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PRÉDESTINATION. SAINT AUGUSTIN, LE MYSTÈRE


rance : me ignorare respondeo. De corr. et grat., vhi, 17, t. xi. iv. col. 926.

Mais, enseigne le saint docteur, ce qui est plus déconcertant encore — sed etiam illud non minus mirum est et tamen veram, atque ita manifestum. ut nec ipsi inimici gratis Dci quomodo id negent valeant invenire (ibid.) — c’est que Dieu écarte de son royaume les enfants de ses amis, c’est-à-dire des fidèles et des régénérés, en les laissant mourir sans le baptême, tandis qu’il y introduit, en les faisant venir entre les mains de chrétiens qui les baptisent, des enfants dont les parents sont proscrits. Et cependant, lui qui peut tout, pouvait, s’il l’avait voulu, procurer aux premiers la grâce de la régénération : Certe hic judicia Dei quoniam justa et alta sunt, nec vituperari possunt, nec penetrari… ergo exclamemus : « altitude sapientiæ et scientiæ Dei : quant inscrutabitia sunt judicia ejus. » Ibid.

Est-il même besoin de faire appel aux familles de fidèles et d’infidèles, à la diversité qu’on rencontre dans un seul et même foyer, puisque le mystère du choix divin se vérifie encore dans le cas de frères jumeaux ? De dono pers., viii, 17, t. xlv, col. 1002. Augustin ne trouve d’autre réponse que celle, au moins aussi mystérieuse, de la rétribution égale des ouvriers de la vigne évangélique, inégalement méritants. Une seule chose est sûre, l’absence de toute injustice : Ha quippe ejus (Domini) erga alios fuit largitas, ut erga alios nulla effet iniquitas. Ibid. Ainsi, tout le long de la réalisation des divins décrets, tant lors de la vocation qu’à l’heure de la persévérance finale, chez les petits enfants comme chez les adultes, chez les impies comme chez les justes, c’est le mystère du choix divin, de la prédilection divine toujours grandissant : Ex duobus itaque parvulis, originali peccato pariter obstrictis, cur isle assumatur, ille relinquatur ; et ex duobus selate jam grandibus impiis, cm iste ita vocetur ut vocanlem sequatur, ille autem aut non vocetur, aut non ita vocetur, inscrutatilia sunt judicia Dei. Ex duobus autem piis, cur huic donetur perseverantia usque in finem, Mi non donetur, inscrutabiliora sunt judicia Dei. Illud tamen débet fidelibus esse certissimum, hune esse ex prædestinalis, illum non esse. Ibid., ix, 21, col. 1004. Et cependant, c’est la prédestination qui s’accomplit.

On le voit, Augustin, loin de tenter une explication de ce mystère, ou seulement de le restreindre, l’intensifie plutôt et l’élargit. Ce n’est pas lui qui mettra en avant, pour l’éclairer, les diverses modalités que peut revêtir la vocation en s’adaptant à chaque cas particulier : Sed quare isti sic. Mi aliter, atque alii aliter diversis et innumerabitibus modis vocentur ut reformentur, absit ut dicamus judicium luti esse debere sed figuli. De corr. et grat., v, 3, t. xliv, col. 920.

Encore moins recourra-t-il à une prévision quelconque de mérites futurs ou futuribles : « Non volenlis, neque cuirentis, sed miserentis est Dei » (Rom., ix, 16), qui et parvulis quibus vult, etiam non volentibus neque currenlibus subvenit… et majoribus, etiam his quos prœvidit, si apud eos facla essent, suis miraculis credituros, quibus non vultsubvenire, non subvenit ; de quibus in sua prædestinalione occulte quidem, sed juste aliud judicavit. De dono pers., XI, 25, t. xlv, col. 1007, puisque cette prévision, quand elle a sa raison d’être, n’influe aucunement sur la liberté du choix divin : Quibus non vull subvenire non subvenit, ni ne modifie la teneur des décrets prédestinants : de quibus in sua prædestinatione. .. aliud judicavit.

S ensuit-il. pour autant, que le mystère du choix divin heurte la raison ? Nullement, car il est le triomphe de la justice et de la miséricorde divine : Hominibus dut quibus vult, quoniam et si non dei justus est : et non dat quibus non vull, ut notas jaciat divilias glorix su.se in vasa misericordiie. De dono pers., xii, 28, t. xlv,

col. 1009. La boulé et la justice s’y rencontrent : miseretur bona Iribuens, obdurat digna retribuens, De prsed. sanct.. vin. 11, t. xi. iv, col. 971, mais en dernière analyse et tout compte fait, c’est un mystère de bonté : bona pro malis, car, dit Augustin : Reddet omnino ficus cl mala pro malis, quoniam justus est ; et bona pro malis, quoniam bonus est ; et bona pro bonis quoniam bonus cl justus est ; tantummodo mala pro bonis non reddet quoniam injustus non est. Reddet ergo mala pro malis : pœnam pro injuslitia ; et reddet bona pro malis : gratiam pro injustitia ; et reddet bona pro bonis : grattant pro gratia. De grat. et lib. arb., xxiii, 45, t. xliv, col. 911. Gratiam pro injuslitia : le saint docteur songe au péché originel, qui, ajoutant encore aux droits absolus de Dieu, exalte à sa manière ce mystère de grâce sans que notre raison, instruite par la foi, puisse en être étonnée : Cur autem non omnibus detur (fldes inchoata et per/ecla) fidelem movere non débet, qui crédit ex uno omnes isse in condemnationem sine dubitatione juslissimam, ita ut nulla Dei effet justa reprehensio, etiam si nullus inde liberaretur. De preed. sanct., viii, 16, t. xliv, col. 972.

5° La considération du mystère ainsi précisé fait conclure à la gratuité de la prédestination. — D’abord à la gratuité de la vocation qui apparaît avec évidence dans le cas des petits enfants. Au prêtre Sixte, Augustin l’avait fait remarquer à plaisir : « Pourquoi donc aucun de ces petits n’entrera-t-il au ciel, pour n’avoir pas reçu le baptême ? Est-ce parce qu’il a eu le malheur de se choisir des parents infidèles ou négligents ? Et si je parle des innombrables cas de morts inopinées, où l’on voit des enfants de chrétiens ravis avant le baptême, tandis que ceux de sacrilèges ennemis du Christ, venant, on ne sait comment, entre des mains chrétiennes, sont baptisés avant de mourir, que pourront bien me dire ceux qui soutiennent la nécessité de mérites antécédents, sous prétexte que Dieu ne fait pas acception de personnes ? Quels sont donc, dans ce cas, ces mérites antécédents ? » Episl., cxciv, 32, t. xxxiii, col. 885. Les mérites des enfants ? Us n’en ont pas, tirés qu’ils sont également de la masse de perdition. Ceux des parents ? Mais il en serait donc tenu compte à rebours ? Et cependant la providence « le Dieu, qui sait le nombre des cheveux de notre tête, qui n’est pas étrangère à la chute d’un passereau, que le hasard ne gêne pas, que l’injustice ne corrompt pas, ne s’intéresse-t-elle pas à tous les enfants de ceux qui sont ses fils, et même à nombre de ceux qui la rejettent avec impiété ? Voilà un enfant, fruit d’une sainte union, dont la venue a été saluée avec allégresse : étouffé pendant le sommeil de sa mère ou de sa nourrice, il ne partagera pas la foi des siens. Cet autre, né d’un sacrilège, exposé sur la voie publique par l’affreuse honte de sa mère, recueilli par la piété des passants et baptisé par leurs soins, devient participant de l’éternel royaume ! Qu’on ose après cela me dire ou que Dieu, dans la distribution de sa grâce, fait acception de personnes, ou qu’il récompense des mérites antécédents.

Le mystère du choix fait également conclure à la gratuité du don de persévérance, par lequel Dieu réalise la prédestination des adultes : Sicut ergo coguntur fateri, donum Dei esse ut finiat homo vitam islam, antequam ex bono mutetur in malum ; cur autem aliis donetur, aliis non donetur ignorant : ita donum Dei esse in bono perseveranliam… fateantur nobiscum. De corr. et grat., viii, 19, t. xliv, col. 927.

Reprenant cette double conclusion, saint Augustin assure qu’on ne peut s’y dérober qu’en recourant à l’absurdité de la prescience des mérites futuribles : Et tamen hoc dicere urgentur, qui non fatentw gratiam liii non sectinilum mérita nostra dari. Qui autem nolunt dicere, unumquemque mortuorum secundum ru judicari,