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PREDESTINATION. L’ECU ITERE SAINTE


sèment l’intention, étonne. Mais ce silence est-il réel ? L’attention se porte sur la clause finale du y 29 : i A fin qu’il (le Fils) soit un premier-né parmi de nombreux frères. » Comment douter que nous ayons là le but spécial que Dieu poursuit en toute cette affaire. La voilà, enfin déclarée par Paul, l’intention divine qui va imposer à toute la suite des actes divins, et premièrement aux actes intérieurs de préconnaissance et de prédestination, de vivantes et précises directives. Cette intention étant présupposée, il s’agit d’aviser aux moyens de la réaliser, c’est-à-dire de les discerner et d’en décréter la mise en œuvre. Ce discernement, c’est la préconnaissance, ce décret, c’est la prédestination. L’une et l’autre s’avèrent actes de la raison pratique mue par une intention présupposée.

Le terme ^reconnaissance est technique et de signification prégnante. Le P. Allô a bien montré que les verbes simples yivcôuxco et S ? "V comportaient, spécialement avec Dieu comme sujet, outre leur signification fondamentale de « connaître », une signification secondaire difficile à préciser mais que l’on peut rendre en gros par « considérer avec bienveillance ou amitié » (Les versets 28-30 du e. VIII, ad Romanos, dans Rev. des se. ph. et th., 1913, p. 269 sq.). Nul doute que cette note affective ne se doive admettre ici et dlautant plus que notre préconnaissance représente un acte de la raison pratique, elle-même chargée d’affectivité. Cette préconnaissance, àlaquellefait suite)a prédestination, ne peut être que ce que nous appelons le jugement pratique, jugement non de vérité, mais de valeur, jugement discrétif et d’approbation, qui va déterminer le choix de la volonté ou élection, qui l’amorce et le contient déjà. Mais quel est l’objet de ce discernement électif ? En d’autres termes, de quoi exactement Dieu y prononce-t-il : voilà le moyen à prendre ? C’est évidemment celui sur lequel va porter le décret d’exécution et que Paul exprime en ces termes : « Il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils. » Moyen complexe, puisqu’il comporte la conformité ou conformation à l’image du Fils à réaliser en certaines personnes déterminées. La conformité ou conformation s’indiquait de soi, mais non pas la désignation de certaines personnes parmi d’autres. D’après quelles considérations s’est fait ce discernement électif ? Paul n’en dit rien. Son langage suggère seulement que Dieu y a procédé avec une souveraine indépendance.

L’acte de prédestination, qui clôt l’ordre d’intention, est le commandement (imperium) que Dieu se fait à soi-même d’employer le moyen auquel s’est arrêté son jugement discrétif, à savoir la conformation de certaines personnes déterminées à l’image de son Fils. Ce Fils, c’est Jésus-Christ dans son état glorieux, ainsi que le prouve la suite des actes d’exécution, appel, justification, glorification. Quant à la conformation elle-même, si elle se réalise en trois étapes, le langage de Paul semble bien supposer qu’au regard de la prédestination, elle représente un objet global et unique, atteint directement en sa totalité.

Quant aux actes divins d’exécution, ils sont supposés suivre infailliblement la prédestination.

Qu’est-ce, au juste, que ce propos de Dieu allégué au y 28 ? Il n’y a pas apparence qu’il représente un acte particulier. Paul doit songer à l’ordre d’intention en bloc par opposition à l’ordre d’exécution. Dans Eph., i, 11, où nous lisons : « En qui (le Christ) nous aussi (les juifs) nous avons obtenu part à l’héritage comme des gens qui ont été prédestinés suivant le propos de celui qui exécute tout xaxà -rr, v PouXyjv toû ÔeÀ7)u.aToç aÙToG », le propos semble être la même chose que la fiouXïj, qui est la volonté délibérée, en bloc. Même sens, II Tim., i, 9 : « Selon la puissance (principe d’exécution ) de Dieu qui nous a sauvés (sans doute par la rédemption) et qui nous a appelés d’un saint appel, à

raison non pas de nos œuvres, mais de son propre propos et de sa propre grâce (bienveillance salviflque) qu’il nous a donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles. » Propos et grâce semblent être dans le même rapport que propos et fJouXtf). Peut-être, dans l’un et l’autre cas, propos représente-t-il le processus volontaire à un stade plus évolué et plus décisif. Cependant, il serait aventuré de subtilisera l’excès. Retenons plutôt le caractère gratuit du propos divin, raison de notre salut et de notre appel. Devons-nous dire aussi de notre prédestination ? L’apparent parallélisme de II Tim., i, 9, et d’Eph., i, 11, où figure le mot prédestination, le donnerait à penser. Sur l’exclusion des œuvres, comme motif de notre justification, laquelle nous constitue héritière de la gloire, Tite, ni, 5, est du plus haut intérêt : « Ce ne fut point à raison des œuvres que nous aurions faites dans la justice que Dieu nous sauva. Ce fut par sa miséricorde. Il le fit au moyen d’un bain de régénération et de renouvellement par l’Esprit-Saint, qu’il répandit abondamment sur nous par Jésus-Christ, notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers, en espérance, de la vie éternelle. » Cependant, ici non plus, le mot de prédestination n’est pas prononcé.

2. Éphésiens, i, 3 sq. — Ici, en revanche, nous le rencontrons : « Béni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés dans le Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles et célestes, pour nous avoir élus avant la création du monde à cette fin que nous soyons saints et sans reproche devant lui ; nous ayant prédestinés, en sa charité, à l’adoption filiale par Jésus-Christ. » La phrase est compliquée à souhait. Qu’il nous suffise de remarquer que notre prédestination est l’œuvre de la charité de Dieu, qui est la même chose que la « grâce », ou bienveillance salviflque de II Tim., i, 9. Relevons encore l’apparition d’un acte divin, l’élection, dont nous n’avions pas encore rencontré la mention explicite. Psychologiquement, il s’intercale entre la préconnaissance et la prédestination. Les « élus » sont d’ailleurs, dans le langage de saint Paul qui néglige la distinction énoncée Matth., xx, 16 ; xxii, 15, les mêmes personnes que les « appelés ». Ce n’est pas, bien entendu, que Paul ignore que des chrétiens, et donc des appelés, puissent se rencontrer qui s’excluent par leur conduite de la vie éternelle et donc, puisqu’il tient la prédestination comme infailliblement efficace, qu’il puisse y avoir des appelés qui ne sont pas prédestinés. Mais, lorsqu’il parle de la prédestination, c’est toujours en vue d’affermir l’espérance et de stimuler l’action de grâces, ce qui lui fait négliger cette considération.’3. Textes divers. — Il se pourrait qu’il y ait allusion au propos salviflque de Dieu, I Thess., v, 9 : « Car Dieu ne nous a pas posés (eŒtg) pour la colère, mais pour l’acquisition du salut par Jésus-Christ… » Devons-nous entendre ce « posés » in re, ou in intenlione, d’un acte historique ou d’un décret éternel ? Dans la première hypothèse, on attendrait quelque chose comme : par la foi en Jésus-Christ. De plus, eŒto se conçoit bien mieux comme équivalent de rcpoTiôr ; ^ !. que de xaXco ; cf. ôpîÇco et TtpoopîÇco.

Presque certainement II Thess., ii, 13 sq., doit s’entendre de l’élection éternelle : « Car Dieu vous a choisis (EÏXaTo) dès le commencement (lire : àiz’àpyr^, et non pas àracpx"Ô v) pour le salut, par la sanctification de l’Esprit et la foi en la vérité, à quoi il vous a aussi appelés par notre évangile pour l’acquisition de la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » L’opposition entre « choisir » et « appeler » enlève toute possibilité d’interpréter « dès le commencement » sur le plan historique, où « choisir » serait la même chose qu'> appeler ». On notera l’emploi de aîpw au lieu de l’habituel èxXsyco.