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PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, L’AUXILIUM QUO


persévérance finale. L’action de la grâce que nous avons longuement analysée avec Augustin intervient tout d’abord dans la vocation. Celle-ci a-t-elle la gloire pour terme ? ou peut-on parler, selon le saint docteur, d’une vocation qui serait seulement un appel à la foi et à la grâce ?

Saint Augustin enseigne qu’il est une vocation à la foi ou à la grâce seule. Sont l’objet de cette vocation ceux dont il est dit : Multi vocati surit, pauci vero electi (Matth., xx, 16) ou encore : cum annuntiasset et loculus esset, nmlliplicati sunt super numerum (Ps., xxxix, 0). Ipsi enim vocati dici possunt, non autem electi quia non secundum propositum vocati. De corr. et grat., xiii, 39, t. xliv, col. 940. Ce sont des « appelés » mais ils ne seront point élus, car ils sont étrangers au propos divin, partant à la prédestination et à la prescience. Sont encore l’objet de cette vocation ceux qui ne persévéreront pas : Qui vero perseveraturi non sunt, procul dubio nec illo tempore quo bene pieque vivunt, in istorum (electorum) numéro computandi sunt. Non enim sunt a massa illa perdit ionis præscientia Dei et prædestinatione discreti et ideo nec secundum propositum vocati, ac per hoc nec electi, sed in eis vocatis de qui bus dictum est : « multi vocati » ; non in eis de quibus dictum est : « pauci vero electi ». Ibid., vii, 16, t. xliv, col. 925.

Cette vocation n’en est pas moins absolument gratuite, comme le prouvent la prière de demande dont elle est l’objet : Non enim orando peterelurab eo (Deo), nisi ab ipso tribui crederetur, De præd. sanct., xx, 41, t. xliv, col. 990, et la prière d’action de grâces à laquelle elle donne lieu : Donum (Dei) est etiam incipiens fides, ne Apostoli fallax vel jalsa graliarum actio merilo judicetur. Ibid., xix, 39, col. 989.

Quelle est cependant sa raison d’être, puisqu’elle est en fin de compte sans rapport avec la prédestination ? Augustin, il faut le reconnaître, ne répond pas explicitement à cette question, préoccupé qu’il est de défendre, contre les semi-pélagiens, l’autre vocation, la vocation à la gloire. Cependant il insinue que la grâce de la foi contient en germe toutes les autres grâces : Fides et non pelita conceditur, ut ei petenti alla concedantur… Ergo spiritus gratine facit ut habeamus fldem, ut per fidem impelremus orando, ut possimus facere quæ jubemur. De grat. et lib. arb., xiv, 28, t. xliv, col. 898. Pour autant, n’a-t-elle pas le caractère d’une vocation suffisante ?

Par contre, le saint docteur nous donne toute sa pensée sur la vocation à la gloire, qu’il a grand soin de distinguer de la précédente : Non enim sic sunt vocati ut non essent electi, propter quod dictum est, « multi enim vocati, pauci vero electi » (Matth., xx, 16) ; sed quoniam secundum propositum vocati sunt, projecto et electi sunt per electionem, ut dictum est, graliæ. De corr. et grat., vii, 13, t. xliv, col. 924. La vocation dont la gloire est le terme est donc celle qui est consécutive au propos divin : quoniam secundum propositum vocati sunt, et ce sont les élus qui en sont l’objet. Par elle se réalise l’élection ; elle est une des phases de l’ordre d’exécution. Aussi Augustin entend-il de cette vocation le passage de Rom., viii, 28-30 : De lalibus dicit Apostolus : « Scimus quoniam diligentibus Deum omnia cooperatur in bonum, his qui secundum propositum vocati sunt ». Ibid. De sorte que la correspondance est rigoureuse entre ceux qui sont l’objet des divers actes de Dieu prédestinant : Illi ergo electi, ut stepe dictum est, qui secundum propositum vocati, qui etiam prædestinali alque præsciti. Ibid.

Il va sans dire que la vocation à la gloire inclut la vocation à la foi. La foi est son premier effet : Deus igitur operatur in cordibus hominum, vocatione illa secundum propositum suum, ut non inaniter audiant Evangelium, sed eo audito converlantur et credanl, excipientes non ut verbum hominum, sed sicut est vere

verbum Dei. De præd. sanct., xix, 39, t. xliv, col. 989. Cette vocation à la gloire par la foi est une vocation efficace. Cela ressort de la double considération de son terme et de son principe. De ceux qui sont appelés secundum propositum Augustin nous dit : Ex istis nullus périt, quia omnes electi sunt. La raison de l’efficacité de la vocation est donc l’infaillibilité même du choix divin. Le principe de cette vocation n’est autre que la grâce efficace. L’exemple de saint Paul est décisif sur ce point : Aversus quippe a fide quain vastabal eique vehementer adversus, repente est ad illam gratia potentiore conversus. De præd. sanct., ii, 5, t. xliv, col. 962. L’homme ne saurait de lui-même venir à la foi : Semo sibi sufficit vel ad incipiendam, vel ad perficiendam fidem, sed sufficienlia nostra ex Deo est ; quoniam fides, si non cogiletur nulla est et non sumus idonei cogitare aliquid quasi ex nobismetipsis. Ibid., ii, 5, col. 963. Ce disant, Augustin avait en vue l’erreur semi-pélagienne qu’il avait quelque temps inconsciemment partagée. Les semi-pélagiens n’admettaient certes pas la vocation à la gloire, pas plus que la prédestination à celle-ci enseignée formellement par le saint évêque ; à leur prédestination à la grâce seule, ils faisaient correspondre une vocation à la grâce seule, croyant ainsi suffisamment se blanchir de l’hérésie pélagienne. Mais ils retombaient partiellement dans cette dernière en revendiquant pour la liberté humaine l’initium fidei et la persévérance. Et saint Augustin de remettre les choses au point : Sed audiant et ipsi in hoc testimonio ubi (Apostolus) dicit : « Sortem consecuti sumus, prædestinati secundum propositum, qui universa operatur. » Ipse ergo ut credere incipiamus operatur, qui universa operatur. De præd. sanct., xix, 38, t. xliv, col. 988. Qu’il s’agisse de la vocation à la gloire par la foi, cela ne fait aucun doute, car le saint docteur la caractérise ainsi : Illa vocatione quæ sine pœnitentia est, id prorsus agitur et peragitur ut credamus, ibid. ; et ailleurs, toujours contre les semi-pélagiens : Intelligamus ergo vocationem qua fiunt electi, non qui eliguntur quia crediderunt, sed qui eliguntur ut credant. Ibid., xvii, 34, col. 985. Augustin parle donc bien de la vocation à la gloire, effet de la grâce efficace. Nous pouvons même préciser : de la grâce efficace par elle-même ; car cette grâce de la vocation opère dans le secret : Multos venire videmus ad Filium, quia multos videmus credere in Christum ; sed ubi et quomodo a Pâtre audierint hoc et didicerint non videmus. Nimium gratia ista sécréta est ; gratiam vero esse quis ambigat ? Ibid., viii, 13, col. 970. Elle a pour mission d’emporter toute résistance : Hœc itaque gratia, quæ occulte humanis cordibus dii’ina largitate tribuitur, a nullo duro corde respuitur. Ideo quippe tribuitur, ut cordis duritia primitus auferatur. Ibid.. col. 971.

Auxilium sine quo et auxilium quo.

La vocation

des élus n’est que le premier effet de la grâce divine dans la réalisation de la prédestination. Il faut que les « appelés » restent fidèles à cette vocation en ne cessant pas d’accomplir les œuvres méritoires que la gloire récompensera. Mais nous savons les conditions qui leur sont faites : l’intrusion du mal dans l’œuvre divine de la création et, consécutivement, la déchéance de l’action humaine, l’asservissement de la liberté. D’où la nécessité de l’intervention divine, de la grâce, dont l’enseignement d’Augustin relatif à Vauxilium sine quo et à l’auxilium quo est susceptible de nous découvrir plus complètement encore la nature.

C’est une objection, fort subtile, des moines d’Hadrumète, qui obligea le saint évêque à expliciter sa pensée sur ce qu’on a toujours, depuis lors, appelé l’auxilium sine quo et l’auxilium quo, faute d’une dénomination plus caractéristique. Cette objection se fondait sur la non-persévérance d’Adam. Par quoi il faut