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PREDESTINATION. LES AMIS DE GOTESCALC


mala mérita prédestinasse paritei per juslissimum judicium slittm m mortem merilo sempiternam. Suivent des textes de l’Écriture, d’Augustin, de Fulgence et d’Isidore. P. L., t. CXXI, col. 347-350.

La seconde profession, dite confessio prolixior, ibid.,

col. 349-300. en forme de prière, est beaucoup plus

détaillée, mais porte également et exclusivement sur

la prédestination. Elle est plus explicitement dirigée

contre Rhaban et Hincmar, quoique sans les nommer.

Ayant supplié Dieu de lui donner la grâce de confesser

la vraie fei, le moine prisonnier déclare que Dieu

avant tous les siècles a prévu tout le futur, le bien et le

mal. Il n’a prédestiné que le bien. Mais le bien est de

deux sortes : le bien de la grâce, qui sauve gratuitement,

le bien de la justice, qui punit les démérites prévus.

Dieu prédestine donc la peine aux coupables dont il

prévoit les fautes, et il prédestine ceux-ci à leur peine.

Il y a prédestination à peu près de la même façon dans

un cas et dans l’autre : Credo siquidem alque confileor

pr&scisse anle sœcula, quæcumque crant futura, sive

bonu sive mala ; prédestinasse vero tantummodo bona.

Bona auiem a te prsedeslinala bifariam sunt luis a [ide libus indagata, imo, le révélante. Mis evidenter constat

esse inlimata, id est in gratis bénéficia et justitiif simul

judicia… Prtedestinasse itaque in omnibus eleclis luis

vitam gratis eelernam, et eos nihilorhinus ad gloriam

sempiternam : quia certe frustra Mis prédestinasses

vitam, nisi et illos prédestinasses ad ipsam ; sic elium

propemodum diabolo et angelis ejus et omnibus quoque

reprobis hominibus, perennem merilo prædestinasti

poenam, et eosdem simililer pradestinasti ad eam. Xon

enim irent nisi destinati, neque projecto deslinarentur

nisi essent prædestinati. Col. 350.

Ces lignes atténuent évidemment la rigueur des passages conservés par Hincmar, et rendent un autre son que les exposés des deux archevêques de Mayence et de Reims. Le propemodum substitué au pariter omnino est significatif et confirme ce que nous avons dit plus haut des possibilités d’interprétation orthodoxe de ces formules. D’ailleurs, en développant les preuves tirées de la Bible, Gotescale déclare expressément que la prédestination des réprouvés (la réprobation positive, disons-nous aujourd’hui) suppose la prévision des démérites : Quos præscisti per ipsorum propriam miseriam in damnabilibus perseveraturos esse peccalis, illos projecto tamquam justissimus judex prædestinasti, verum eliam prædestinando jam u tique destinas ti. Col. 353.

Il semble à Gotescale que ses adversaires introduisent un principe de mutabilité en Dieu, en distinguant comme ils le font la prédestination de la prescience, et en niant celle-là quand il s’agit des réprouvés. En quoi il montre qu’il n’a pas fait, pour les comprendre, plus d’efforts qu’eux pour saisir sa véritable pensée. C’est ce qui explique, sans les justifier, la véhémence de son ton, ses invectives à l’égard de ses adversaires, et l’exaltation avec laquelle il s’offre à subir, dans des conditions particulièrement redoutables, l’épreuve du jugement de Dieu. Revue thomiste, art. cité.

Gotescale écrivit également une lettre à Amolon de Lyon, et un petit ouvrage adressé à Gislemar, moine de Corbie, sous le titre de Pilacium, dont Hincmar (Epislula ad reclusos et simplices, p. 261 ; De priedestinatione, c. xxxv, P. L., t. cxxv, col. 269, 370, 371, 372) cite plusieurs fragments, et dont Mauguin conteste sans preuves l’authenticité.

Vers le milieu de 849, inquiet de voir plusieurs moines prendre parti pour Gotescalc, Hincmar avait écrit un opuscule Ad reclusos et simplices in Remensi parochia, pour les mettre en garde contre la doctrine de Gotescale et pour leur expliquer les passages scripturaires et patristiques invoqués par le moine. Ce traité,

auquel fait allusion Rhaban IUaur, Epist., iv AdHincinarani, P. L., t. exii, col. 1519, a été découvert dans un manuscrit de la bibliothèque universitaire de Leyde et publié par Wilhelm von Gundlach dans Zeitsehrift fur Kirchengeschichte, t. x, 1889, p. 258-309.

Ratramne de Corbie, qui en eut connaissance, se mit en devoir de le réfuter et sans attendre d’avoir terminé la composition d’un grand livre, De prsedestinatione, il envoie une lettre à son ami Gotescalc, où il déclare que le De induralione cordis pharaonis, sur lequel s’appuie l’archevêque pour atténuer la portée des textes, n’est pas de saint Jérôme. Allusion à ceci dans une lettre de Rhaban Maur, P. L., t. cxii, col. 1522 BC.

2° Extension de la querelle. Les premières passes d’armes. - — Le débat s’agrandit : Pardulus, évêque de Laon, fit cause commune avec son archevêque et sollicita l’avis d’autres évêques et savants. Six, d’après lui, se prononcèrent (P. L., t. cxxi, col. 1052), entre autres, Loup Servat, abbé de Ferrières près de Sens, et Prudence, évêque de Troyes.

Malgré son amitié pour Hincmar et Pardulus, Loup admet la double prédestination, en prenant soin d’exclure la nécessité du péché pour les réprouvés. Voici le passage essentiel :

Qualis Adam a Dso creatus est non naseimur, sed originaliter peccatores damnatique pœna peccati. Quorum alterum fecit spontanea cnlpanostri primi parentis. alterum culpam puniens tremenda severitas justissimi judicis. Cum ergo communiter omnes damnati simus, cujus nostrum vult Deus miseretur, et quem vult indurat, hoc est, in propria duritia derelinquit. Miseretur magna bonitate, indurat nulla iniquitate, sic itaque hos quos indurat prédestinât, non ad supplicium impellendo, sed a peccato quod meretur supplicium non retrahendo ; quemadmodum induravit cor pharaonis, non ad culpam urgendo, sed gratia emollitum a culpa non revocando. Sic recte possumus dicere induci a Deo in tentationem qui non exaudiuntur, orantes : Et ne nos inducas in tentationem. non quod ipse inducat in malorum tentationem, quod utique, ut alibi docetur, intentator malorum est (.Tac, i), sed quodam locutionis génère inducere dicitur cum judicio desertos patitur in tentationem induci, quos a tentatione gratia non educit. N’emo tamen opinetur aut justis aut injustis reprobis pr.vdestinationis veritate fatalem necessitatem induci, cum in utrisque suspicionem necessitatis libertas excludat voluntatis. Siquidem electi accipientes a Deo et velle et perficere libenter agunt unde sempiternum præmium consequantur : perversi auteni deserti ab eodem Deo, non inviti, sed ipsi libenter agunt unde in peternum merito puniantur… Epist., cxxix, P. L., t. exix, col. 606-607.

Ainsi s’exprimait Loup, demandant à Hincmar de ne pas craindre de lui dire s’il pensait autrement. Il écrivit dans le même sens à Pardulus.

Prudence de Troyes embrassa l’opinion de Loup, mais n’envoya que plus tard sa lettre, une vraie dissertation, à Hincmar et Pardulus. P. L., t. cxv, col. 9711008. Il eût voulu traiter la question de vive voix, mais il n’a pas pu. Il ne faut pas, dit-il, s’attaquer à la doctrine de saint Augustin approuvée par tant de papes et défendue par Fulgence, Prosper, etc. (c. i et xv). Il examine ensuite les trois questions : prédestination des réprouvés, finalité de la mort du Christ, volonté salvifiquede Dieu. Il part de la théorie, classique depuis Augustin, de la massa perdiiionis :

Damnataque ob culpam inobedientise in primis propagatoribus totius humani generis massa, et præscivit et pra-destinavit, id est præordinavit ejus omnipotentia quos per gratiam et sanguinem proprii Filii soi et I>. N. J. C. nli eadem perditionis massa misericorditer secretos ad vitam, gloriam, regnumque reduceret sempiternum ; et præscivit et prsedestinavit id est preordinavit ut quoscumque gratia et sanguis ejusdem proprij Filii… ex memoratamiserabili massa nonsecerneret, justissime pœnis affleeret sempiter » nis. Prsedestinavit, inquam, i<l est præordinavit, non ut peccarent, sed ui propter peccatum pœnis perpetuis inte-