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    1. POUVOIR DU PAPE##


POUVOIR DU PAPE. LA CHRÉTIENTÉ MÉDIÉVALE, Xllie SIÈCLE 2732

ment de la morale, que, par suite encore, elles sont tout entières sous l’influence de la vie surnaturelle. Ce n’csl pas a dire que le pouvoir spirituel doive s’immiscer a tout propos dans les affaires politiques ; il interviendra seulement quand elles sont, à titre de moyen, en connexion moralement nécessaire avec la fin de l’Église, le salut des aines : subordination occasionnelle, partielle, accidentelle. Et ideo, explique le Docteur angélique, non est usurpatuni judicium, si spiritualis pnvlatus se intromittat de tauporali bus. du moins quant aux choses où la puissance séculière lui est soumise, quantum ad en in quibus subditur ci sœcularis potestas, II a -II iB, q. lx, a. C. ad 3 UI ! 1, chaque fois que de graves intérêts moraux seront engagés ou compromis. C’est ainsi que l’indignité d’un prince justifie l’intervention de l’Église, qui ratione peccati, sous forme de sanction, aura toute compétence pour se prononcer et pour agir : Aliquis per infldelitatem peccans potest sententialiter jus dominii amittere, sicut etiam quandoque propler alias culpas… Infidelitatem eorum qui ftdem susceperunt potest (Ecclesia) sententialiter punire, et convenienter in hoc puniuntur quod subditis fidelibus dominari non possinl. Ila-II », q.xii, a. 2. Du reste, la déchéance politique ne fait que suivre ipso facto la sentence, d’excommunication : quam cito aliquis per sententiam denuntiatur excommunicatus propter apostasiam a fide, ipso facto ejus subditi sunt absoluti a dominio ejus et juramento fïdelilatis quo ei tenebantur. Ibid.

Si l’Église peut exceptionnellement prononcer la déposition des princes chrétiens coupables, elle peut de même, si elle le juge bon, supprimer juridiquement le pouvoir des souverains infidèles sur les chrétiens ; mais elle ne le jugera bon que si le pouvoir du prince constitue un danger grave pour les fidèles ; car, dans tous les cas, saint Thomas met hors de cause les droits naturels de l’autorité, que rien ne saurait abolir. Cf. ibid., q. x, a. 10.

Ailleurs, saint Thomas semble accorder une réelle supériorité au pouvoir temporel, quand il considère les immunités ecclésiastiques comme dues à l’initiative des princes. Ad Romanos, c. xiii, lect. i. Mais le contexte prouve à l’évidence que notre docteur ne se place ici qu’au seul point de vue de l’équité naturelle, sans préjudice des droits de l’Église en cette matière.

Tout au long de ces textes si divers, saint Thomas nuance sa pensée : après avoir posé le ferme principe de la subordination des souverains temporels au souverain pontife, vicaire du Christ, il ne précise pas dans le détail les formes et les modes de cette soumission ; encore convient-il d’admettre que ses exigences de principe ne débordent nulle part explicitement ce que ses commentateurs s’efforceront de renfermer dans la formule du pouvoir « indirect ». Du reste, les thèses thomistes de l’origine du pouvoir civil sont fortement marquées par la Politique d’Aristote et, bien que le Docteur angélique n’en déduise pas toutes les conséquences logiques, il n’est pas sans avoir trouvé de ce côté des éléments qui mettaient une sourdine à la conception des rapports entre les deux puissances en passe de prévaloir autour de lui.

5. Autres théologiens.

De plus en plus, en effet, à cette époque, l’axiome : papa hubet ulrumquc gladium devient un lieu commun chez les auteurs ecclésiastiques : tous les pouvoirs du Christ, prêtre éternel et roi universel, sont passés à son vicaire, le pontife romain.

Dans son mémoire au If concile fie Lyon, Ilumbcrt de Romans (r 1277 ; montre « les puissances du monde » soumises à l’Kulise et les empereurs qui honorem suæ dif/nitalis ab Ecclesia recipiunt et recognoscunt. Opusc, t. i. part. 1, 5 et Il dans E. Brown, Appendix ad fascicul. rcram expetendarum et fugiendarum, p. 187, 191 sq.

L’auteur inconnu d’un petit traité De ecclesiastica

hierarchia, longtemps attribué à saint Bonaventure, enseigne que temporale regnum velut quodda n adjectum subjacet sacerdotio. C’est à ce titre que les papes peuvent c.r causa amovere reges et deponere imperalores. Saint Bonaventure, Opéra omnia, t. vii, Lyon, 1608, p. 256.

Dans un autre opuscule anonyme, parfois attribué à Duns Scot, il est dit plus explicitement encore que le Christ suum vicarium quantum ad isla duo quod est dominus mundi et prælatus ccclesiasticus ordinavil Pelrum, eui suceedit quantum ad utrumque dominus papa. De perfectione statuum, 7, dans Duns Scot, Op. omnia, éd. de Paris, 1891, t. xxvi, p. 506.

Cette doctrine, on la retrouve partout : dans les commentaires de saint Albert le Grand († 1280) sur Luc., xxii, 38, et sur Joa., xviii, 11, Opéra, éd. Vives, t. xxiv, p. 631 ; adoucie peut-être dans les Quodlibcta de Henri de Gand († 1298), quodlib., vii, 23, éd. de Paris, 1518, fol. 254 F ; fort claire dans le traité d’éducation écrit en 1259 par Guibert de Tournai à l’usage du fils de saint Louis, Eruditio regum et principum, ep. i, 2, et ep. iii, 7, éd. de Poorter, Louvain, 1914, p. 7, 75 ; et jusque dans les sermons de Jacques de Vitry († 1240), Sermo ad fralres ordinis militaris, éd. Pitra, dans Analecta novissima, t. ii, p. 405.

La synthèse de la doctrine.

« Dans les idées comme

dans les faits, la suprématie pontificale en matière politique touchait à son apogée… Les canonistes du xme siècle avaient plutôt tendance à renchérir sur les théologiens. Leur enseignement à tous a d’ailleurs pour commun caractère de s’affirmer sans hésitation ni discussion. C’est pourquoi quelques lignes, quelques pages tout au plus, leur suffisent, et la sérénité dogmatique de leur solution prouve qu’il n’y avait pas encore pour eux de véritable problème. » J. Rivière, op. cit., p. 58-59. C’est ainsi qu’un illustre maître bolonais, Guy deBaisi, « l’archidiacre », entérinait les vues d’Innocent IV à propos du pouvoir impérial de Constantin : Videns et intelligens Constanlinus se gladio non usum fuisse légitime cum illum ab Ecclesia non haberet, resignavit et renuntiauit eidem, et poslea illum ab Ecclesia et beato Sylvestro recepit, Glossa in Décret., dist. X, c. 8, cité dans Rivière, op. cit., p. 58. Mais il est "deux théologiens qui, en ce xiir 3 siècle finissant, ont triomphalement rédigé la synthèse de la doctrine qui nous occupe : Gilles de Rome et Jacques de Viterbe.

1. Gilles de Rome († 1316) n’est pas seulement l’auteur d’un De regimine principum, composé à l’usage de son royal élève, le futur Philippe le Bel et conçu d’après la Politique d’Aristote et le commentaire qu’en avait donné saint Thomas, sans faire aucune place à l’intervention de l’Église ; il est aussi l’auteur d’un traité De ecclesiastica potestate, qui, sous une forme didactique et prolixe, présente un remarquable enseignement sur le suprême pouvoir de l’Église et de son chef. Voir ici, l’art. Gilles de Rome, t. vi, col. 13581365 ; cf. J. Rivière, op. cit., p. 142-145, 191-227 ; N. Bross, Gilles de Rome et son traité « De ecclesiastica potestate », Paris, 1930.

Une I re partie fait valoir l’excellence unique du pontife romain, réalisant au suprême degré 1’ « homme spirituel » qui juge et n’est pas jugé. Les développements classiques sur la primauté de l’âme, le texte d’Hugues de Saint-Victor, l’oracle de Jérémie, le lait du transfert de l’empire d’Orient en Occident, la lui dyonisienire de la subordination hiérarchique, l’argument des deux glaives selon saint Bernard, avec un symbolisme légèrement différent, tels sont les éléments de la démonstration de Gilles. Il la renforce par des considérations fort diverses : l’Église sacre les rois ; elle perçoit la dîme ; le sacerdoce a institut’ou précédé toute royauté légitime, car absolute et simpliciter trias præcedit potentiam et perfeetum imper fectam. De eccles.