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    1. PREDESTINATION##


PREDESTINATION. S. AUGUSTIN. LA GRACE EFFICACE

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comme s’affranchir du péché, être l’esclave de la justice, être vraiment bonne, est aussi tout un pour elle : A peccato libéra est quando servit justitiæ et lune est bonu. Ibid.

Aussi est-il facile de comprendre comment l’évêque d’Hippone entend la liberté de l’homme dans l’économie présente du salut : c’est une liberté rendue à elle-même, affranchie d’un esclavage dont elle était victime : Liberox dicimus… eos quibus dicit Apostolus : « nunc autem liberati a peccato, servi autem facli Deo, liabetis fructum veslrum in sanctificationem, finem vero vitam seternam » (Rom., vi, 22). Op. imp. contra Jul., i, lxxxvi, t. xlv, col. If 05. Sur le plan surnaturel et mise à part la liberté psychologique qui subsiste dans l’acte du péché, les hommes ne sont libres que dans la mesure ou, libérés du péché, ils servent Dieu dans un esclavage fécond, dont le terme est la vie éternelle. Cf. De corr. et gral., i, 2, t. xliv, col. 9f7.

Tel est l’enseignement que saint Augustin opposait à celui des semi-pélagiens, touchant la même question. Il avait du reste beau jeu à réfuter une doctrine, dont les conséquences étaient absurdes et que Julien d’Éclane semblait ignorer parfaitement : Sic définis liberam voluntatem ut nisi utrumque, id est et bene et maie agere possil, libéra esse non possit. Ac per hoc, necesse libi est auferre libertalem Deo qui iantummodo bonam potest, malam vero non potest habere voluntatem. Op. imp. contra Jul., Ilf, cxxii, t. xlv, col. 1299. Dieu qui ne peut vouloir le mal ne serait-il donc pas libre ? Tant s’en faut que le mal puisse être l’objet de la liberté ! Ou faut-il dire que les saints cesseront d’être libres au ciel, alors qu’ils ne pourront plus pécher ? Ibid., Vf, x, col. 1518. Le Christ dont l’impeccabilité était hors rie doute n’était-il pas libre, d’une liberté d’autant plus grande qu’il lui était plus impossible d’être l’esclave du péché : Numquid metuendum fuit ne accedenle lelale, hemo Me libero peccaret arbilrio ; aut ideo in Mo non libéra voluntas erat, ac non tanto magis erat quanlo mugis peccato servire non poteral ? De preed. sanct., xv, 30, t. xiiv, col. 982. Répétons-le : c’est un principe pour Augustin que la liberté est d’autant plus parfaite qu’elle est plus étrangère au mal.

Mais la liberté de l’homme n’est pas restée étrangère au mal, voilà pourquoi le saint docteur la considère en tenant compte de la chute originelle. Le péché l’a considérablement affaiblie. Nous avons vii, en effet, que tel devait être fatalement le résultat du relâchement de sa tendance au bien. Julien d’Éclane ne pouvait que l’avouer. Op. imp. contra Jul., VI, xiv, t. xlv, col. 1529. Depuis la chute donc, la volonté humaine est, dans l’ordre surnaturel et vis-à-vis du bien, comme frappée d’impuissance. Ibid., Vf, i, col. 1518, d’une impuissance qui est son châtiment, comme un jour son impuissance vis-à-vis du mal sera sa récompense. Elle partage le sort du prince des ténèbres dont la liberté est toute maléfique, en expiation de son péché. Epist., c.c.xvii, 10, t. xxxiii, col. 982.

Aussi doit-on dire que, tandis qu’avant la faute originelle l’homme se trouvait libre d’une liberté intacte et puissante, n’excluant certes pas le secours divin, mais capable de se soustraire au mal (comme le fit celle des bons anges, De dono pers., vii, 13, t. xlv, col. 1001), il ne fait plus figure que d’affranchi. De corr. et grat., xii, 35, t. xliv, col. 937. Il est vrai que cet affranchissement lui redonne une nouvelle et heureuse liberté : celle de servir Dieu. Et c’est ainsi que le Christ délivre ceux qu’il a prédestinés. Il arrache au démon leur liberté, afin que librement ils puissent croire en lui : Medialor intral in domum jorlis et eripit vasa ejus quæcumque prsedeslinavil eripere, arbitrium eorum ab ejus potestate liberans, ni Mo non impediente, credant in islum libéra voluntate. Epist., ccxvii, 11, t. xxxiii, col. 982 ; Enchir., xxxi, t. xl, col. 247.

Telle est donc la doctrine d’Augustin sur la liberté de l’homme dans l’œuvre du salut. Farce que l’objet de cette liberté est essentiellement le bien, le péché originel, dans lequel l’homme est tombé, a changé cette liberté en un véritable esclavage. De cet esclavage l’homme est affranchi par la grâce qui rend sa liberté à elle-même en lui redonnant Dieu pour objet. Cette doctrine éclaire celle que professe Augustin touchant l’action divine et sa pensée achèvera de nous être manifeste par l’étude des rapports de cette action divine avec l’action humaine, autrement dit des rapports de la grâce avec la liberté.

4° Les rapports de l’action divine et de l’action humaine dans la réalisation de la prédestination. La grâce et la liberté. L’efficacité de la grâce. — Saint Augustin, nous l’avons vu plus haut, ne fait pas consister le mystère de la prédestination dans la difficulté de concilier l’action divine et l’action humaine autour du même objet. Le mystère, pour lui, est dans la liberté de l’élection divine, mais quant à l’action de l’homme ou de sa liberté, elle est subordonnée à l’action divine et la question n’est plus que d’étudier les modalités et l’étendue de cette subordination.

Le saint docteur affirme d’abord la coexistence de la grâce et de la liberté dans la réalisation de l’oeuvre salutaire : In errorem fpelagianum) cadit qui pulal secundum aliqua mérita humana dari graliam Dei, quæ sola hominem libéral per Lomimm nostrum Jesum Christum. Sed rursum, qui pulal, quando ad judicium Dominus venerit, non judicari I.ominem secundum opéra sua qui jam per eetalem uti potuit libero voluntatis arbilrio, nihilominus in erroreesl. Epist., ccxv, 1, t. xxxiii, col. 971. C’est par la grâce seule que l’homme est délivré du péché. Néanmoins il sera jugé sur les œuvres que, dans son âge adulte, il aura accomplies librement. Rons et mauvais, lors du jugement, seront rétribués d’après les mérites de leur propre volonté, mais les bons auront à se souvenir que la grâce fut toujours au principe de leur bonne volonté. La foi, dit Augustin, ne nie aucunement l’action de la liberté, mais, sans la grâce, , la liberté ne peut rien, à quelque moment que ce soit de l’économie salutaire. Ibid., 4. Comme nous avons vu que le fait d’imposer à l’homme des préceptes était une reconnaissance par Dieu lui-même de cette liberté, ainsi l’accomplissement de ces mêmes préceptes est une preuve que la grâce coexiste à cette liberté : neque enim fmulla) preeciperentur, nisi homo haberet propriam voluntatem qua divinis præceptis obediret. Et tamen Dei donum est, sine quo servari… prsecepta non possunt . De grat. et lib. arb., iv, 8, t. xliv, col. 885.

C’est merveille, d’ailleurs, de voircomment l’action de Dieu respecte l’action de l’homme et comment celle-là atteint ses fins sans que celle-ci s’en trouve lésée : Nec ideo auferalis a pharaone tiberum arbitrium, quiamullis locis dicit Deus : « Ego induravi pharaonem, vel induravi aut indurabo cor pharaonis. » Non enim proplerea ipse pharao non induravil cor suufh. Nom et de Mo legitur. « El ingravavit pharao cor suum et in isto lempore, et noluil dimiltere populum. » Ac per hoc et Deus induravi ! per justum judicium, et ipse pharao per tiberum arbitrium. Ibid., xxiii, 45, col. 911. Très librement, le pharaon endurcit son cœur : et néanmoins, cet endurcissement n’est qu’un juste châtiment de Dieu.

Il en va de même dans l’accomplissement des œuvres méritoires : ce sont bien les hommes qui les font, mais sous l’action de la grâce : Etsi faciunl homines bona quæ pertinent cd colendumDeum, ipse facit ut Mi faciant quæ præcepil, De præd. sanct., x, 19, t. xliv, col. 975, action indispensable, même lorsqu’il s’agit de notre opération la plus habituelle : Cogitantes credimus, cogitantes loquimur, cogitantes agimus quid-