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PRÉDESTINATION. LES AMIS DE GOTESCALC


rirent ; prædestinavit id est præordlnavit, non ad culpam, sed ad pœnam, non ut malum quoddain vellet sive admitteret. sed ut propter malum quod volens faceret, eum pœna sempiterna juste damnaret. Col. 976.

Gotescale ne soutenait pas autre chose. Pour Prudence, les textes de l’institution de la cène prouvent de manière à faire cesser toute controverse que le Christ n’est pas mort pour tous, mais pour beaucoup. Ecce enim Veritas non pro omnibus, sed pro multis, non pro utiis, sed pro vobis dicit. Col. 976. Saint Paul appelle tous ceux que la Vérité elle-même désigne, par les ternies petuci et eleeti. Le texte : Dieu veut sauver tous les hommes, doit s’interpréter comme le fait saint Augustin : « Dieu prend ses élus partout, dans toutes les catégories d’hommes », ou bien : « Il veut, c’est-à-dire, nous fait vouloir le salut de tous. » Autrement, si Dieu voulait vraiment le salut de tous, comme tous ne sont pas effectivement sauvés, sa volonté serait impuissante. Dans les chapitres suivants (rv-xii), Prudence apporte sur ces différents points une multitude de textes de l’Écriture, des saints Augustin, Fulgence (en particulier du traité Ad Monimum), Grégoire, Isidore, Jérôme, Prosper, Cassiodore.

Le dernier chapitre expose, d’après divers auteurs, la théorie du libre arbitre : il doit être excité par la grâce pour arriver effectivement à la justification et au salut. Il suffit pour tomber, mais il ne suffit pas pour nous relever : Initium ergo salutis nostræ Deo miseranle habemus ; ut aequieseamus saluliferæ inspiralioni, nostræ potestatis est ; ut adipiseamur quod arquiescendo admoniiioni cupimus. divini est muneris ; ut non labamur in adepto salutis munere, sollieitudinis nostræ et eœleslis pariier adjulorii ; ut labamur, potestotis nostræ est et ignaviæ.

De son côté, Loup de Ferrières ne tarda pas à reprendre la plume. Hincmar et ses amis trouvaient qu’il ne pensait pas pie et ftdeliler. Il écrivit donc au roi Charles le Chauve, à la cour de qui il avait séjourné en décembre 849, son avis sur les trois questions : prédestination, libre arbitre, mort du Christ. Sur la prédestination, il se répète. Il dit le libre arbitre perdu par la chute, mais délivre par le Christ, ce qui montre bien que cette perte n’était pas à ses yeux un anéantissement. Le sang du Christ a coulé pro his qui eredere voluerinl, c’est-à-dire pour les fidèles en général, même pour ceux qui perdent la grâce par le péché. On ne doit pas suivre saint Jean Chrysostome, encore moins Fauste de Riez, dont les écrits furent condamnés, lorsqu’il dit que le Christ est mort pro universo mundo. Epist., cxxviii, P. L., t. exix, col. 601-605.

Les gros traités.

1. La même année, 850, l’abbé

de Ferrières reprenait les trois questions en détail dans un écrit intitulé : Liber de tribus questionibus. P. L., t. exix, col. 621-648.

Il commence par le libre arbitre que la chute a comme emprisonné et que la grâce du Christ libère. Il étudie ensuite la prédestination dans la seconde partie de l’ouvrage. Il y insiste, en formules pour la plupart excellentes, sur la gratuité de la prédestination au salut et sur la justice des jugements impénétrables de Dieu, qui n’arrache pas en fait tous les hommes à la mort dont, seule, la volonté de l’homme est responsable. Il rejette explicitement toute prédestination à la gloire post prævisa mérita : Quicumque Deum proplerea elegisse, præscisse aul » rœdestinasse quoslibet asserunt quod præscieril eos devotos sibi futuros et in e idem devotione mansuros, tamelsi sinl in aliis magnæ auelorilalis in hac sententia non sunt penilus audiendi, ne evæuetur divinæ graliæ donum si seeundum huihanum quanquam juiurum meritum dispensetur. Col. 637 C. Tout le monde doit reconnaître que Dieu est l’auteur de tout bien dans l’ordre du salut ; qu’il n’est l’auteur d’aucun mal, mais seulement le censeur et le

juge : Deum itaque, qui udjuval ut bonu sit voluntas, et voluntatis ipsius et omnium quæ ex ea prodeunt bonorum neenon et quæ hier, nultodubilanle, consequuntur præmiorum, neiho est tam ingralus qui non credat et confileatur auctorem. Perditorum vero rhalæ voluntatis eum esse auctorem nemo nisi insanus et perdilus opinari audebit. Son enim cujus voluntas summe bona est malam esse facil alterius. Auctor itaque sicut non est malse voluntatis impiorum, ita née aliorum quorumlibet pecealorum quae ex ea procedunl. Yerum qui non est auctor ullius omnino reatus, est profeeto censor et judex, etc. Col. 638 Ali. La prédestination impliquant une influence positive sur la chose prédestinée, Loup n’admet pas qu’on dise qu’elle s’étend au mal de coulpe, qui n’est ainsi que prévu. Præseienlia futurorum… præmolionem insinuai. Prœdestinationem autem in bono positam dieimus ostendere in sanctis litteris gratise pr séparai ionem… Prœscit Deus quwcumque aul facturus est aul permissurus, ulraque nulla necessilate, atlerum cemmunione injuslitiee nulla. Prédestinai quweumque immutabititer facere statu il. Imo omnia quæ facturus erat tune prædestinavit quando cunota quæ fulura erant jeeit. Proinde prœdestinalio nunquam est sine præscientia. Nihil enim quod nesciat se facturum Deus prædestinal. Pmscienlia vero est plerumque sine prædestinalione : quia criminu perversorum præscit Deus, quæ utique, ut se facturum non prædeslinavit, ita nec fecil. Col. 638-639. Le nombre des prédestinés est d’ailleurs fixé. Nul n’y peut être ajouté ou retranché ; autrement, Dieu se serait trompé dans sa prédestination. Certains, même des évêques illustres, répugnent à cette doctrine de la prédestination, sous prétexte que Dieu condamnerait injustement, par caprice, ceux qu’il n’aurait pas prédestinés et qui, dès lors, n’auraient pu se sauver. Il faut se rappeler que toute l’humanité est perdue et qu’il y a seulement à louer la miséricorde qui ne l’abandonne pas toute, mais en sauve une partie : Qui si allenderent… Deum non homini neccssitalem casus inlulisse, polesiatem lamen permisisse, ipsum vero… el casum præscisse el quid casum sequeretur constiluisse, ut videlicet genus humanum sua sponle corruplum nec lolum propter misericordiam damnaretur, nec totum propter jusliliam salvare’tur, nullam patientur caliginem, Deum, quos reclos origine condidil voluntas propria vitiavit, quos non libéral clementia sic punire judicio ut non ipse, verum ipsi convincantur suæ damnationis auctores. Col. 639-640.

Que personne ne s’avise de dire : Si je dois périr, pourquoi me contraindre et ne pas lâcher les rênes à mes passions en me ruant aux voluptés ? Ce serait une folie. Que Dieu en préserve les chrétiens ! L’espérance est un devoir. Devoir facile à qui se souvient des bienfaits surnaturels qu’il a déjà reçus de Dieu… Que les pécheurs se réfugient en Dieu, suivant l’exemple des grands pénitents. O quam tutum est nobis in Dei pietate refugium ! Col. 640 D. Mais enfin, si quelqu’un savait qu’il se damnera, pourquoi ne se corrigerait-il pas et ne s’efforcerait-il pas de faire tout le bien qu’il peut ? Poslremo, si sciret se aliquis tam infeliciler addictum ut absque ulla dubielale damnandus esset, cur non lemperaret a vitiis ? Cur non etiam elaboraret sectari bona quæ possel, ut sallem eum levior pœna plecleret. Col. 641 B.

Loup revient sur la troisième question en rappelant brièvement l’interprétation augustinienne du terme omnes, dans I Tim., ii, 4. Il ajouta à cet opuscule un Colleclaneum de tri tus quæstionibus, rassemblement des textes patristiques, qui étayaient sa doctrine.

2. Ratramne de Corbie avait été pareillement invité par Charles le Chauve à donner son sentiment sur les question débattues. Il le fit dans le De prædestinalione libri duo, daté de 850. P. L., t. cxxi, col. 14-80. Le premier livre traite de la divina disposilio ; le second étudie la prédestination proprement dite. C’est encore