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PREDESTINATION DUNS SCOT
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modo sit, sictit Deus vull illud esse… Igitur efficacia divinæ voluntatis contingentiam non tollit. La volonté divine conséquente est donc toujours efficace par elle-même. Capréolus dit aussi, / Sent., dist. XXXV, q. ii, a. 2 (éd. Paban-Pègues, p. 483) : Nullus efjectus procedil a divina scientia nisi medianle voluntate, quæ déterminai scientiam ad opus. C’est le décret sans lequel l’intelligence divine ne saurait connaître infailliblement les futurs libres, soit conditionnels, soit absolus. Cf. Ude, op. cit., p. 222-245, où se trouvent cités les principaux textes de Capréolus, qui admet du reste, comme tous les thomistes, que nul homme ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé et plus aidé par Dieu. I, dist. XLI, q. i, a. 2.

2° Cajelan (In 7 am, q. xxiii, a. 4 et 5) défend contre Henri de Gand la doctrine de saint Thomas telle que nous l’avons exposée, il a d’ailleurs nettement affirme plus haut, q. xix, a. 8, l’efficacité transcendante de la causalité divine : Quia illud velle efficacissimum est, et res et modi voliti fiunt. Ibid., n. tO. Loin de détruire le mode libre de nos actes, la causalité divine souverainement efficace le produit en nous et avec nous ; cf. q. cv, a. 4 et 5. Cajetan admet du reste aussi le principe de prédilection. Ibid., q. xx, a. 3 et 4 : Ex hoc aliqua sunt meliora, quod Deus eis majus bonum vult, et q. xxiii, a. 4 : Dilectio eleclionis est ratio apud Deum. Cf. In i am, q. xiv, a. 13, n. 17 ; In Rom., ix, 23.

3 r Silvestre de Ferrare, à la même époque que Cajetan, défend la même doctrine dans son Commentaire sur le Contra gentes, I. III, 1(53 : Secundum quod atiquos ab œlerno Deus præordinavil ut dirigendos in ullimum finem, dicitur eos prædeslinasse… Illos autem quibus ab œterno disposait se gratiam, scilicel finalem, non daturum, dicitur reprobasse… Sub ipso lolali efjectu prædestinationis comprehenditur quicquid est in homine ipsum ordinans in salutem. La prédestination à la gloire ne peut donc être ex prævisis merilis.

Silvestre, comme Cajetan, réfute ici Henri de Gand, et, comme lui’aussi, il admet que les décrets de la volonté divine relatifs à nos actes salutaires sont efficaces par eux-mêmes. Cf. In contra génies, 1. 1, 85t. II, 29, 30 ; t. III, 72, 73, 90, 94 ; d’où le principe de prédilection, cꝟ. t. I, 91 ; t. III, 150. Ce principe avait été trop nettement affirmé par saint Thomas pour être nié par aucun de ses commentateurs. Or, il suppose, nous l’avons vii, que les décrets divins relatifs à nos actes salutaires sont efficaces non par notre consentement libre prévu, mais par eux-mêmes.

Sur ce point capital et sur l’efficacité intrinsèque de la grâce, presque tous les anciens théologiens, soit augustiniens, soit thomistes, soit scotistes, sont d’accord, bien qu’ils diffèrent sur un point secondaire, relatif à la motion divine qui assure l’exécution des décrets divins. Les thomistes, suivant l’enseignement de leur maître, I », q. xix, a. 8 ; q. cv, a. 4 et 5 ; Ia-Hæ, q. ix, a. 6 ; q. x, a. 4, ad 3 « m ; e t c., soutiennent que cette motion n’est pas seulement morale ou d’ordre objectif, par manière d’attrait, mais physique, quoad exercilium, et qu’elle n’est pas seulement une prémotion générale indifférente, mais une prémotion qui, sans nous nécessiter, nous porte infailliblement, jorlitcr et suaviter à nous déterminer à tel acte salutaire, plutôt qu’à l’acte contraire. Les augustiniens expliquent l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce par une motion d’ordre moral ou objectif, qu’ils ont appelé souvent delectalio viclrix. A quoi les thomistes répondent que cette delectalio n’existe pas pour les actes salutaires accomplis dans une grande aridité et avec beaucoup de difficulté, et que, de plus, dans l’ordre des motions morales par manière d’attrait, une seule attire infailliblement, c’est celle de Dieu vu face à face.

Scot, nous allons le voir, s’accorde aussi avec saint Thomas et les thomistes, sur la gratuité absolue de la

prédestination a la gloire, sur l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce, mais, au lieu de la prémol ion physique prédéterminante et non nécessitante, il admet une sorte de sympathie entre la liberté créée et la liberté incréée, sympathie qui se ramène à une motion morale par manière d’attrait victorieux.

Dans le grand problème qui nous occupe, ces divergences, comme l’ont souvent noté les thomistes, sont secondaires. Si, en effet, on s’accorde à reconnaître que les décrets divins et la grâce sont efficaces non par notre consentement prévu, mais par eux-mêmes, il est beaucoup moins important de savoir par quel genre de motion est assurée l’exécution de ces décrets. De même, si l’on accorde que notre volonté meut à son gré nos deux bras, il est beaucoup moins important de savoir par l’intermédiaire de quels centres nerveux elle les meut.

VIII. Duns Scot.

Le Docteur subtil affirme très nettement la gratuité absolue de la prédestination à la gloire, ainsi que l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce.

Il écrit, Comm. Oxon. in I am Sent., dist. XLI, q. un. (éd. Ouaracchi, 1912, n. 1153, p. 125B) : Deus non pnevidet istum bene usurum libero arbilrio, nisi quia vull vel preeordinal islum bene usurum eo ; quia, sicut dictum est, disl. XXXIX (n. 1129), cerla prævisio futurorum contingenlium est ex determinatione voluntatis divinæ. Si ergo offerantur voluntati divinæ duo œquales in naturalibus, quiero, quare islum præordinat bene usurum libero arbilrio et illum non ? Non est hujus, ut videtur, ussignare rationem, nisi voluntatem divinam. Scot écrit cela contre Henri de Gand, et il reste sur ce point d’accord avec saint Thomas.

Il ajoute, ibid., n. 1154 :

Potest aliter dici, quod prædestinationis nulla est ratio, etiam ex parte prsedestinati, aliquo modo prior ista prædestinatione ; reprobationis tamen (positivée) est aliqua causa.

a) Primum probatur quia volens ordinate finem et ea quæ sunt ad finem, prius vuft finem quam afiquod entium ad finem, quia propter talem finem aliavult ; ergo, cum in toto processu, quo creatura beatificabilis perducitur ad perfectum finem, finis ultimus sit beatitudo perfecta, Deus, voiens huic aliquid istius ordinis, primo vult huic creaturae beatificabili finem et quasi posterais vult sibi(ei) alia quæ sunt in ordine iflorum quæ pertinent ad illum finem : sed gratia, fides, mérita et bonus usus liberi arbitrii, omnia ista ad istum finem sunt ordinata, licet quædam remotius et quædam propinquius ; ergo primo isti vult Deus beatitudinem quam aliquod istorum, et prius vuft ei quodeumque istorum quam prsevideat ipsum habiturum quodeumque istorum ; igitur propter nullum istorum prawisum vult ei beatitudinem.

b) Secundum probatur, quia damnât io non videtur bona nisi quia justa : nam, secundum Augustinum Super Gen., c. xvii, non prius est Deus uitor quam aliquis sit peccator.

En tout cela, Scot s’accorde avec saint Thomas. On a écrit récemment que c’est Scot le premier qui a introduit en cette question de la prédestination le principe : volens ordinale finem et ea quæ sunt ad finem, prius vull finem. Saint Thomas avait écrit équivalemment, D, q. xxiii, a. 4 : Non præcipitur aliquid ordinandum in finem, nisi præexislente voluntate finis. Unde prædestinalio aliquorum in salutem œlcrnam præsupponit secundum rationem, quod Deus illorum velil salutem, ad quod perlinet eleclio et dilectio.

Là où Scot diffère de saint Thomas, c’est sur la notion de mérite et sur la nature de la motion divine qui assure l’exécution des décrets divins. Au lieu d’admettre, comme les thomistes, la prémotion physique non indifférente, il parle, avons-nous dit, d’un mystérieux influx appelé par plusieurs de ses disciples sympathia. En vertu de cette sympathie, la liberté créée s’incline infailliblement et librement dans le sens du décret de la liberté divine, en laquelle elle se trouve comme virtuellement contenue. Cf. Op. Oxon., i,