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2891 PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, DIFFICULTÉS MORALES 2892

peut admettre cette conception injustement appuyée sur l’Écriture. Le fait des nombreux enfants qui n’ont pu démériter cette grâce et meurent sans l’avoir reçue, l’en empêche : Cran nuiltis non detur parvulis et sine Ma plerique moriantur, qui non iiubent contrariant voluntatem et aliquando cupientibus festinantibusque parentibus, ministris qaoque volentibus et paralis, Deo nolenle non detur, cum repente antequam detur exspiral, pro quo ut acciperet eurrebatur. tbid. Et c’est à bon droit qu’il s’en prend à l’exégèse semi-pélagienne : Unde manifestum est eos qui huie résistant tam perspicuæ verilali non intelligere omnino qua loeutione sit dielum quod « omnes homines inill Deus salvos fieri », cum tant mulli salvi non fiant, non quia ipsi sed quia Deus non vult, quod sine ulla caligine mani/estatur in pannilis. lbid. Il s’agit de la volonté que nous appellerions « conséquente ». Les semi-pélagiens arguaient de cette volonté comme si elle était universelle. Augustin leur oppose le cas des enfants, en fort grand nombre, dont Dieu ne veut pas de fait (nous dirions : consequenter) le salut. Il faut donc expliquer d’une autre manière l’universalité incluse dans I Tim., ii, 4. Nous avons vu quelle était cette autre manière pour le saint docteur : lia quod dielum est : « omnes homines vult Deus salvos péri », cum tam multos nolit salvos fieri, ideo dielum est quia omnes qui salvi fiunt, nisi ipso volenle non fiunl. Ibid.

Assurément, ce n’est pas là la notion de la volonté salvi fique universelle antécédente, telle que la développeront plus tard saint Jean Damascène et saint Thomas. Mais remarquons tout d’abord que l’interprétation d’Augustin n’est aucunement exclusive. Il écrit lui-même : Et si quo alio modo Ma verba apostolica intelligi possunt, ut tamen huic apertissimæ verilali, in qua videmus tam multos, volentibus hominibus sed Deo nolentc, salvos non fieri, contraria esse non possint. lbid. II admet donc toute autre explication qui sauvegardera cette vérité de fait, à savoir que beaucoup ne sont pas sauvés.

Au surplus, il importe de rappeler que les principes relatifs à cette même question de la volonté salvifique et par lui énoncés ailleurs ne sont infirmés en rien par le caractère particulier et l’exposé fragmentaire de sa réponse à des adversaires déterminés. Nombreux sont les textes où il parle, évidemment d’une autre volonté, favorable, celle-là, au salut de tous : Vull autem Deus omnes homines salvos péri et in agnitionem veritalis venire. De spir. el lii., xxxiii, 58, t. xliv, col. 238. D’après le contexte, dit le P. Cayré, Précis de patrologie, t. i, p. 674, le mot de Paul est appliqué ici même à ceux qui seront jugés et condamnes. Dans l’Op. imp. contra Jul., II, clxxv, t. xlv, col. 1217, il affirme qie le Christ est mort pour tous, même pour les petits enfants privés du ciel : Et pro ipsis Christus morluus est, qui proplerea pro omnibus mortuus est, quia omnes mortui sunt. Tixeront trouve les deux volontés, antécédente aussi bien que conséquente, assez nettement marquées dans le De nupt. et conc, II, xvi, 31, t. xliv, col. 454, et l’Op. imp., II, cxliv, t. xlv, col. 1201.

En outre, comment concilier la prétendue affirmation par le saint docteur d’une volonté salvifique restreinte avec son principe, si souvent rappelé, que Dieu ne commande jamais l’impossible ? Or, ses textes sur ce point sont bien connus, surtout depuis que le concile de Trente les a faits siens. Sess. vi, c. ii, Denzinger, n. 8C4. Dans le De peccal. meril. el remissione, II, iii, 3, t. xliv, col. 152, il se divertit de la naïveté de ses contradicteurs : Acule autem sibi videntur dicere, quasi nostrum hoc ullus iynoret quod « si nolumus, non peccamus, nec præciperet Deus homini quod effet humanæ impossibile voluntati ». Le passage est formel du De nat. et gral., xliii, 50, t. xliv, col. 271 : non igitur Deus impossibilia jubet, sed jubendo admonel, el facere quod possis, el petere quod non possis. Dans le même ouvrage,

lxix, 83, col. 289, dans le De per/ect. just. hom., iii, 9, col. 295, et x, 21 el 23, col. 303, on retrouvera la même doctrine.

S’il en est ainsi, et si, comme tant de fois encore Augustin le répète, le libre arbitre se suffit pour le mal, si Dieu n’abandonne que ceux qui l’ont abandonné, peut-on soutenir que l’évêque d’Hippone enseigne une volonté salvifique présupposant pour un grand nombre le démérite fatal, le péché inévitable, la dénégation de grâces sullisantes ? La volonté salvi fique chez saint Augustin, dans Rev. thomiste, nov. 1930, p. 480. « Il affirme toujours, dit le P. Garrigou-Lagrange, que la grâce efficace est accordée par miséricorde à ceux qui la reçoivent et n’est refusée aux autres par la justice divine qu’en raison d’un péché antérieur. De præd. sanct., viii, P. L., t. xliv, col. 971. » Le même auteur (ibid.) ne pense pas que ce péché antérieur, dans le cas des adultes, soit le seul péché originel. Celui-ci, du reste, ne saurait être le motif de la réprobation négative chez ceux auxquels il a été remis. Il faut donc supposer des péchés personnels qui ont eu pour conséquence l’abandon par Dieu : iVo/i deseril si non deseratur (Deus), ut pie semper jusleque vivatur. De natura et gratia, xxvi, 29, t. xliv, col. 261.

Objections d’ordre moral.

1. La doctrine angoissante

d’Augustin. — Les semi-pélagiens reprochaient aux enseignements d’Augustin de fomenter l’angoisse dans les âmes, à cause même de cette impénétrabilité des desseins de Dieu à laquelle il recourait sans cesse : Sed incerta est mihi, inquit, de me ipso voluntas Dei. De præd. sanct., xi, 21, t. xliv, col. 976. Le saint docteur avait la répartie belle. La volonté humaine est-elle donc un si sûr appui ? …Miror homines infirmilali suæ se malle commiltere quam firmitati promissionis Dei… Quid ergo ? tuane libi voluntas de le ipso cerla est, nec limes, « qui videtur stare videat, ne cadal » (I Cor., x, 12) ? Et si des deux côtés c’est le règne de l’incertitude, pourquoi ne pas s’abandonner du côté où se trouve la force : Cum igitur ulraque incerta sit, cur non homn firmiori quam inprmiori fidem suam, spem charitalemque commiltit ? lbid.

C’est au contraire la doctrine semi-pélagienne qui mène aux plus absurdes conclusions : …Hoc est enim dicere, lune de sua salute hominem desperare, quando spem suam non in seipso, sed in Deo didicerit ponere, cum propheta clamel : « Malediclus qui spem habet in homine ». De dono pers., xvii, 46, t. xlv, col. 1022. Comme si d’espérer uniquement en Dieu était une source de désespoir 1 Absil autem a vobis, ideo desperare de vobis, quoniam spem veslram in ipso habere jubemini, non in vobis. Ibid., xxii, 62, col. 1030.

2. Inutilité de la prédication.

Les moines d’Hadrumète, qui avaient bien saisi le point central de l’enseignement d’Augustin, s’étaient écriés : Utquid nobis prœdicatur alque præcipitur ut declinemus a malo et faciamus bonum, si hoc nos non agimus, sed id velle et operari Deus operatur in nobis ? Il semblait aux moines africains que l’efficacité de la grâce revendiquée par l’évêque d’Hippone détruisait toute activité proprement humaine. Mais Augustin de les éclairer : Potius intelliganl, si filii Dei sunt, Spiritu Dei se agi, ut quod. agendum est agant… ; aguntur enim ut agant, non ut ipsi nihil agant. De corr. et gral., ii, 4, t. xliv, col. 918. L’emprise de l’action divine sur l’action humaine est le principe, non la destruction de celle-ci. Plus abstraitement nous dirions : la grâce efficace n’est pas nécessitante. Dès lors la prédication, le rappel d s préceptes divins garde toute sa raison d’être.

C’est à une objection semblable que, dans le De dono perseveranliiv, Augustin oppose la conduite de saint Paul dont la doctrine touchant la prédestination ne gênait aucunement le ministère pastoral : Quasi vero adversata sit Aposlolo prædicanli. Sonne Me doclor