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PREDESTINATION. SA DÉFINITION


pour l’amabilité que nous avons non pas causée, mais trouvée en eux, en Dieu, au contraire, l’élection, antérieure à la prédestination, suit la dilcclion, car son amour créateur et conservateur, loin de supposer en nous l’amabilité, la pose en nous, lorsqu’il nous accorde et nous conserve ses dons naturels et surnaturels.

C’est la plus haute application du principe de prédilection : « Comme l’amour créateur de Dieu est la source de tout bien, nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. » I », q. xx, a. 3. C’est pourquoi, dans l’Écriture et chez les Pères, les prédestines sont souvent appelés les élus, elecli et les bienaimés, dilecli, Matth., xx, 16 ; xxii, 14 ; xxiv, 22 ; Marc, xin, 20, 22 ; Rom., viii, 33 ; Col., iii, 12 ; IITim., ii, 10, ou encore : Venite, benedicti Patris mei, possidete paralum vobis regnuin a constitutione mundi. Matth., xxv, 34.

Il suit enfin de la définition de la prédestination, comme le dit saint Thomas, qu’elle est, « par son objet, une partie de la providence >. I a, q. xxiii, a. 1. La providence, en effet, regarde les trois ordres de la nature, de la grâce et de l’union hypostatique, tous ordonnés à la même fin suprême, à la manifestation de la bonté de Dieu. Mais, tandis que la providence générale n’atteint pas toujours certaines fins particulières, qui ne sont pas toujours voulues de volonté efficace, mais seulement de volonté antécédente et inefficace, la prédestination, elle, conduit toujours et infailliblement les élus à la vie éternelle, que Dieu veut efficacement pour eux.

2° La prédestination ainsi conçue est celle dont parle l’Écriture. — Cette prédestination, par laquelle Dieu dirige infailliblement certains plutôt que d’autres à la vie éternelle, nous est affirmée par la révélation, quoi qu’en aient dit les pélagiens et les semi-pélagiens.

Notre-Seigneur Jésus-Christ dit à ceux qui murmurent au sujet de ce qu’il annonce : Nemo potest venire ad me, nisi Pater, qui misit me, traxeril eum ; et ego ressuscitabo eum in novissimo die. Joa., vi, 44. A plusieurs reprises, il parle des élus (Matth., xx, 16 ; xxii, 14 ; xxiv, 22 ; Marc, xiii, 20, 22) et il dit que personne ne pourra les arracher de la main de son Père : Oves meæ vocem m : am audiunt… El ego vitam œlernam do eis, et non peribunt in œlernum, et non rapiel eas quisquam de manu mia. Pater meus quod dédit mihi, mijus omnibus est ; et nemo potest rapere de mmu Patris mei. Joa., x, 27-29. Cela montre que, non seulement Dieu connaît d’avance les élus, mais qu’il les a aimés, choisis plutôt que d’autres, et qu’il les garde infailliblement dans sa main, c’est-à-dire par sa toute-puissance.

C’est ce que saint Paul précise en disant, Rom., vin, 28 sq. : Scimus quoniam diligenlibus Deum omnia cooperantur in bonum, iis qui secundum proposilum vocati sunt sancti. Nam quos præscivit, et prædeslinavit. .. ; quos autem prædestinavit, hos et vocavil ; et quos vocavit, hos et juslificavit ; quos autem juslificavit, illos et glorificavit. Ce sont les effets infaillibles de l’éternelle prédestination. Notons au sujet du quos præscivit contenu dans le texte que nous venons de citer qu’il n’est pas dit : quorum mérita sallem condilionalia præscivit, et que cette expression quos præscivit, « ceux qu’il a d’avance connus d’un regard de bienveillance », s’applique aussi bien aux enfants qui mourront sitôt après leur baptême, sans pouvoir mériter, qu’aux adultes. Saint Augustin dira : Prædeslinatione quippe Deus ea præscivit, quæ fuerat ipse faclurus. De dono pers., xviii, 47, et De præd. sanct., x, 19. Saint Thomas entendra : « Ceux qu’il a prévus avec bienveillance, il les a choisis et prédestinés », et il verra dans ces actes la suite normale : dernier jugement pratique, élection et impehum, suivi de l’exécution : vocation, justification, glorification. I*, q. xxiii, a. 1 et 4.

Ces actes, dans la pensée de saint Paul, supposent une intention divine, exprimée au même endroit,

Rom., viii, 29 : « Ceux qu’il a prévus d’un regard de bienveillance, il les a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né d’un grand nombre de frères. »

Telle est l’intention divine qui inspire tous ces actes, elle s’unit à celle de la gloire de Dieu, manifestation de sa bonté, comme il est dit, Rom., ix, 23 : « Dieu a voulu faire connaître les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde, qu’il a d’avance préparés pour la gloire. » Cf. Eph., i, 12.

Saint Paul n’a pas moins noté l’élection, Eph., i, 4 : Elegit nos (Deus) in ipso (Christo) anle mundi constitutionem, ut essemus sancti… ; il a insisté sur le caractère souverainement libre de cette élection, ibid., i, 1 1 : « C’est dans le Christ que nous avons été choisis, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté, pour que nous servions à la louange de sa gloire. »

Aussi saint Augustin peut-il écrire contre les semi-pélagiens, dans le De dono perseverantiæ, xix, 48 : Neminem contra istam prædestinalionem, quam secundum Scripturas sanctas dejendimus, nisi errando dispulare poluisse.

Il est du reste évident que Dieu ne fait rien dans le temps sans l’avoir préordonné de toute éternité, car autrement il commencerait à vouloir quelque chose dans le temps, ou quelque chose arriverait fortuitement en dehors de toute intention ou permission divine, ce qui est absurde. Or, c’est Dieu qui, dans le temps, conduit certains à la béatitude éternelle qui dépasse les forces de toute nature créée. Il a donc préordonné de toute éternité qu’il les y conduirait, et c’est là la prédestination. Son existence est donc absolument indubitable.

Rien plus, sans la prédestination, nul n’arriverait à la béatitude éternelle, car tout bien vient de Dieu, surtout le salut, surtout la béatitude éternelle, qui est d’ordre surnaturel et est absolument inaccessible aux forces naturelles de toute nature créée et créablc.

Les semi-pélagiens ont objecté : s’il y a une prédestination infaillible, je suis prédestiné ou non. Si oui. quoi que je fasse, je serai infailliblement sauvé ; sinon, quoique je fasse, je serai infailliblement damné. Je puis donc faire tout ce qui me plaît. Saint Augustin répondit d’abord aux semi-pélagiens : si ce raisonnement avait quelque valeur, il empêcherait d’admettre non seulement l’existence de la prédestination, mais celle même de la prescience admise pourtant par les semi-pélagiens. De dono pers., xv, 38. Les thomistes répondirent de même à une objection toute semblable qui leur était faite par les molinistes.

Plusieurs saints ont ajouté : si ce dilemme semi-pélagien était fondé, les démons par la vigueur naturelle de leur intelligence en saisiraient la vérité mieux encore que nous et ne prendraient plus la peine de nous tenter. Il est même des saints qui ont répondu au démon, en rétorquant ce sophisme par lequel il voulait les jeter dans le désespoir : « Si je ne suis pas prédestiné, même sans tes efforts pour me perdre, , je me perdrai ; et si je suis prédestiné, quoi que tu fasses, je serai sauvé. »

La réponse définitive à cette objection est donnée par saint Thomas : la Providence, dont la prédestination est une partie, ne supprime pas les causes secondes et elle porte non seulement sur l’effet final, mais sur les moyens ou les causes secondes qui le doivent produire. Dieu ne prédestine donc pas les adultes à la fin, c’est-à-dire à la gloire, sans les prédestiner aux moyens, c’est-à-dire aux bonnes œuvres salutaires et méritoires, par lesquelles cette fin peut et doit être obtenue par eux. I », q. xxiii, a. 8.

Le sophisme semi-pélagien est aussi faux que celui du laboureur qui dirait : Si Dieu a prévu que l’été pro-