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PRÉDESTINATION. L’ÉCRITURE SAINTE


détermines. C’est plus qu’il n’eu faut pour arrêter l’exégète. Le théologien, au contraire, qui peut raisonner, trouve en ces trois chapitres une abondante matière. On doit même dire que la notion de prédestination affleure, Rom., ix, 23-24 : « …Pour révéler finalement la richesse de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde qu’il a préparés pour la gloire, nous qu’il a appelés… »

3° On n’en serait pas moins inexcusable de n’accorder plus qu’une attention distraite à des textes beaucoup plus pertinents et dont l’intérêt pour l’exégète est capital. Pour n’avoir pas cette importance décisive, les passages de l’Ancien Testament relatifs au Livre de de n’en sont pas moins dignes de considération. L’Exode en fait mention dans une prière de Moïse à Jahvé : Sinon, eflace-moi de ton Livre, que tu as écrit. » Ex.. xxxii, 32. Il s’agit sûrement du Livre de vie. Nous le retrouvons au Ps. lxix (Vulg., lxviii), 29 : « Qu’ils soient effacés du Livre de vie, que leur nom ne figure pas avec celui du juste. » Ce Livre de vie est réservé aux seuls justes. Cependant, cette idée d’un effacement possible cadre mal avec la doctrine de la prédestination. Daniel, xii, 1, est plus intéressant : Alors seront sauvés parmi ton peuple tous ceux dont le nom sera trouvé au Livre de vie. »

L’Apocalypse reprend avec insistance cette antique image. Nous y lisons, ni, 5 : « Le victorieux, celui-là s’enveloppe de vêtements blancs et jamais je n’effacerai son nom du Livre de la vie. » Au chapitre xiii, 8 : « Et ils adoreront (la bête) tous ceux qui habitent la terre, de qui le nom ne se trouve pas inscrit au Livre de vie de l’agneau égorgé. » C’est mettre la conduite de ces gens-là en relation avec le fait de leur non-inscription, fait antérieur et significatif par lui-même. De même, xvii, 8. Au c. xxi, 12 sq., nous lisons : « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; des Livres furent ouverts, puis un autre Livre, qui est celui de la vie. Les morts furent jugés d’après les écritures des Livres, d’après leurs œuvres… Et si quelqu’un ne se trouva pas inscrit au Livre de la vie, il fut jeté dans l’étang de feu. » Le Livre de la vie, distinct de ceux des œuvres, a sa valeur propre et qui semble décisive. C’est ce que confirme xxi, 27 : « Et jamais n’entrera en elle (la Jérusalem céleste) rien d’impur, ni celui qui fait abomination et mensonge, mais seulement celui qui a été inscrit au Livre de vie de l’Agneau. » Dans ce Livre de vie, que connaît pareillement saint Paul, Phil., iv, 3, on ne peut s’empêcher de voir l’expression métaphorique et sommaire de l’idée de prédestination.

A lire sa mention dans le livre archaïque de l’Exode, on pense aux » tablettes des destinées » du poème babylonien Enuma élis. « Le rapprochement, écrit le P. Allô, prouverait tout au plus que les Sémites avaient l’idée d’ordre nécessaire, soumis à un calcul exact ; mais, sans emprunts littéraires, on pouvait bien, sur divers points du monde (sémitique), arriver tout droit à créer cet anthropomorphisme très simple que la Providence consigne ses opérations projetées, tient ses comptes et prévoit ses paiements comme tout bon négociant le ferait ici-bas. Ni dans l’Ancien Testament, ni dans l’Apocalypse, ni même dans les apocryphes, il n’est question de livres doués par eux-mêmes d’une force magique, comme ce pouvait être le cas pour les « tablettes des destinées » à Babylone ; le contenu de nos livres et sa réalisation dépend de la volonté libre de Dieu et de la volonté libre des hommes. Et si les apocryphes sont parfois suspects d’un certain fatalisme, l’Apocalypse, du moins, ne l’est nullement. » L’Apocalypse de saint Jean, Paris, 1921, p. 67 sq. Il reste que cette analogie entre le Livre de vie et les tablettes babyloniennes des destinées confirme notre interprétation.

IL Dans le Nouveau Testament. — 1° Les Évangiles ne nous livrent aucun texte où l’exégète puisse lire l’idée de prédestination, c’est-à-dire qui, d’emblée et sans qu’il y ait lieu de recourir à l’analyse conceptuelle ou au raisonnement, la lui présente tout exprimée. Prenons, par exemple, le cas de Matth., xxv, 34 : « Venez, bénis de mon Père. Prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès l’origine. » L’exégète voudrait : « …qui avez été préparés, dès l’origine, pour le royaume. » Et ainsi de maintes autres paroles, auxquelles le théologien appliquera légitimement les procédés particuliers de sa science.

A plus forte raison le pourra-t-il faire à Joa., x, 2e.) : « Mon Père, ce qu’il m’a donné est plus précieux que tout et personne ne peut ravir de la main de mon Père », dont le sens est précisé par ce qui précède : « …je leur donne une vie éternelle, et elles ne périront jamais et personne ne les ravira de ma main. » Il est clair que l’idée de prédestination est sous-jacente à ces propos. La parole de Jésus en Matth., xx, 23 : « C’est pour ceux à qui cela est destiné par mon Père », offre un intérêt semblable. Le texte de Matth., xxiv, 24 : « …jusqu’à séduire, s’il se pouvait, les élus eux-mêmes », suppose la notion d’élection qui ne peut faillir.

2° Saint Paul est le docteur de la prédestination à peu près de la même manière qu’il l’est du péché originel.

1. Romains, ri ii, 28-30. — C’est le texte capital. La traduction littérale du texte grec ne comportant pas de difficulté, il est inutile de le transcrire ici. « 28. Or, nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui sont appelés selon le propos. 29. Car ceux qu’il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin qu’il soit un premier-né parmi de nombreux frères.- 30. Or, ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés, et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »

L’analyse logique de ce court morceau est assez simple. Au f 28 nous avons une affirmation optimiste : « Or, nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui sont appelés selon le propos. » Pour désigner les bénéficiaires de cette action divine, Paul dit successivement : ceux qui l’aiment, et : ceux qui sont appelés selon le propos. Ce sont deux manières de désigner les mêmes personnes. La seconde formule a l’avantage d’introduire la preuve. On peut même dire qu’elle en donne déjà la substance avec l’évocation du divin propos. Les t 29-30 nous apportent le détail de cette preuve.

L’analyse que nous appellerions psychologique n’offre pas non plus de bien grosses difficultés. Il est manifeste que Paul exprime l’action divine en termes de psychologie humaine. Quel moyen, aussi bien, de faire autrement ? La suite des cinq (six) actes qu’il énumère reproduit le processus de l’action humaine, lequel comporte un ordre d’intention et un ordre d’exécution. Cette distinction, dont la formule seule lui est étrangère, apparaît clairement dès le y 28 : « Ceux qui sont appelés selon le propos. » L’appel est le premier des actes historiques dont la suite entière va nous être donnée au f 30. Le propos non seulement lui est antérieur, mais se situe sur le plan différent de la vie intérieure de Dieu. Dans Eph., i, 11, il distingue, avec une particulière netteté, ces deux plans : toû zà. rcàvTa èvepyoûvTOÇ >ta ?à tJ)i PouX’Jjv toû 0eXr)[xaToç aÙTOÛ. Cette distinction est pareillement familière à saint Luc, par exemple, xxiii, 51 : xfj [Jo’jày] xod ta rrpâ^si ow-cov, à savoir des sanhédrites.

L’ordre d’intention n’est apparemment représenté que par deux actes : la préconnaissance et la prédestination, v 29. Le silence de Paul sur l’acte initial, qui commande tous les autres et que nous appelons préci-