Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/713

Cette page n’a pas encore été corrigée

2853

P RE DKSÏi : NATION. S. AUGUSTIN, LE DÉCHET ÉTERNEL 2854

Augustin, lui, ne parle le plus souvent que de la prédestination malerialiter sumpta, dans laquelle il englobe facilement les deux ordres d’intention et d’exéeut ion, ou par laquelle il lui arrive d’entendre seulement tel ou tel acte de chacun d’eux. F. Cayré, Précis de patrologie, t. i. p. 072, n. 1. Jusque dans les définitions qu’il nous donne de la prédestination on retrouve cette absence de terminologie formelle. En veut-on un exemple ? Prœscire reliquias quas seeundum elcclionem gratise /lierai ipse faclurus… hoc est prsedeslinavit ; priedeslinasse est hoc preescisse quod fueral ipse faclurus, où l’on voit qu’il définit la prédestination par la prescience. Mais d’après ce texte l’élection ne règle-t-elle pas la prédestination ? Elle la précède donc et saint Augustin n’est pas en désaccord avec saint Thomas qui, , lui, enseignera formellement, la priorité (logique, bien entendu) de l’élection sur la prédestination, tout comme dans l’acte humain, l’élection, ou choix des moyens, précède Yimperium, qui commande leur exécution.

Mais, comme nous l’avons fait pour la prescience, il nous faut apprendre du saint docteur quel terme il assigne à la prédestination ? Tout mouvement se caractérise par son but, toute action par son objet. Les prédestinés dont il nous parle le sont-ils à la grâce seule ou à la gloire ? On se rappelle l’état de la question. Les semi-pélagiens n’admettaient, ne pouvaient admettre, vu leur système, qu’une prédestination à la grâce, et encore à la grâce entendue à leur façon, à la grâce que seule la liberté rend efficace. Augustin les réfute, sur ce point, avec une énergie particulière sachant bien que c’est là, à la fois, le centre et le résumé de leur erreur. Sans le don de persévérance qui, d’après lui (nous le verrons plus loin), réalise la prédestination, celle-ci n’existe pas en dépit de toutes les grâces reçues : Qui vero perseveraluri non sunt, ac sic a fide christiana et conversalione lapsuri sunt, ut laies eos vitæ hujus finis inveniat, procul dubio, nec illo tempore quo bene pieque vivunt, in islorum numéro compulandi sunt. De corr. et grat., vii, 16, t. xliv, col. 925. Ceux qui ont reçu ces grâces mais ne persévéreront pas ne sont pas au nombre des prédestinés. C’est une idée familière à notre docteur : Qui autem cadunt et pereunt, in prædeslinalorum numéro non juerunt. Ibid., xii, 30, col. 938. Qu’importe qu’on les appelle « enfants de Dieu » ? La prescience divine ne leur donne pas ce nom : Isli, cum pie vivunt, dicuntur filii Dei, sed quoniam viciuri surit impie et in eadem impielate morituri, non eos dicit filios Dei præscienlia Dei. Ibid., ix, 20, col. 928. Et, si les vrais enfants de Dieu sont les prédestinés, et ceux qui seront ses enfants toujours, il ne faut pas, selon Augustin, parler davantage de prédestination à la foi seule : Non erant ex numéro filiorum cl quando erant in fide filiorum quoniam qui vere filii .sunt, prsescili et prædestinati sunt conformes imaginis Filii ejus et seeundum propositum vocati sunt ut elccli essent. Ibid.

La pensée du saint évêque ne fait aucun cloute. En reprenant le texte de l’épître aux Romains, pour en étayer sa doctrine, il nous montre comment il entendait ce texte. Le nombre des vrais enfants de Dieu est arrêté de toute éternité, et ce sont ces enfants de Dieu, en nombre déterminé, qui sont l’objet, au même titre, de la prescience, de la prédestination, de la vocation efficace (ou selon le décret), de l’élection divines. Ainsi précise-t-il le quos pra’scivit de Paul. Ceux qui ne sont pas compris dans ce nombre, fussent-ils appelés à la foi seule, ne sont ni élus, ni appelés efficacement, ni prédestinés, ni præscili de cette prescience qui s’exerce dans et pour la prédestination. Si l’on peut donc parler de vocation à la foi, à la grâce seule, on ne peut pour tintant trouver dans Augustin aucune trace de prédestination à la grâce et à la foi seules. Il est certain que,

pour lui, être prédestiné à la grâce seulement et non

à la gloire, c’est ne pas être prédestiné.

Certes, la prédestination et la grâce ont d’étroits rapports, puisqu’elles sont entre elles comme la cause et l’effet, celle-là préparant celle-ci : Prædestinatio Dei

quæ in bono est gratiie. est prieparatio, gratia vero est ipsius prsedestinationis tffeclus, De præd. sanct.. x. 19, t. xi. iv, col. 975 : mais on ne saurait tirer de ce texte un argument en faveur de la prédestination à la grâce. Augustin, en effet, répond à ceux qui lui objectaient sa propre affirmation : Salutem religionis hujus nulli unqiiam defuissc qui dignus fuit et diynum non fuisse cui défait. Si l’on cherche, dit-il, la source de cette dignité, de ce mérite, beaucoup la trouvent dans la volonté humaine. Nous la voyons, quant à nous, dans la grâce ou la prédestination divine : non désuni qui dicant, voluntate humana : nos autem dicimus gratia vel prœdeslinalione divina. Ibid. Et il s’applique à distinguer l’une de l’autre, la grâce de la prédestination : Inler graliam porro et prædestinationem hoc lantum inlerest, quod prædeslinatio est graliee præparatio, gratia vero jam ipsa donatio. Ibid. De sorte que le saint docteur ne met en connexion la grâce et la prédestination que pour expliquer la gratuité du salut, qui résulte, indifféremment de l’une ou de l’autre : gratia vel prædestinalione divina. Mais le salut est inconcevable sans la gloire et c’est par rapport à la gloire, comme nous allons le montrer plus explicitement, que saint Augustin, définit la prédestination.

La prédestination à la gloire.

Il est à noter que

l’évêque d’Hippone ne concevait même pas qu’un autre terme que la gloire pût être assigné à la prédestination.

Sans doute n’avait J il pas à son usage la formule consacrée de prædeslinatio ad gloriam, mais, sans que celle-là même lui fût inconnue, celles qu’il employait sont rigoureusement équivalentes. Nous avons vu comment il attaquait la prédestination à la grâce seule des semi-pélagiens. A-t-on remarqué que sa tactique n’était pas de leur opposer la prédestination à la gloire, mais simplement la vraie notion de la prédestination ou de sa réalisation par le don de persévérance ? C’est que, pour Augustin, la prédestination est nécessairement à la gloire ou elle n’est pas. Attaché, comme il l’était, à défendre la gratuité des dons divins, comment aurait-il pu songer à les restreindre ? Du reste, Prosper lui écrivant pour demander des explications sur d’autres points, parlait de la.prédestination à la gloire, comme allant de soi… patefacias… quemadmodum per hanc prædicationem propositi Dei, quo fidèles fiunt qui prœordinali sunt ad vitam œlernam… Epist., ccxxv, S. t. xxxiii, col. 1000. On ne saurait entendre cette vila œterna de la grâce seule, sous quelque prétexte que ce soit, puisque ce qui est ici en question, c’est l’infaillibilité de la prédestination. Ceux que le décret divin rend fidèles, ce sont les persévérants, quo fidèles fiunl, et la persévérance, c’est la gloire assurée. De plus, la prédication de la prédestination à la grâce seule, nous le savons, ne faisait aucune difficulté pour.les semipélagiens.

Les prédestinés, pour Augustin, sont les élus dont aucun ne périt : Ex istis nullus péril, quia omnes electi sunt, mais ceux-là seuls sont élus, qui sont l’objet d’une vocation efficace : Quoniam seeundum propositum vocati sunt, profecto et electi sunt… non enim sic sunt vocati ut non essent electi, propter quod dictum est : « Mulli enim vocati, pauci vero electi » (Matth., xx. 16). De corr. et grat., vii, 13, t. xliv, col. 924. Le terme de la prédestination est donc, comme celui-de la vocatio seeundum » roposilum, le ciel ou la gloire, ou la vie éternelle : ex istis nullus périt.

C’est la même doctrine qui se dégage de la prédestination du Christ : El illum ergo et nos priedestinavit