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PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, LA GRACE EFFICACE


quid agimus ; quod aulerii atlinet ad pietatis » iàm et ad rcriun Dei cultuni, non sumus idonei cogitare aliquid lanquam ex nobismelipsis. scd sujjicienlia noslra ex Deo est. De dono pers., xiii, 33, t. xl.v, col. 1013. Et cependant, parmi les douze règles qu’Augustin formulait dans sa lettre à Yitalis de Cartilage, touchant la prédestination, il en est une pour revendiquer formellement la liberté de l’acte de foi : Seimus eos qui corde proprio credunt in Dominum. sua id facere voluntate ac libero arbilrio. EpisL, ccxvii, 16, t. xxxiii, col. 985. C’est donc que la grâce et la liberté coexistent. Ni cellelà ne détruit celle-ci, ni celle-ci n’exclut celle-là. Il est vrai que, sur ce point particulier de la liberté de la foi, le saint docteur ne parvint pas, dès l’abord, à la vérité. Aussi le voyons-nous se reprendre dans ses Rétractations : …ac deinde subjunxi, quod erç/o credimus nostrum est, quod autem bonum operamiir, illius est qui credenlibus dat Spirilum Sanctum : profeclo non dicerem, si jam scirem etiam ipsam /idem inter Dei mimera reperiri, quæ dantur in eodem Spiritu. Retract., i, xxiii, 3, t. xxxii, col. 622. Et Augustin de conclure à la double action de la liberté et de la grâce, tant pour la foi que pour les bonnes œuvres. De præd. sanct., ni, 7, t. xiiv, col. 965.

Mais comment faut-il entendre cette coexistence de l’action divine et de l’action humaine en vue du même effet qui est, en général, la réalisation de la prédestination, et en particulier, l’accomplissement de toute œuvre salutaire ? En d’autres termes, quels caractères revêt cette « préparation » et cette « réparation » de la volonté, en quoi nous avons vu consister le terme de l’action divine ? Est-ce une o préparation totale ou partielle seulement, physique ou seulement morale, efficace ou indifférente ? La pensée d’Augustin nous paraît sur ce point des plus formelles. Il ne peut s’agir que d’une préparation totale, physique, efficace.

Et d’abord cette préparation est totale. Il faut entendre par là que notre volonté tient de Dieu toute son activité : Mulla Deus facit in homine bona, quæ non facil homo ; nulla vero facit homo quæ non facit Deus ut facial homo. Contra duas epist. pelag., II, ix, 21, t. xliv, col. 586. Augustin y revient souvent, soit pour expliquer le texte évangélique : sine me nihil potestis facere, soit pour expliquer celui de saint Paul : non quia idonei sumus cogitare aliquid quasi ex nobis, sed sufficientia noslra ex Deo est. Jbid., viii, 18, col. 584.

Mais il y a plus. Cet effet total pourrait résulter d’une intervention morale de Dieu, plus ou moins directe, amenant en quelque sorte l’action humaine à changer de direction, à se désavouer même, par une direction contraire. Qu’en est-il au juste ? Pour Augustin, qui aime traduire sa pensée là-dessus par les paroles de saint Paul, il n’est pas seulement question de causalité morale. Le résultat de la grâce divine, c’est notre libre vouloir que l’action divine opère en nous. N’était le sens matériel du terme, qui répugne au caractère spirituel de l’activité divine, on parlerait en toute vérité d’une fabrication de notre libre vouloir : Xec oraret Ecclesia… nisi crederet Dominum sic in potestate habere cor nostrum, ut bonum quod non lenemus nisi propria voluntate, non tamen leneamus nisi ipse in nobis operetur et velle. De dono pers., xxiii, 63, t. xlv, col. 1031. Voilà comment l’Église conçoit la puissance de Dieu sur le cœur de l’homme, voilà pourquoi elle prie l’artisan divin de notre action libre. Sa prière n’ignore pas, encore une fois, ce caractère libre de l’action humaine, mais elle sait aussi qu’il résulte de l’action de Dieu, qui affranchit l’homme. Epist., ccxvii, 8, t. xxxiii, col. 981.

Mais il est possible de caractériser davantage encore cette préparation ». Car on pourrait se demander si elle n’est pas conditionnée de quelque manière, entre autres choses, par l’acceptation de l’homme. En

d’autres termes, la grâce n’aurait-elle son effet que si la liberté humaine consent à sa propre « préparation » ? Écoutons le saint docteur : Quod (orare ul qui nolunt credere credanl) faceremus prorsus inaniter, nisi rectissime crederemus etiarii perversas et fidei contrarias voluntate omnipntentem Deum ad credendum passe converlere. De grat. et lib. arb., xiv, 29, t. xliv, col. 898. Qu’importe donc à la grâce toute-puissante l’attitude de la volonté humaine à son égard, puisqu’elle se joue des plus endurcies et des plus rebelles. Dieu ne se laisse point arrêter par la dureté des cœurs : Nisi posset Deus etiam duritiam cordis auferre, non dicerel per prophetam : « Au/eram ab eis cor lapideum et dabo eis cor carneum », …quia lapis sine sensu est, cui comparatum est cor durum, cui nisi carni senlienli cor intelligens debuit comparari ? Ibid. Il est à même de leur faire comprendre leur propre intérêt : Dabo eis cor carneum, cor intelligens, selon la glose d’Augustin. Lui dénier ce pouvoir, ne serait-ce pas, du même coup, taxer d’inanité et d’hypocrisie bon nombre de nos prières ? EpisL, ccxvii, 6, t. xxxiii, col. 980. La grâce divine est donc efficace d’une efiicæité que rien ne conditionne, même pas et tant s’en faut, l’acceptation de l’homme, rebelle bien souvent.

Mais n’est-ce pas là plutôt détruire la liberté que préparer la volonté, et celle-ci n’est-elle pas contrariée dans son acte propre, qui devient nécessaire et cesse d’être libre ? Vieille objection que nous retrouvons sous la plume de Julien d’ÉcIane, mais qui ne gêne pas beaucoup Augustin : Si, ut dicis, « ab inlenlione propria » utique mala, « non débet homo ulla nécessitait revocari », cur aposlolus Paulus, adhuc Saulus, cœdem spirans et sanguinem siliens, violenta corporis cœcilale et lerribili desuper voce, a sua pessima inlenlione revocatur ? Agnosce graliam. Op. imp. contra Jul., i, cxiii, t. xlv, col. 1109. Le saint docteur veut précisément que l’on reconnaisse l’action efficace de la grâce dans ces revirements de la volonté humaine : Agnosce graliam. Et notons qu’il s’agit ici de l’acte propre de la volonté ab inlenlione propria. Que la liberté de Saul ait été violentée, on ne saurait le déduire de ce texte d’Augustin, qui ne parle que d’une coercition extérieure : Violenta corporis cœcilale et lerribili desuper-voce. Et le saint évêque ne nous a-t-il pas enseigné que la grâce respectait la liberté : Seimus eos qui corde proprio credunt, sua id facere voluntate ac libero arbilrio. Episl., ccxvii, 16, t. xxxiii, col. 985. Nous verrons bientôt que l’action divine n’est aucunement nécessitante.

En quoi consiste cependant la préparation de la volonté ou l’efficacité de la grâce ? C’est d’abord une conversion de notre volonté au bien, de mauvaise qu’elle était : Gralia vero Dei semper est bona, et per hanc fit ut sil hemo bonæ voluntatis, qui prius fuit voluntatis malæ. De grat. et lib. arb., xv, 31, t. xliv, col. 899. Et remarquons qu’il s’agit là d’une transformation active, d’une véritable causalité efficiente, l’effet portant l’empreinte de sa cause qui est bonne comme lui. C’est de plus une transformation actuelle qui dure autant que son effet, dont elle cause toute la perfection progressive : Per hanc etiam fil ut ipsa bona voluntas quæ jam esse cœpit, augeatur, et lam magna fiul utpossit implere divina m indata quæ voluerit, cum valde perfecleque voluerit. Ibid. Elle va à produire la liberté parfaite de l’homme, au point que celle-ci s’exerce en réalité, car, dit Augustin, le vouloir n’est pas pleinement lui-même s’il ne peut s’exercer : Ad hoc enim valet quod scriptum est : « Si voluerit, servabis mandata ». "/ homo qui voluerit et non potuerit, nondum se plene velle cognoscat et orel ut habeal tantam voluntatem, quanta sufficit ad implenda mandata. Sic quippe adjuvatur ul facial quod juhetur. Ibid. La grâce nous donne donc de vouloir actuellement et efficacement le bien, sous telle ou telle forme particulière, selon le précepte qu’elle nous aide à accomplir.