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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, LA REALISATION

286 l’infaillibilité et l’immutabilité de celle-ci ? Augustin De le dit pas explicitement. C’est qu’elles ne font de doute pour personne, et le saint docteur peut se demander pourquoi l’infaillibilité de la prédestination est une source de difficultés pour ses adversaires, alors que celle de la prescience n’en fait pas. Hoc et de pnvscientia Dei dici potest quæ iamen a /idelibus negari non potest et puto nec a vobis. Op. imp. contra Jul., i, c.xix, t. xi. v. col. 1126. A moins qu’ils ne veuillent nier cette prescience, sous les plus ridicules prétextes : Aut negate Dcum prsescium multos se damnaturum esse qnos créât, ne videatur creare quos damnet. Ibid.

On peut, cependant, donner de l’infaillibilité de la prescience divine, des raisons tirées de la propre doctrine d’Augustin. Il n’est que de se rappeler l’objet de cette prescience qui est l’action même de Dieu… Prœscivit crediluros… quia /acturus fuerat ipse credentes. De præd. sanct., xvii, 34, t. xliv, col. 985. Ce que Dieu connaît d’avance, c’est ce qu’il fera : Deus concerta ad /idem… Deus donat perseverantiam usque in l’meni : hœc Deus facturum se esse præsciuit, De dono pers., vii, 15, t. xlv, col. 1002 ; ce sont ses propres bienfaits : Quæ utique si prsescivit, projecto bénéficia sua… præsciuit. Ibid., xiv, 35, col. 1014. Et nous connaissons la transcendance et la souveraineté de l’action divine qui s’étend à tous les effets, y compris notre vouloir : Ejus qui universa operatur. usque adeo ut ipse in nobis operetur et velle. De præd. sanct., xviii, 37, t. xi. iv, col. 988. Comme il n’est pas possible que rien empêche de fait cette action divine (ce que nous verrons en examinant comment saint Augustin entend l’efficacité de la grâce), rien ne pourra donc modifier l’objet de la prescience divine, dans l’infaillible activité de laquelle consiste, ni plus ni moins, toute la prédestination : In sua quæ jalli mutarique non potest præscientia, opéra sua futura disponere, id omnino nec (rfiiul quidquam est prædestinare. De dono pers., xvii, 41, t. xlv, col. 1019.

IV. Les effets de la prédestination dans le temps. — Autant que le permettait le caractère concret de l’enseignement d’Augustin, nous avons analysé sa doctrine sur l’ordre de la prédestination éternelle. Nous avons cherché quelle était la pensée du saint docteur, relativement à chacun des actes dont cet ordre se compose. Nous avons établi la succession de ces derniers et leurs rapports. Ce travail nous a déjà fait conclure à la gratuité et à l’infaillibilité de la prédestination.

Il nous reste à examiner comment, d’après l’évêque d’Hippone, se réalise le plan salutaire que Dieu a conçu de toute éternité. Quels sont ces præscili, ces discreti, ces prædeslinali quand on les considère dans le temps. Sur ce plan inférieur, la prédestination perd-elle de son double caractère de gratuité et d’infaillibilité ou bien celles-ci s’accusent-elles au contraire encore davantage ?

I" Le mal présuppose à la réalisation de la prédestinai ion. — Dans quelles conditions cette réalisation doit-elle se poursuivre ? Un grand principe, formellement augustinien, est à rappeler ici. Le saint docteur l’exprime plusieurs fois en termes équivalents : …saluberrime confilemur quod certissime credimus, Dcum Dominumque rerumomnium qui creavit omnia bonuvalde et mata ex bonis exoritura esse præsciuit et scivil magis ad suam omnipotentissimum bonitatem perlinere eliam ( ! ’malis bene jacere quum mata esse non sinere. De corr. et grat., x, 27, t. xi.iv, col. 932 ; Enchir., xi, t. XL, col. 236 ; c, col. 279 ; De civ. Dei, XXII, i, 2, t. xi.i, col. 751.

Ce principe ne trouvera pas de plus éclatante vérification que celle qui en est faite dans la réalisation de la prédestination. Celle-ci, en eflet, ne présuppose rien autre que cette double intention de Dieu : permettre le

mal, inala sinere, et de ce mal tirer le bien, de malis bene facere. 1)eu choses qui ne sont, en définitive, que la manifestation de sa toute-puissante bonté : ad suant omnipoteniissimam bonitatem.

Mais, d’une façon plus précise, comment cette double attitude de Dieu se traduit-elle dans ce domaine choisi de la création qui a nom la vie des anges et des hommes, et dans lequel se réalise justement la prédestination qui nous occupe ? Écoutons toujours le saint évêque : Credimus… Dcum sic ordinasse angelorum et hominum vitam, ut in ea prius ostentlcrcl quid posset eorum liberum arbitrium, deinde quid posset suæ gratiæ beneflcium, justitiœque judicium. De corr. el grat., x, 27, t. xi.iv, col. 932 ; cf. Contra duas epist. Pelug., II, vii, 15, t. xliv, col. 581 et 582.

Ainsi, l’ordination de la vie tant des anges que des hommes correspond à cette double fin : montrer ce que peut leur libre arbitre ; montrer ce que peuvent le bienfait de la grâce de Dieu et son juste jugement ; la première de ces fins étant une occasion de permettre le mal, mala sinere ; la deuxième, une occasion de tirer du mal le bien, de malis bene facere.

Comment cette double fin a-t-elle été atteinte dans le cas des anges ? Augustin nous l’apprend d’une manière à la fois concise et complète. Un certain nombre d’entre eux, par la faute de leur propre liberté, sont arrivés à ce triste résultat de n’être plus que des transfuges de Dieu lui-même. De corr. et grat., x, 27, t. xliv, col. 932. Mais ces transfuges de la bonté divine n’ont pu échapper au jugement divin : d’où leur insondable malheur. Et pour autant s’est manifestée la puissance de ce jugement divin. Les autres, toujours par la vertu de leur propre liberté et le bénéfice d’une préférence divine, De civ. Dei, XII, ix, 1, t. xli, col. 356, sont demeurés dans la vérité de leur état et ont mérité d’avoir la certitude qu’ils n’en décherraient pas à l’avenir, ce qui est l’effet de la grâce divine.

Quoique le plan de Dieu ne soit pas rigoureusement le même, dans le cas des anges et dans celui des hommes, l’exemple de ceux-là éclaire singulièrement le sort de ceux-ci. Cest du reste, une vie éternellement bienheureuse qui nous fut promise, aussi bien qu’à eux-mêmes, et une condition égale à la leur. De corr. et grat., x, 27, 28. D’où la certitude, pour nous comme pour eux, de notre stabilité, une fois le jugement divin porté.

Mais, jusque dans la poursuite de cette fin bienheureuse, le cas des anges et celui de l’homme ont de profondes ressemblances. Celui-ci, comme ceux-là, fut créé avec la prérogative de la liberté. Ignorant sa chute future, rien ne troublait son bonheur originel, car il se rendait compte qu’il ne tenait qu’à lui de ne jamais connaître la mort ni le malheur : Sic et hominem fecit cum libero arbitrio et quamvis sui futuri casus ignarum, lamen ideo beatum quia et non mori et miserum non fiai in sua potestate esse sentiebat. Ibid. L’homme pouvait donc à la seule condition de le vouloir, rester dans son étal de rectitude et de bonté morale et recevoir, en retour de cette permanence, la plénitude de bonheur et la confirmation dans celui-ci, qui furent le fait des anges fidèles. Mais, hélas, il profita de sa liberté pour abandonner Dieu et ce fut une seconde intrusion du mal dans l’œuvre divine.

Il ne restait plus à Dieu, cette nouvelle occasion en étant donnée, que de faire éclater derechef la puissance de son jugement et de sa grâce. C’est pourquoi l’homme se mit à éprouver toutes les rigueurs de la justice divine : Justum judicium Dei expert us est, ut cum lola sua slirpe, quæ in illo adhuc posita, tola cum illo peccaverat, damiiariiur. Ibid. C’est pourquoi aussi la grâce de Dieu ne se contenta plus de combler des innocents, mais alla jusqu’à briser les chaînes de ceux qu’une irrévocable sentence avait déjà garrotés : Quoi-