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on oc sons qu’il y a là doux causes totales subordonnées et non pas deux causes partielles coordonnées.

Saint Thomas ajoute que la causalité transcendante de Dieu produit en nous et avec nous jusqu’au mode libre de nos actes, I », q. xix. a. 8, car ce mode est encore de l’être dépendant de L’Être premier. Ce mode libre, c’est l’indifférence dominatrice actuelle do notre volonté, qui se porte actuellement vers tel bien incapable de l’attirer invinciblement, elle qui est spécifiée par le bien universel, et qui ne pourrait être invinciblement captivée que par l’attrait de Dieu vu face à face. Cotte indifférence dominatrice du vouloir, qui constitue son mode libre, est une participation d’une perfection absolue do Dieu, c’est-à-dire de sa liberté, mais participation analogique seulement, car aucune perfection ne peut appartenir univoquement, c’est-à dire selon le mémo sens, à Dieu et à nous. De là saint Thomas déduit que nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu. I a, q. xx, a. 3. Ainsi, toute sa doctrine de la prédestination dérive du principe : Cum amor Dei sit eausa bonilalis rerum, non esset aliquid alio melius, si Deus non vellel uni majus bonum quam alleri. I ». q. xx, a. 3. C’est un corollaire du principe de causalité et du principe de l’universelle causalité de l’agent premier. Saint Thomas ne doute pas un instant que les lois de l’action libre ne soient en harmonie avec celles plus générales de l’être et de l’agir et ne puissent les contrarier.

Molina part au contraire d’une définition de la liberté qui exclut l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce. Par là, ce qu’il y a de meilleur dans nos actes salutaires, leur détermination libre, qui rend la grâce efficace, paraît se soustraire à la causalité universelle de Dieu. D’où la négation du principe de prédilection tel qu’il a été formulé par saint Thomas. On lit en effet dans l’index de la Coneordia, au mot liberum arbitrium : Libertas arbitra sufficit, ute duobus vocatis inlerius œquali auxilio, unus eonvertatur et alius non item, p. 51. De deux hommes également aidés par Dieu, l’un devient parfois meilleur que l’autre, meilleur sans avoir plus reçu. On prévoit que les principales objections des thomistes porteront sur ce point et que toute la controverse reviendra au dilemme : Dieu est déterminant ou déterminé, pas de milieu ; la prescience divine, unie à la volonté divine, est cause de nos déterminations libres, ou passive à leur égard ; Dieu est auteur ou seulement spectateur de ce qui commence à discerner le juste de l’impie. En d’autres termes, quel est, au plus juste, le sens de la parole de saint Paul : Quis enim le discernit ? Quid autem habes quod non accepisti ?

L’essence du molinisme est dans la définition susdite de la liberté et dans les conséquences qu’entraîne celle-ci : la négation de l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce, auxquels sont substituées la science moyenne et la grâce extrinsèquement efficace de par notre consentement prévu. Sur ces points, malgré leurs divergences accidentelles, tous les molinistes sont d’accord.

II faut noter que dans le système moliniste cette définition de la liberté devrait pouvoir s’appliquer à la liberté impeccable du Christ, qui pourtant obéissait librement, de telle manière que, non seulement il ne désobéissait jamais, mais qu’il ne pouvait pas désobéir : image très pure de la souveraine et impeccable liberté de Dieu, dans laquelle ne se trouve pas l’indifférence dominatrice potentielle, mais seulement l’indifférence dominatrice actuelle à l’égard de tout le créé ; ce qui nous montre, disent les thomistes, que notre liberté subsiste, lors même que, sous la grâce efficace, l’indifférence dominatrice n’est plus potentielle, mais actuelle, on ce sens que Dieu, loin de nous violenter, produit en nous et avec nous le mode libre de nos actes.

5° Les principales objections faites au molinisme. Les objections qui furent faites contre la Coneordia de .Molina dès son apparition il est facile de s’en rendre compte par colles qui sont rapportées dans l’appendice do cet ouvrage (éd. cit., p. 575-606) portenl principalement contre trois thèses du molinisme : 1. sa définition de la liberté ; 2. sa théorie do la science moyenne et do la grâce efficace, par rapport surtoul au principe do prédilection ; 3. sa théorie de la prédestination post prævisa mérita.

1..Sur la définition de la liberté. — Les premiers adversaires du molinisme, comme on peut le voir chez les thomistes de cette époque, affirmeront que le système reposait tout entier sur une définition de la liberté humaine qui ne peut s’établir ni par l’expérience, ni à priori, et qui n’est autre qu’une pétition de principe. Ainsi Banez, Lemos, Alvarez, Jean de Saint’- T bornas, les Salmanticenses.

L’expérience, dirent-ils, ne saurait montrer que la détermination libre de nos actes salutaires est indépendante comme telle de la causalité divine, que Dieu ne la cause pas en nous et avec nous, en produisant jusqu’au mode libre de nos actes ; cette mystérieuse causalité divine, plus intime à la liberté qu’elle-même, ne tombe pas plus en effet sous notre expérience que la conservation divine qui nous maintient dans l’existence.

La raison ne saurait davantage, selon ces théologiens, établir la valeur de cette définition. Elle montre au contraire que l’indifférence potentielle entre deux partis n’est pas de l’essence de la liberté, puisqu’elle ne saurait se trouver en Dieu, qui est souverainement libre, et qu’elle n’existe plus dans notre acte libre déjà déterminé. Quant à l’indifférence actuelle ou active. contenue dans l’acte libre déjà déterminé, elle ne peut convenir à Dieu et à nous d’une façon univoque, mais seulement d’une façon analogique ou proportionnellement semblable, selon une participation, qui met notre élection libre salutaire en ce qu’elle a de plus intime et de meilleur dans la dépendance de l’élection divine. Ce serait, dirent les thomistes, une pétition de principe de nier cette dépendance, en supprimant un des éléments du problème à résoudre, et ils protestèrent contre elle au nom du principe de causalité et de celui de la suréminence universelle et transcendante de la causalité divine.

La révélation, ajoutèrent-ils, ne saurait être invoquée en faveur de cette définition puisqu’elle nous dit : Domine Rex omnipotens… non est qui résistât majestuti tuæ (Esther, xiii, 9-12) ; Sicut divisiones aquarum, ila cor régis in manu Domini : quoeumque voluerit. inclinabit illud (Prov., xxi, 1) ; Operatur in nobis et velle et perfîcere, pro bonà voluntate. Phil., ii, 13.

Le concile de Trente n’impose pas davantage cette définition lorsque, contre les protestants qui soutenaient que la grâce de soi efficace détruit la libellé, il déclare : Si quis dixerit, liberum hominis arbitrium a Deo molum et excitatum nilul cooperari assentiendo Deo excitanli atque vocanti, quo ad obtinendam juslificationis gratiam se disponat ac prseparet, neque posse dissentire si velit, sed, veluli inanime quoddam, nilul omnino agere, mereque passive se habere, A. S., Sess. vi, can. 4. — Par cette définition, à la préparation do laquelle plusieurs augustiniens et plusieurs thomistes prirent part, est exclue, disent les adversaires de Molina, la thèse protestante selon laquelle la grâce de soi efficace est nécessitante ou inconciliable avec la libertas a necessilate ; par celle déclaration du concile, il est affirmé que, sous celle grâce, noire volonté coopère vitalement et librement à l’acte salutaire, qu’elle a le pouvoir tic résister si elle le veut ; mais il n’est point dit quc. sous cette grâce efficace, il arrive qu’elle veuille de fait résister, cl. s’il en était ainsi, la grâce ne