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2915 PRÉDESTINATION. INTERVENTION DE L’ÉGLISE DK LYON 2916

sonne que pour n’avoir pas fait ce qu’il aurait pu et dû faire. La prédestination ne met aucune créature dans l’impossibilité d’accomplir le bien qui sauve et d’éviter le péché qui damne. La vérité catholique est que les démons et les hommes réprouvés n’ont pas été prédestinés à être tels, mais que le feu éternel leur est préparé parce qu’ils ont voulu être tels. Dieu n’est pas l’auteur du mal. Il ne fait que le prévoir et décider d’en châtier les auteurs dont la seule malice est responsable. Sans doute, ceux qui n’ont pas entendu annoncer l’Évangile et les enfants morts sans baptême ne peuvent pas faire leur salut, mais Dieu n’est pas injuste envers eux. Le péché originel suffit à lespriverde tout droit à la vie éternelle. Dieu les laisse dans la massa perdilionis. En tout cas, Gotescale a tort de s’entêter à se servir à leur propos du terme de prédestination que l’Ecriture et les Pères n’emploient généralement pas en mauvaise pari. Sciendum tamen est quod prædestinationis verbum in malam parlent, sicui in Seripluris minus est usilatum, ita et a doctoribus rarius est usurpalum, et ob hoc nequaquam magnopere de eo cerlandum. Col. 92. — 5. C’est de sa part un emportement détestable contre ceux qui sont dignes du feu éternel que de dire eos lam irrevvcabililer et ineommulabiliter perditioni esse prædestinatos sicut Deus ipse incommutabilis et inconverlibilis est, et d’exhorter les évêques à prêcher cette doctrine aux peuples, pour que ceux qui doivent être réprouvés prient au moins Dieu de mitiger leurs peines. C’est aux démons et à ceux dont la sentence est déjà prononcée qu’il faudrait prêcher cela. Cette doctrine n’a rien de chrétien. — 6. Il a tort de dire que Dieu et ses saints se réjouissent de la perte de ceux qu’il a prédestinés à la mort. Dieu ne veut pas la mort de l’impie mais qu’il se convertisse et vive. — 7. Son insolence à l’égard des évêques est intolérable. Il traite d’hérétiques, de rhabaniens (rhabanieos ) ceux qui ne sont pas de son sentiment. Ce n’est pas d’un fils de l’Église d’insulter ainsi sa Mère, dans la personne des évêques. Ayant signalé ces points, Amolon exhorte à nouveau, d’une manière affectueuse et touchante : Rentre en toi-même, dit-il au moine, restitue-toi à l’Église dont tu t’es excommunié, rentre dans la voie de l’obéissance. Rien n’est irréparable, tous prient pour toi… Souscris donc aux canons du concile d’Orange qui affirment le pouvoir pour tous les baptisés d’accomplir les commandements et qui anathématisent ceux qui enseigneraient la prédestination au mal. » Col. 96.

Tels sont les griefs de l’archevêque de Lyon. Il avait sous les yeux un dossier dont plusieurs pièces importantes nous manquent ; il semble avoir été très impressionné par les accusations de son collègue contre Gotescalc et juger au moins autant sur les dires d’Hincmar que sur les textes authentiques de l’accusé.

L’opuscule inséré dans la P. L., à la suite de cette lettre, t. cxvi, col. 97-98, sous ce titre : Responsio ad interrogationem eujusdam, de præscienlia vel prædestinatione divina, est identique au Sermo de Florus analysé plus haut. Son appartenance à l’archevêque de Lyon est des plus contestables, car Hincmar attribue expressément le texte à Florus. P. L., t. cxxv, col. 55 D. Il n’est pas bien sûr non plus qu’il faille attribuer à Amolon, comme l’a fait Sirmond, le recueil anonyme intitulé : B. Augustini sententiæ de prwdestinalione et gralia Dei, P. L., t. cxvi, col. 105-140. Ce florilège semble bien, d’après la préface et la disposition dans le ms., être une dépendance de l’écrit précédent, dont il devrait donc partager le sort.

3° L’Église de Lyon prend position. Le LISES DE THiBis EPISTOL18. — Naturellement l’intervention de Florus et d’Amolon plut fort à Hincmar et à Pardulus. Ils crurent la cause gagnée de ce côté. Il importait d’achever cette victoire. Ils écrivirent donc chacun

une lettre à l’Église de Lyon et y joignirent un exemplaire de celle adressée par Rhaban à Noting au début de l’affaire.

Malheureusement pour eux, la situation était en train de se retourner. A Lyon, on avait reçu de l’archevêque de Sens, Wénilon, les extraits du livre de Scot Erigène, qui fut officiellement réfuté dans un ouvi âge considérable, Ecclesiee Lugdunensis aiversus J. Scoii erroneas definiliones. P. L., t. exix, col. 101250. Avec une véhémence extrême, Florus (si tant est qu’il en soit l’auteur) déplore qu’on laisse parler ce sophiste. Le soutenir est saper l’Église. Il n’y a pas, comme il le prétend, de secte hérétique qui soutienne l’extrême opposé à l’hérésie pélagienne et attribue tout à la grâce comme celle-ci, tout — ou presque — à la nature. Affirmer le contraire est une ruse pour attaquer plus durement saint Augustin. Col. 126. Scot s’en prend à Gotescale et accuse d’hérésie ce malheureux moine depuis longtemps enfermé. S’il est vraiment hérétique et fait courir tant de dangers à l’Église, il eût fallu, sinon au début, du moins après l’avoir condamné, en informer l’épiscopat par lettres synodales. On saurait mieux à quoi s’en tenir. Melius mine sciremus et paratiores essemus ad redarguenda et convineenda quæ iste eum docuisse proponil dicens eum prædeslinationibus neeessitales et vim in/erentem. Col. 127.

En écrivant à l’Église de Lyon, Hincmar et Pardulus ignoraient le mémoire en question. Quand les trois lettres parvinrent à Lyon, Amolon était mort ou allait mourir (31 mars 852). L’Église de Lyon, soit par la plume du nouvel archevêque, Rémi, soit par celle d’Ébon, le futur évêque de Grenoble, manifesta ses sentiments dans un traité anonyme : Liber de tribus epislolis. P. L., t. cxxi, col. 985-1068.

C’est à l’examen de la lettre d’Hincmar que le Liber consacre le plus d’attention. L’archevêque de Reims avait ramené à cinq propositions la doctrine de Gotescalc. Le Liber commence par poser sept règles qui permettront d’examiner en toute sécurité les propositions incriminées :

1. Omnipotens Deus nîhil ex tempore præscivit vel prædestinavit : sed sicut ipse absque ullo initio aeternus et incommutabilis est, ita et ejus præscientia ac pnedestinatio sempiterna atque incommutabilis est. Col. 989 C.

2. Nihil omnino esse aut fuisse, aut futurum esse posse in operibus Dei, … quæ sive in condendis, sive in regendis sive in consummandis vel finiendis créât uris agit, quod non ipse in suo a’terno consiHo atque judicio et veraciter præscierit et immobilier præordinaverit. Atque ita omne quod temporaliter est, intemporatiter sua præscientia et prædestinatione præcedit. Et omne quod in ejus aeterna præscientia et pra-destinatione dispositum est, etiam in rébus esse potest ; quidquid vero ibi dispositum non est nunquam et nusquam esse potest ; nihil enim temere vel fortuito sed omnia a’terna> suæ sapientiæ consilio et ratione facit. Col. 993 A.

3. In operibus omnipotentis Dei non sunt alia præscita et alia prédestinât a, sed quidquid ibi est præscitum, quia totum est bonum et justum, sine dubio est etiam predestinatum ; et quidquid pnedestinatum utique et præscitum. quia prædestinatio sine præscientia esse non potest. Col. 994 A.

4. Quia bona opéra ita sunt ipsius créature ut sint omnino, principatiter et veraciter opéra Creatoris « qui operatur in effet velle et perficere », rectissime tanquam vere divina, id est divinitus inspirata, et predestinata debenl intelligi. Mala vero opéra ejusdem créature, quia ipsius tantummodo sunt, et ex ejus vitio, non ex Dei voluntatevel operatione procédant, præscita a Deo dici possunt, predestinata non possunt. Col. 99 t-995.

5. Omnipotens Deus eadem præscientia et predestinalione sua ita quosdam malos in sua iniquiluti’et impietate et præscivit perse veraturos, et ob hoc Juste prædestinavM perituros, ut ex ipsa certa præscientia et justa prædestinatione sua nulli necessitatem imposuerit ut malus effet et aliud esse non posset. Col. !)95.