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    1. POUVOIR TKMPOREL DU PAPE##


POUVOIR TKMPOREL DU PAPE. LE DÉCLIN

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En 1662. c’est [’i affaire de la garde corse » ; en 16871688, c’est celle du « droit d’asile ». A deux reprises, le Comtat-Venaissin est saisi, le nonce expulsé, le pape brave et humilié dans sa capitale, une armée ou une Hotte dirigée vers Rome. Le roi. pressé par d’autres ennemis, fit la paix avec Innocent XII. en rétractant indirectement les Articles de 1682 et la papauté sortit victorieuse du conflit. Mais il est utile de songer aux périls courus. Ainsi, à chaque détour de l’histoire, se rencontre l’inéluctable vérité : le libre exercice de la juridiction suprême exige que le pape soit indépendant de toute puissance temporelle. Il ne suffit même pas qu’il soit libre : il faut que sa liberté puisse être hors d’atteinte et qu’elle apparaisse à tous les yeux, pour justifier la confiance des catholiques de toutes les nations.

2° Cependant, on réédite périodiquement Laurent Valla, on recommence la preuve critique de l’inauthenticité de la Donation de Constantin et, bien entendu, les protestants ne se lassent pas d’y ajouter leurs attaques de principe contre la légitimité du prineipat civil des papes. C’est bien inutilement, du reste, que des auteurs catholiques, comme l’augustin Ange Rocca, veulent sauver la valeur de l’acte contesté, et Jean Morin († 1656) se trouve d’accord avec Noël Alexandre († 1724) pour rejeter comme apocryphe le fameux document.

Ces mêmes conclusions sont reprises par la plupart des auteurs catholiques, notamment par le jésuite Ignace Schwarz, dans ses Collegia historica, spécialement au t. vin (1737), p. 436-654, où il traite de l’état politique du Saint-Siège depuis Constantin jusqu’à Charlemagne, en ce qui regarde la fameuse Donation, et au t. ix, p. 1459, où il s’agit des donations de Pépin et de Charlemagne. Il considère la Donation de Constantin comme dénuée de toute authenticité ; mais, à rencontre des protestants, il établit les titres de la légitime possession des papes sur leurs États, et par la lente préparation des siècles et par les actes formels des premiers Carolingiens ; il montre enfin que le seul droit qui ait pu appartenir aux nouveaux empereurs d’Occident, soit sur Rome, soit sur les provinces pontificales, n’a jamais été qu’un droit d’advocatie, de protection et de défense.

Il est à remarquer que ces positions historiques et juridiques sont tenues avec une particulière insistance par les docteurs de Louvain. Les actes solennels de l’université en font foi à maintes reprises au cours du xvie et du xviie siècle ; on y relève la justification de la monarchie temporelle du pape devant le droit naturel, devant l’Écriture et le droit divin et sa parfaite conciliation avec la primauté spirituelle.

Devant le pape-roi, la secte philosophique, de son côté, ne demeure pas indifférente. « Quand le principat civil des papes sera tombé, écrivait Frédéric II à son ami Voltaire, alors nous serons victorieux et le rideau sera baissé. L’on fera une grosse pension au Saint-Père. Mais qu’arrivera-t-il ?La France. l’Espagne, la Pologne en un mot toutes les puissances catholiques ne voudront pas reconnaître un vicaire de Jésus-Christ subordonné à la main impériale. Chacun alors créera un patriarche chez soi… Petit à petit, chacun s’écartera de l’unité de l’Église, et l’on finira par avoir dans son royaume sa religion comme sa langue à part. » Lettre du roi, 9 juillet 1777. dans Voltaire, Œuvres complètes, t. xii, Paris, 1817, p. 641. C’était raisonner en politique avisé, mais sans compter avec le vouloir divin ; d’ailleurs, des controverses interminables, soit sur l’occupation par le Saint-Siège des duchés de Ferrare, de Parme et Plaisance, de la ville de Comacchio, soit sur le tribut de la haquenée blanche et les droits séculaires de suzeraineté du pontife romain à l’égard

du royaume de N’aples donnent le change aux sceptiques sur la perpétuelle jeunesse de la papauté.

3. La monarchie pontificale, en effet, ne se décharge guère des traditions archaïques dont sont alors lourdement grevées toutes les monarchies d’ancien régime. « Gouvernement médiocre et malfaisant », disait-on de Rome, fort communément, au xviii c siècle. Et ce jugement sommaire influera sur la question romaine au siècle suivant. « Que le gouvernement romain fût médiocre, la chose était assez patente, dit M. L. Madelin ; qu’il fût malfaisant, le fait était fort discutable… Aucun prince en Europe n’est… à la fois plus jaloux de son droit de souverain et plus conscient de son devoir de dépositaire usufruitier ; aucun ne possède pouvoir plus autocratique et n’est d’origine plus démocratique ; aucun ne parle avec tant de hauteur et n’agit avec tant de bonté ; nul n’est plus entouré de pompe dans la vie publique et ne se laisse aller à plus de familiarité dans la vie privée. Nul non plus n’est plus adulé et moins obéi. » Louis Madelin, La Rome de Napoléon, Paris, 1906, 2e éd., p. 49. Bien des gouvernements d’ancien régime étaient aussi médiocres et plusieurs bien pires ; nul n’était, en définitive, aussi bienfaisant, et nulle part on ne goûtait, plus que dans la Rome du xviiie siècle, la douceur de vivre.

IV. De la Hévolution française a l’Unité italienne (1791-1870). — Avec la Révolution française s’ouvre pour la papauté une ère d’épreuves et pour sa souveraineté temporelle une période de bouleversement et de ruine.

De la Révolution à la Restauration.

Dès le 14 septembre

1791, l’Assemblée constituante vote un décret incorporant à la France Avignon et le Comtat-Venaissin. Les brefs de Pie VI (1775-1799), du 23 avril 1791 et du 19 avril 1792, protestant solennellement contre cette violation du droit international trouvent un faible écho dans les chancelleries européennes, émues des progrès de la Révolution ; mais l’annexion s’accomplit.

1. Le 3 février 1796, le Directoire ordonne à Bonaparte d’ « aller à Rome, pour y éteindre le flambeau du fanatisme », et Pie VI doit subir le traité de Tolentino (1797), qui lui enlève Bologne et les Romagnes. Enfin, un commencement d’émeute, le 28 décembre 1797, fournit au général Berthier le prétexte cherché pour s’emparer de Rome ; il proclame la République romaine, fait arrêter Pie VI, et l’envoie à Florence, puis à Valence, où il meurt le 28 août 1799.

Mais, de la chartreuse de Florence, le vieux pontife avait décrété les mesures à prendre pour l’élection de son successeur et, avant de mourir, il avait fait parvenir à toutes les cours de l’Europe une protestation énergique, qui ne resta pas sans effet.

2. En 1808, Napoléon, abandonnant sa déférence envers le pape et ses idées sur la nécessité de son principat civil, s’empare de Rome et de la personne de Pie VII (1800-1823). Les indignes traitements que le pontife endure à Savone, les concessions qui lui sont extorquées à Fontainebleau démontrent une fois de plus à quelles extrémités funestes le vicaire de Jésus-Christ peut être réduit dès lors qu’il n’est plus libre.

En même temps, la lutte est reprise sur le terrain historique. En 1810, l’ex-oratorien Daunou († 1840) compose, sur l’ordre de Napoléon, un Essai historique sur la puissance temporelle des jiapes, sur l’abus qu’ils ont fait de leur ministère spirituel, et sur les guerres qu’ils ont déclarées aux souverains, spécialement à ceux qui avaient la prépondérance en Italie, ouvrage qui en était à sa 3e édition en 18Il et fut réédité eu 1818.

3. Le congrès de Vienne déclare que le pape doit, comme par le passé, occuper le premier rang parmi les souverains et inaugure une restauration des Etats de l’Eglise. Le pape recouvre le Patrimoine de saint