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POUVOIR TEMPOREL OU PAPE. CONCLUSIONS


renfermer la papauté. Le chef de l’Église, ministre de paix et de vérité, se réserve d’exercer le droit d’arbi I rage, quand les nations se mettront d’accord pour l’en solliciter et d’user librement de l’autorité de son ministère apostolique pour rappeler les principes propres à la solution des conflits internationaux.

L’art. 26 contient des déclarations d’importance décisive. Le Saint-Siège estime que, par les accords du

I I février 1929, lui est assuré, d’une manière adéquate, ce qui lui est nécessaire pour exercer sa souveraineté avec « les libertés et l’indépendance dues au gouvernement pastoral du diocèse de Rome et de l’Église catholique en Italie et dans le monde ». Il déclare donc définitivement résolue, par suite, éliminée, la « question romaine », et ij reconnaît le royaume d’Italie sous la dynastie de la maison de Savoie, avec Rome pour capitale. De son côté, l’Italie reconnaît l’État de la Cité du Vatican sous la souveraineté du souverain pontife ; est abrogée toute disposition contraire, notamment la Loi des garanties du 13 mai 1871.

Enfin, l’art. 27 décide que le traité entrera en vigueur dès la ratification, laquelle devra s’accomplir dans le délai de quatre mois, à peine de caducité. En fait, la cérémonie officielle d’échange des ratifications eut lieu le 7 juin 1929, au palais du Vatican.

VI. Conclusions.

La controverse soulevée par M. Mussolini au sujet de la ratification des accords du Latran n’entre point dans le cadre de cet article. On peut la considérer, sans doute, comme relevant du domaine de la politique fasciste ; mais elle donna l’occasion à S. S. Pie XI de rappeler la doctrine catholique sur la souveraineté pontificale dont il convient de nous inspirer dans la conclusion de la présente étude. Cf. lettre au cardinal secrétaire d’État, du 30 mai 1929.

De l’histoire des faits et des doctrines se dégagent nettement les propositions suivantes :

1° Le pouvoir temporel ne peut être, pour le vicaire de Jésus-Christ, une fin en soi, comme pour les princes civils qui régissent les nations ; ce ne peut être qu’un accessoire de la souveraineté spirituelle, ou mieux, une « addition préservatrice », c’est-à-dire un moyen d’assurer « les libertés et indépendance dues au gouvernement pastoral du diocèse de Rome et de l’Église catholique en Italie et dans le monde » ; c’est, en d’autres ternies, l’immunité nécessaire à celui qui exerce la suprême juridiction spirituelle.

2° Cette souveraine autorité du pape, dans le domaine religieux, requiert plus que le droit de propriété indispensable à l’Église en général et à ses divers ministres. En raison même de sa primauté, l’évêque de Rome ne peut, sans grave dommage pour l’exercice de son ministère universel, être le sujet d’un prince temporel quelconque ; et cette indépendance exige, pour être pleinement réalisée, que lui soit accordée une souveraineté réelle, au sens total du mot, et reconnue comme telle, non seulement par l’État italien, dans sa constitution actuelle, mais encore par toutes les puissances nationales. Une singulière prééminence appartient, du reste, à l’Église, société parfaite, du fait de la suprême dignité de la fin spirituelle qu’elle poursuit par ses moyens propres, et dans l’Église c’est le pontife romain qui personnifie cette suréminence et qui l’exerce, en vertu du mandat divin reçu directement de Jésus-Christ.

3° Cette souveraineté pontificale, elle doit nécessairement avoir un centre, un appui territorial, exempt de toute vassalité ou sujétion. Toute la raison d’être d’un patrimoine de saint Pierre est donc de signifier et de réaliser, en fait comme en droit, la suprême indépendance du pontife romain. « La Cité du Vatican est grande par ce qu’elle représente, et non pour un kilomètre carré de plus ou de moins. » (Mussolini, discours du 13 mai 1929.) En fait, il n’est pas d’État que

la force ne puisse un jour violer ; en fait, les États de l’Église furent bien souvent envahis et les papes-rois maltraités. En droit, il n’y a pas d’État plus solidement constitué que la minuscule principauté pontificale, siège d’un pouvoir qui était diplomatiquement reconnu par les puissances, alors même que le signe extérieur en pouvait paraître momentanément aboli et qui, aujourd’hui, jouit d’une indépendance juridique plus complète que jamais.

4° La souveraineté pontificale n’emprunte rien, à vrai dire, à l’importance territoriale de la Cité du Vatican. Par le traité du Latran, elle se situe elle-même en dehors et au-dessus du plan international (art. 24). ("est une souveraineté sui generis, qui s’exerce, non pas seulement au temporel, dans l’enclave exiguë délimitée par l’acte du Il février 1929, mais encore et surtout dans le domaine spirituel sur toute l’Église catholique, au milieu de toutes les nations. Les nonces ne sont donc pas seulement des ambassadeurs, les premiers de tous ; ils ne priment tous les autres agents diplomatiques que parce qu’ils représentent une puissance d’un ordre supérieur. Ce n’est pas avec un prince temporel dépossédé que traita l’Italie pour lui restituer une parcelle de ses anciens États. C’est avec le chef spirituel de l’Église catholique. C’est tellement vrai que le concordat et le traité du Latran sont le complément l’un de l’autre et qu’ils sont inséparables ; ainsi l’entend et le veut Pie XI ; ou bien, ils dureront ensemble, ou bien, ensemble, ils tomberont.

5° Cette conception de la souveraineté pontificale, qui n’est nouvelle ni en théologie ni en droit canonique, l’est davantage en droit civil. Nous avons dit que, de 1870 à 1929, les juristes italiens, pour les besoins de la cause nationale, travaillèrent à cette évolution ; mais d’autres juristes aussi, et les événements qui accompagnèrent ou suivirent la guerre de 1914-1918 y contribuèrent non moins efficacement.

Selon la vieille conception du droit, « la souveraineté s’entendait d’un pouvoir absolu : un pouvoir qui ne souffre aucune restriction, aucune concurrence, si ce n’est qu’il est cantonné entre des frontières territoriales ; toute souveraineté est absolue, toute souveraineté est territoriale ; une souveraineté relative ne serait plus souveraine ; souveraineté et relativité sont des ternies antinomiques ; et donc il ne peut s’exercer deux souverainetés à l’endroit des mêmes sujets et des mêmes territoires : voilà le dogme. Absolutisme, territorialité, ces deux premiers caractères conjugués en engendrent un troisième et dernier : il n’y a pas d’autre souverain que l’État, et donc pas d’autres rapports intersouverains, que les rapports interétatiques, pas d’autre droit intersouverain que le droit international. Donc l’Église n’est pas souveraine ; sa prétention à la souveraineté est intolérable ; le succès de cette prétention est un scandale : cela ne peut pas être, cela ne doit pas être. Seulement, cela est… » G. Renard, L’Église et la souveraineté, dans la Vie intellectuelle, 10 janv. 1932, p. 8-9.

, 1. Et d’abord, note M. Le Fur, « il existe aujourd’hui une interdépendance étroite de tous les États, dans la paix comme dans la guerre… D’une façon générale, même pour les plus puissants États, le splendide isolement et l’égoïsme sacré ont fait leur temps ; il est indispensable que chaque État abandonne une partie de son ancienne omnipotence pour qu’un droit entre nations puisse s’établir… » La souveraineté de l’État et ses limites nécessaires, dans Politique, 15 avril 1932, p. 290 sq. La souveraineté s’avère donc relative.

Ainsi s’effrite et croule la théorie de l’omnipotence absolue de l’État, que ce soit l’État-Dieu des pangermanistes et des naturalistes païens, ou l’État souverain des monarchies gallicanes d’Ancien Régime, des jacobins et des laïcistes athées. A côté de l’État, au