bouté qui veut être Invoqué par ses enfants : il veut qu’en le priant tous les jours notre prière se fasse avec plus de confiance ; il veut, en nous accordant ce que nous demandons, nous montrer de plus en plus tous les jours sa libéralité et sa tendresse envers nous. » N. 7. « Si Dieu veut que nous ayons recours à l’exercice de la prière, c’est pour exciter dans nos coeurs des désirs plus ardents des choses que nous lui demandons, afin que nous puissions recevoir ensuite des biens et des grâces dont une âme froide et, pour ainsi dire, rétrécie par la tiédeur, ne saurait être digne. » N. 9. « // veut, en outre, nous faire comprendre et sentir à chaque instant que nous ne pouvons rien de nous-mêmes et sans le secours de la grâce. » Ibid. Saint Augustin s’est-il plus approché des insondables desseins de Dieu à ce sujet quand il dit : « Dieu veut que tu pries pour que tu désires ce qu’il t’accorde, afin que ses dons ne s’avilissent pas à tes yeux », ideo voluit ut ores, ut desideranti det, ne vilescat quod dederit’.' Serm., i.vj. n. 4, P. L., t. xxxviii, col. 379 ; cf. Landriot, op. cit., t iii, p. 31-34. Mais quand bien même les intentions divines nous demeureraient impénétrables, nous devrions nous incliner devant la loi : » Dieu est le maître. Il nous a dit : Petite et accipietis. La condition est précise et clairement exprimée : il faut l’accepter ou renoncer à la faveur promise. » Landriot, ibid., p. 31.

II. L’OBLIGATION DE LA PRIEUR. — 1° La question préalable : la prière peut-elle être matière d’uneobliyation, d’un précepte’.' — C’est la question que se pose saint Thomas, In I V im Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, qu. 3. Une prière obligatoire paraît être une contradiction dans les termes. Car qu’est-ce qu’une prière, sinon l’expression d’un désir, quædam volilorum petitio ; c’est-à-dire un acte qui procède essentiellement de la volonté. oratio maxime est voluntati.i. Mais ce qui procède de la volonté ne peut procéder en même temps de la nécessité, de la contrainte, de l’obligation : quod volnntatis est, non est necessitatis. Il n’est pas besoin, il semble contradictoire qu’on commande à l’indigent de mendier, à celui qui se noie de crier au secours. La même objection est reprise dans Sum. theol., II 1 - II*, q. lxxxiii, a. 3, 2e obj. Nous nous contenterons de renvoyer à saint Thomas pour la réponse à cette question purement théorique.

2° L’existence de l’obligation, du précepte de la prière.

— Il y aurait eu jadis, au rapport de Médina. Codex de oratinne, q. ix, De neccssitale orandi menlatiter, diversité d’opinions entre les théologiens sur ce point ; pour les mettre d’accord, un théologien aurait imaginé une distinction : in se et ratione sui et absolule, la prière ne serait pas de nécessité de précepte divin ; mais elle le serait ex supposilione, c’est-à-dire dans l’hypothèse où le salut ne pourrait être obtenu sans elle, dans l’hypothèse où, sans elle, nous ne pourrions éviter quelque péché ou surmonter quelque tentation. Médina, Suarez, rejettent cette distinction et soutiennent cette thèse, qu’ils déclarent « commune » : Simpliciter asserendum est orationem positam esse sub præcepto divine Suarez, op. cit., t. I, c. xxix, n. 2.

Le Catéchisme romain, part. IV, c. i, n. 2, est formel à cet égard : « La première chose à enseigner, c’est la nécessité de la prière, dont le commandement ne nous a pas seulement été donné à titre de conseil, mais possède encore la force d’un ordre inéluctable ; ce qui ressort de ces paroles du Seigneur : oportet semper orare. L’Église elle-même nous montre cette nécessité de la prière par cette espèce de préface qu’elle récite avant l’oraison dominicale : Pneceptis salutaribus mnnili… Ce devoir de la prière, les apôtres ne manquèrent pas de l’intimer à ceux qui embrassaient la religion chrétienne. »

Le fondement scripturaire de la thèse, les théologiens, comme le Catéchisme romain le voient surtout