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    1. PREDESTINATION##


PREDESTINATION. S. AUGUSTIN, LA VOCATION

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aucunement celle de la liberté. La suite de son exégèse nous en donne le pourquoi : Sic ergo intclligequodtibi prœceptum est : « Rectos cursus fac pedibus luis, et vias tuas dirige », ut noveris, cum hoc facis, a Domino Deo tibi præstari ut hoc /acias. Epist., ccxv, 7. t. xxxiii, col. 974. Lors donc que l’homme suit le droit chemin, en toute liberté, il faut qu’il sache qu’il tient de Dieu cette libre orientation de ses voies. Plus formellement encore, après avoir rappelé l’efficacité de la prière du Christ en faveur de saint Pierre, Augustin en expose ainsi l’objet : Quando rogavit ergo (Christus) ne fides ejus (Pétri) deficerel, quid aliud rogavit, nisi ut haberel in fide liberrimam, jortissimam, invictissimam, persel’erantissimam voluntatem. De corr. et grat., viii, 17, t. xliv, col. 926. L’effet de la grâce divine devait être une très libre volonté.

Si l’on considère, enfin, les conditions dans lesquelles, après la chute, se réalise la persévérance, cette doctrine de l’efficacité de la grâce s’en trouve encore corroborée : Quoniam (sancti) non perseverabunt nisi et possint et velint, perseverandi eis et possibilitas et volunlas divinæ gratiæ largilate donatur. Tantum quippe Spiritu sancto accenditur voluntas eorum, ut ideo possint quia sic volunt ; ideo sic velint, quia Deus operatur ut velint. Ibid., xii, 38, t. xliv, col. 939. La raison de cette persévérance effective est que Dieu est l’artisan de la liberté : operatur ut velint. La liberté est le résultat de la grâce, sous forme d’affranchissement et non de servilité : Semo nisi per gratiam Christi ad bonum quod vull agendum et ad malum quod odil non agendum, potest habere liberum voluntatis arbitrium, non ut volunlas ejus ad bonum sicut ad malum captiva rapiatur (c’est ainsi que Julien d'Éclane feignait de comprendre l’enseignement d’Augustin), sed ut a captivitate liberata ad liberatorem suum liberi suavilale amoris, non servili amaritudine timoris allrahatur. Op. imp. contra Jul., III, cxii, t. xlv, col. 1296.

Remarquons dans quel sens on peut dire, selon Augustin, que le mal est l’objet de la volonté libre. Il est son objet négatif : Ad malum quod odil non agendum. Dans sa double tendance qui consiste à vouloir le bien et à fuir le mal, la liberté est inexistante sans la grâce, mais, loin que violence soit faite à la volonté, c’est au contraire une délivrance de celle-ci qui s’opère. Et voilà pourquoi, combattre la grâce efficace, sous couleur de sauver la liberté, c’est s’opposer directement à cette dernière : Qui oppugnat gratiam, qua nostrum ad declinandum a malo et faciendum bonum liberatur arbitrium, ipse arbitrium suum adhuc vult esse captivum. Epist., ccxvii, 8, t. xxxiii, col. 981. Quelle inconséquence, du reste, que de dénier à l’auteur de tous les biens le bon usage de notre liberté ! Augustin ne l’entend pas ainsi. Il divise les biens en trois catégories : les grands, les moyens, et les moindres. Parmi les moyens, se trouve le libre arbitre, car, encore que susceptible d’un mauvais usage, il est une condition sine qua non de la vie honnête. Mais le bon usage du libre arbitre est une vertu, et la vertu dont personne ne peut mal user est au nombre des grands biens. Il s’ensuit que le bon usage du libre arbitre est au nombre des grands biens et qu’il a donc, au premier chef, Dieu pour auteur : Sequitur ut ex Deo sit eliam bonus usus liberæ voluntatis, quæ virtus est, et in magnis numeratur bonis. Retract., i, ix, 0, t. xxxii, col. 598. Concluons cette merveilleuse et profonde doctrine (que plus tard saint Thomas saura généraliser en étudiant la manière dont Dieu meut les agents libres, Sum. theol., D-II », q. x, a. 4) par renonciation d’un principe, explicatif de tous les rapports entre la grâce et la liberté, à savoir : Voluntas quippe humana, non liberlute consequitur gratiam, sed gratia potius libertatem et, ut perseverel, deleclabilem perpetuilatem et insuperabilem fortitudinem. De corr. et grul., viii, 17, t. xliv,

col. 926. La volonté humaine tient de la grâce et son acte libre et l’exercice persévérant, connaturcl et efficace de celui-ci. C’est bien nous qui voulons librement, mais Dieu est l’artisan de notre libre vouloir : nos œuvres sont bien nôtres, mais c’est Dieu qui les accomplit en nous. Voilà ce qu’il nous est avantageux de croire et de proclamer, si nous voulons être dans la piété, la vérité, l’humilité et la justice : De dono pas., xiii, 35, t. xlv, col. 1043.

Toute autre façon de comprendre l’efficacité de la grâce divine ne saurait donc s’accorder avec l’enseignement d’Augustin. Julien d'Éclane se faisait déjà le défenseur d’une sorte de « concours simultané », lorsqu’il écrivait : Bonæ itaque voluntati, innumeras adjulorii divini adesse species non negamus ; sed ita ut non per adjutorii gênera aut fabricetur quæ fueril arbitrii deslructa libertas (toujours à l’adresse d’Augustin la même spécieuse accusation), aut aliquando ea cxclusa, vel boni vel mali cuiquam nécessitas credatur incumbere (toujours le même fallacieux prétexte) ; verum arbilrio libero omne adjutorium cooperatur. Op. imp. contra Jul., I, xcv, t. xlv, col. 1112. Mais Augustin de lui répondre par cette simp’e observa' ion : Si non prævenit, ut operetur eam, sed prius existenti voluntati gratia cooperetur, quomodo verum est : « Deus in vobis operatur et velle » (Phil., 11, 13)? quomodo præparatur volunlas a Domino ? Ibid.

Bien plus, au même adversaire, exposant avec une sérénité tout affectée le mécanisme du « concours indifférent » : Adsunt tamen adjuloria gratiæ Dei, quæ in parle virtutis nunquam destituunt voluntatem : cujus licet innumeræ species, lali semper moderatione adhibentur, ut nunquam liberum arbitrium loco pelkint, sed prœbeant adminicula, quamdiu eis voluerit inniti ; cum tamen non opprimant reluctantem animum. Inde quippe est, quod ut alii ad virtutes a vitiis ascendunt, ita eliam alii ad vitia a virtutibus relabuntur, Op. imp. contra Jul., III, cxiv, col. 1296, Augustin répond : Unde fieri potest ut adjuloria Dei, liberum arbitrium loco pellant, quod, potius vitiis pulsum et nequitiæ subjugatum, ut in locum suum redeat, libérant ? Ibid. Loin de chasser le libre arbitre, la grâce le libère et le restaure dans sa dignité. Mais pourquoi les semi-pélagiens, -en énumérant les diverses façons dont la grâce vient au secours de la volonté, omettent-ils la seule qui soit spécifiquement divine, la grâce efficace, qu’Augustin désigne ici par son principe, la charité? C’est qu’ils pensent que la grâce efficace, telle que saint Augustin l’enseigne, détruit la liberté : Hanc vos inter adjuloria gratiæ quæ commemoratis, nominare non vultis, ne hoc ipsum quod obedimus Deo, ejus esse gratiæ concedalis. Putatis quippe isto modo au/erri voluntatis arbitrium ; cum hoc quisquam facere nisi voluntate non possit. Ibid. Le saint docteur choisit intentionnellement l’obéissance comme exemple car, de toute évidence, l’obéissance digne de ce nom suppose la liberté : cum hoc quisquam facere nisi voluntate non possit, et si nous n’obéissons à Dieu qu’en vertu de la grâce, et non de notre chef, c’est donc que la grâce efficace, comme le prétendent les semipélagiens, détruit la liberté. Mais qu’importe le sentiment erroné de ces derniers ? Augustin n’en défend pas moins, contre eux, l’efficacité de la préparation divine de la volonté :.Serf, quod vos non vultis, « præparatur voluntas a Domino » non forinsecus sonantibus verbis, sed sicut orante exuuditaque regina converti ! Deus et translulit indignationem régis in lenilatem. Ibid. Préparation intime et secrète, qui fait que Dieu est l’artisan de notre libre vouloir et l’ouvrier de nos œuvres : Sicut enim hoc divino et occulto modo egit in hominis corde, sic operatur in nobis velle et operari, pro bona voluntate. Ibid.

La vocation.

La réalisation de la prédestination

dans le temps s’opère par la vocation, la vie sainte, la