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    1. PHKDKSTINATION##


PHKDKSTINATION. COMPARAISON DES SYSTÈMES

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par Dieu ? On reconnaît là le principe de prédilection, auquel saint Augustin et saint Thomas ont reconnu une valeur absolue et universelle.

On est ainsi conduit à une classification méthodique des systèmes que nous avons exposés plus haut. Cette classification doit s’inspirer non de la défense d’une doctrine d’école, mais de deux grandes vérités de foi : la toute-puissance de Dieu, souverainement bon, qui prédestine et qui est l’auteur du salut, et la volonté salvifique universelle.

On a donné trois classifications des systèmes théologiques relatifs à la prédestination. La première communément proposée considère plus les conclusions des théologiens que leurs principes. La seconde, proposée par le IL P. Billot, S. J., du point de vue moliniste, considère plutôt les principes adoptés par les théologiens. La troisième, proposée par le P. del Prado, O. P., du point de vue thomiste, considère aussi plutôt les principes des théologiens que leurs conclusions.

1. Selon la classification commune, il y a deux tendances principales : la tendance de ceux pour qui la prédestination des adultes à la gloire est posl prævisa mérita (ce sont les purs molinistes comme Vasquoz, Lessius, etc.) ; la tendance de ceuxpour’qui la prédestination des adultes à la gloire est anle præuisa mérita et la réprobation négative ou non-élection ante preevisa démérita (ce sont les thomistes, les augustiniens, les scotistes et même les congruistes à la manière de Bellarmin et de Suarez).

Mais parmi ces derniers théologiens qui admettent la gratuité absolue de la prédestination des adultes à la gloire, presque tous les anciens, c’est-à-dire les thomistes, les augustiniens, les scotistes, tiennent qu’elle est fondée sur les décrets divins prédéterminants, tandis que le congruisme de Bellarmin et de Suarez rejette ces décrets et conserve la théorie de la science moyenne pour expliquer la distribution de la grâce dite « congrue » et la certitude divine du consentement que lui donneront les élus.

2. Une deuxième classification a été proposée par le P. Billot, De Deo uno, éd. 1910, p. 270, éi. dernière, p. 290. Tandis que les uns, dit-il, fondent la prescience, qu’implique la prédestination, sur les décrets prédéterminants, les autres la fondent sur la science moyenne. Parmi cas derniers, le P. Billot distingue : 1 J ceux qui, comme Vasquez et Lessius, admettent la prédestination des adultes à la gloire post præuisa mérita futura et la non-élection posl prævisa démérita futura ; 2° ceux qui, au contraire, comme Suarez, disent que la prédestination des adultes à la gloire est ante prævisa mérita etiam ut futuribilia, et la réprobation négative ou non-élection anle prævisa démérita etiam ut futuribilia ; 3° ceux qui tiennent que la prédestination des adultes à la gloire est post prævisa mérita ut futuribilia, sed non ut futura. Le P. Billot admet cette dernière opinion, en soutenant que c’est celle même de Molina ; en d’autres termes, pour lui, ce qui est absolument gratuit, c’est le choix divin des circonstances dans lesquels Dieu place tel homme, après avoir prévu par la science moyenne qu’en ces circonstances il donnerait un bon consentement. Pour ce qui est de la réprobation négative individuelle ou non-élection, le P. Billot se rapproche de Vasquez, position qu’il est fort difficile d’établir.

3. Une troisième classification enfin a été proposéa par le P. del Prado, O. P., De gratia et libero arbilrio, t. iii, 1911, p. 188. Elle aussi considère surtout les principes des deux principales écoles, suivant qu’elles admettent soit les décrets divins prédéterminants, soit la science moyenne. Mais elle insiste sur ce point que seuls les théologiens qui admettent les décrets divins prédéterminants restent fidèles à ce qu’a écrit saint

Thomas, i^, q. xxiii, a. 5 : Tout ce qui dans l’homme l’ordonne au salut est compris tout entier sous l’effet de la prédestination, même la préparation à la grâce », et donc même la détermination libre de l’acte salutaire en tant qu’elle est en cet homme plutôt qu’en tel autre et non pas inversement. C’est bien le sens de la phrase de saint Thomas, qui a écrit un peu plus haut : Non est autem distinction quod est ex libero arbilrio et ex prædestinatione ; sictit nec est distincium quint est ex causa secunda et ex causa prima.

Ajoutons ce que le P. del Prado indique ailleurs : seuls les théologiens qui admettent l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce reconnaissent la valeur absolue et universelle du principe de prédilection formulé par saint Thomas, I a, q. xx, a. 3 : « Comme l’amour de Dieu est source de tout bien, nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. » Saint Thomas a écrit de même, ! a, q. cxii, a. 4 : Qui migis se ad gratiam prmparal, pleniorem graliam accipit. Sed præparalio ad gratiam non est hominis, nisi in quantum liberum arbilrium ejus prseparatur a Deo. Unde prima causa hujusce diversilalis accipienda est ex parle ipsius Dei, qui diversimode suæ graliæ dona dispensai. Saint Thomas dit de même, In Malin., xxv, 15 : Qui plus conatur, plus habet de gratia, sed quod plus conetur, indiget altiori causa.

Ce principe de prédilection, ncus l’avons vii, suppose que les décrets divins relatifs à nos actes salutaires futurs sont intrinsèquement et infailliblement efficaces. Si, en effet, ils ne le sont pas, il peut arriver que, de deux hommes également aimés et également aidés par Dieu dans les mêmes circonstances, l’un soit fidèle à la grâce et l’autre pas. Ainsi, sans avoir été plus aimé et plus aidé par Dieu, l’un deviendrait meilleur que l’autre, par un acte facile ou difficile, initial ou final. C’est ce que, contrairement à saint Thomas, a soutenu Molina, qui réduit ainsi le principe de prédilection au choix des circonstances favorables, dans lesquelles Dieu place ceux qu’il a prévus par sa science moyenne devoir bien user de la grâce en ces circonstances mîmes. On se rappelle la proposition de Molina : ci-dessus, col. 2967.

Comparaison des systèmes.

Cette comparaison,

d’après ce que nous venons de dire, revient à se demander quelle est la valeur du principe de prédilection : nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. Ce principe a-t-il une valeur absolue et universelle, comme le soutiennent les anciens théologiens, particulièrement les thomistes, ou seulement une valeur relative et restreinte, comme le pensent les molinistes et les congruistes ?

Comme nous l’avons déjà indiqué, en exposant la doctrine de saint Thomas, dans l’ordre philosophique ce principe apparaît comme un corollaire du principe de causalité appliqué à l’amour de Dieu, cause de tout bien. Cum amor Dei sil causa bonitatis rcrum, dit saint Thomas.

Dans l’ordre de la grâce, ce principe de prédilection est révélé ; saint Paul l’a exprimé en disant : Quis enim te discernil ? Quid autem habes quod non accepisli ? I Cor., iv, 7. Et il le trouve exprimé dans l’Ancien Testament, comme il ledit, Rom., ix, 15 : Moysi enim diçit (Dominus) : Miserebor cujus misereor, et misericordiam prœstabo cujus miserebor. Nous avons vu que ce principe de prédilection soutient toute la pensée de saint Augustin, et qu’en ces questions il l’applique aux anges eux-mêmes lorsqu’il remarque que, si les bons et les mauvais anges ont été créés œqualiter boni, les premiers amplius adjuti ad bealiludinem p.ervenTimt, tandis que les autres par leur propre défectibilité sont tombés. De civ. Dei, XII, ix. D’où le mot célèbre d’Auî ^usi in : Quare hunctrahat (Deus) et illum non trakat.noli velle dijudicare, si non vis errare. In Joa., tr. xxvi, init.