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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. S. THOMAS. CONSKOIKNCKS DU PRINCII’K

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infailliblement son fiai avec une pleine liberté ; ainsi encore le Christ a voulu librement mourir pour nous sur la croix à l’heure immuablenient lixée d’avance ; ainsi le boa larron et le centurion se sont convertis comme Dieu l’avait efficacement voulu. C’est pour saint Thomas la suite normale de la toute-puissance de la volonté et de l’amour dé Dieu ; le grand mystère commence surtout avec le péché. Ce qui est manifeste, pour saint Thomas comme pour saint Augustin, c’est que tout bien, même celui de notre détermination libre salutaire, vient de Dieu, et vient tout entier de lui comme cause première, lors même que cette détermination libre vient tout entière de nous comme cause seconde. I a. q. xxiii, a. 5 : Xon est distinction quod est ex libero arbitrio et ex prædestinalione, sicut nec est distincturh quod est ex causa secundo et ex causa prima.

Or, si les décrets divins relatifs à nos actes salutaires et si la grâce actuelle, qui assure l’exécution de ces décrets, n’étaient pas efficaces par eux-mêmes, mais seulement par notre consentement prévu, la science et la volonté divines ne seraient plus cause de ce qu’il y a déplus intime et de meilleur dans nos déterminations libres salutaires ; il y aurait quelque bien et même le meilleur de nos mérites qui ne viendrait pas de la source de tout bien ; de plus, à l’égard de cette détermination libre salutaire, la science et la volonté divines n’étant plus causes, seraient passives ou dépendantes ; il faudrait admettre une passivité dans l’acte pur ; sa science, à l’égard de certaines déterminations d’ordre créé et à l’égard même des meilleures, serait passive, mesurée par cette réalité créée au lieu de la mesurer. Cf. I a, q. xiv, a. 8 ; q. xix, a. 4 et 8. F.ntin, il faudrait rejeter le principe de prédilection : nul être ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’avait été plus aimé par Dieu. I », q. xx, a. 3.

4° La nature et la raison de la prédestination selon saint Thomas. — C’est à la lumière de ce principe de prédilection que saint Thomas a écrit toute la question de la prédestination dans sa Somme théologique, I », q. xxiii, où il donne l’expression définitive de sa pensée sur ce point. On peut dire que tous les articles de cette question sont autant de corollaires du principe de prédilection. Notons attentivement la conclusion de chacun et sa preuve ; nous y reviendrons dans la partie théorique de cet article.

1. L’article 1° définit la prédestination : ratio transmissionis creaturæ ralionalis in finem vilæ œternæ ; nam destinare est mittere. C’est donc dans l’esprit de Dieu le plan de l’aboutissement de tel homme ou de tel ange à la fin ultime surnaturelle ; c’est ce plan, à la fois ordonné et voulu, qui, de toute éternité, détermine les moyens efficaces qui conduiront tel homme ou tel ange à sa fin dernière. En cela, saint Thomas est pleinement fidèle à la définition donnée par saint Augustin : Præscienlia et præparatio beneficiorum quibus cerlissime liberantur quicumque liberantur (De don.pers., xiv, 35) ; prœdestinalione Deus novil quid ipse sit faclurus (De prsed. sanct., x, 19). Il ne s’agit pas d’une prescience de nos mérites qui supposerait en Dieu une passivité ou dépendance à l’égard de nos déterminations libres futuribles, puis futures ; il s’agit de la prescience de ce que Dieu fera, des grâces efficaces qu’il accordera pour conduire tel homme ou tel ange à sa fin dernière. La prédestination est ainsi, à raison de son objet, comme une partie de la providence. Il faut bien noter que la prédestination ainsi définie est la prédestination à la gloire « in finem vilæ œternæ r, , le texte est formel. Du reste, la prédestination à la grâce seulement n’est pas la vraie prédestination, puisqu’elle ne s’oppose pas à la réprobation. Cela est admis non seulement par les thomistes, mais par les congruistes à la manière de Bellarmin et de Suarez, et même par des molinistes comme le P. Billot.

2. L’article L’montre que la prédestination est en Dieu et non dans le prédestiné, mais qu’elle a pour effets en lui la vocation, la justification et la glorification.

3. L’article 3 définit par opposition la réprobation : c’est une partie de la providence qui permet que cerluins tombent pour toujours dans le péché (réprobation négative ) et qui, pour cette faute, leur inflige la peine de la damnation (réprobation positive). Mais, taudis que la prédestination est cause de la grâce et de nos actes salutaires, la réprobation n’est nullement cause du péché. Ad 2um. On ne trouve nullement dans cet article que la réprobation négative consiste, comme l’ont pensé plus tard certains thomistes, dans une exclusio positiva a gtoria titulo beneficii indebiti, c’est seulement la non electio et la volonté de permettre que certains tombent pour toujours dans le péché. Quant au motif de cette réprobation négative, il est indiqué par saint Thomas, a. 5, ad 3um, comme nous allons le voir.

. 4. L’article 4 montre que les prédestinés sont élus par Dieu, de telle sorte que la prédestination présuppose l’élection, et celle-ci la dilection : « prædestinalio secundum rationem præsupponit electionem, et electio dilecdonem ».

C’est ici qu’on voit l’application de deux principes méconnus par plusieurs théologiens postérieurs. Tout d’abord ce principe que Dieu, ici comme toujours, veut la fin avant les moyens, et elonc qu’il veut aux prédestinés la gloire avant de leur vouloir la grâce qui la leur fera mériter. Ce n’est donc pas Duns Seot, comme on l’a récemment prétendu, qui a introduit ici ce principe. Saint Thomas dit nettement (ibid., a. 4) : Non autem præcipitur aliquid ordinandum in finem, nisi prœexistente voluntate finis. Unde prædestinalio aliquorum, in salulem œlcrnam præsupponit secundum rationem, quod Deus illorum velit salutem, ad quod pertinet electio et dileclio. Dilectio quidem, in quantum vult eis hoc bonum salutis œternæ, nam diligere est velle a’icui bonum, ul supra dictum, q. xx, a. 2 et 3. Electio autem in quantum hoc bonum aliquibus præ aliis vult, eum quosdam reprobel, ul art. 3, dictum est.

Le second principe appliqué ici est celuide prédilection : nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. Saint Thomas, sans aucune allusion à la prévision de nos mérites, soit futuribles, soit futurs, écrit en excluant toute passivité ou dépendance dans la prescience divine -.Electio tamen et dilectio aliter ordinantur in nobis et in Deo, eo quod in nobis volunlas ditigendo non causât bonum, sed ex bono præexistente incilamur ad diligendum ; et ideo cligimus aliquem, quem diligamus ; el sic electio dileelionem præcedit in nobis ; in Deo autem este converso : nam volunlas ejus, qua vult bonum alicui diligendo, est causa quod illud bonum ab eo præ aliis habeatur. Et sic palet quod dileclio præsupponitur eleclioni secundum rationem, et electio prædeslinationi. Unde omnes prædeslinati sunt tlccli cl ditecli. Pour les pélagiens, Dieu est seulement le spectateur, non l’auteur, du bon consentement salutaire qui distingue le juste de l’impie. Pour saint Thomas, comme pour saint Augustin, co qu’il y a de meilleur et de plus intime dans la détermination libre de ce bon consentement doit dériver de la source de tout bien. Nul ne l’a mieux aflirmé que le Docteur angélique.

[Molina s’écartera de cet article fondamental de saint Thomas en affirmant dans sa Concordia, éd. de Paris, 1870, p. 51, selon une définition de la liberté inconciliable, aux yeux des thomistes, avec le principe de prédilection : Fieri potest, ut duoruiti, qui sequali auxilio inlerius a Deo vocantUT, unus pro libellais siu arbilrii coavérlatur et aller in infidelitate permaneat. Il affirme même, ibid., et p. 565, que, de deux pécheurs, celui qui se convertit, c’esl parfois celui qui a été le