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    1. POUVOIR TEMPOREL DU PAPE##


POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. PRÉPARATION

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An vrai, le Christ n’a explicitement conféré à Pierre aucun principal terrestre et, pendant de longs siècles, les papes ont été dénués de toute souveraineté politique, (".’est pourquoi, du fait historique de ce pouvoir

temporel, il importe de dégager le fondement juridique et la justification théologique.

I La préparation historique et la fondation du pouvoir temporel des papes, i eï -vme siècle. 2° Les premiers temps de l’État pontifical, viii’-xi 1’siècle (col. 2676). 3° L’affermissement du principat romain, r -xviir 3 siècle (col. 2670). 4° De la Révolution à la formation de l’unité italienne (col. 2688). 5° De la Loi des garanties aux Accords du Latran, 1870-1929 (col. 2692). 6° Conclusions (col. 2791).

I. La préparation historique et la fondation nr pouvoir temporel (i er -vnie siècle). — Depuis les origines du christianisme jusqu’à l’établissement du domaine temporel du pontife romain sept ou huit siècles se sont écoulés. Durant cette longue période, les successeurs de saint Pierre ont été, de fait, les simples sujets des souverains qui régnaient sur la ville de Home. Quels furent leurs rapports avec la société civile’? Dans quelles conditions ont-ils exercé leurs pouvoirs spirituels ? Pleines d’intérêt par elles-mêmes, ces deux questions appellent deux séries de réponses différentes, selon que l’on envisage l’époque des persécutions ou celle de la liberté légale.

Les trois premiers siècles.

Jusqu’à l’édit de

Milan, la situation des papes, au regard du droit public et du droit des gens, se résume en quelques mots. Proscrite par les lois de l’empire romain, l’Église subit une persécution tantôt violente, tantôt contenue, assezrarement interrompue. Les papes sont au premier rang des victimes. La place qu’ils occupent dans la communauté des fidèles les désigne aux bourreaux. Euxmêmes ils doivent à leur clergé et à leurs ouailles l’exemple de l’héroïsme dans la profession de leur foi au Christ.

Pouvait-il y avoir, dans le domaine politico-religieux, une situation plus tragique et plus simple ? Si la primauté de l’Église romaine en sortit incontestée, elle ne résultait certes pas d’une souveraineté ou d’une indépendance politique des papes. Sans doute, dès le me siècle, la communauté chrétienne de Rome est une puissance possédante, dont on pouvait, à travers les provinces, vanter la généreuse charité. Mais, quelle qu’ait pu être la législation établie spécialement contre le christianisme au cours des trois premiers siècles de son existence, il est certain qu’il eut à pâtir d’abord de l’interdiction générale, mais formelle, d’introduire dans l’État une superstition étrangère et nouvelle » ; et, quant au pontife suprême de cette religion universelle, différant du tout au tout des sacerdoces antiques, il prétendait seulement à distribuer l’enseignement de la morale, à représenter, en somme, quelque chose de supérieur à l’État, alors qu’en fait il se trouvait maintenu dans la plus étroite dépendance de l’État.

La conception d’une haute suprématie spirituelle, nouveauté introduite dans le monde par le christianisme, est un des plus grands progrès de la raison humaine éclairée par la foi. Sa réalisation devait amener la plus bienfaisante émancipation des consciences ; mais, d’emblée, elle posait le problème de la souveraine indépendance du sacerdoce chrétien, en face de César, souverain pontife de la Rome païenne.

2° Du iv au VIIIe siècle. — En 313, avec l’édit de Milan, s’ouvre une ère nouvelle. Toléré, puis favorisé par les empereurs — Julien excepté — le christianisme devient très vite prépondérant dans tout l’Orient. Kn Occident, le paganisme, plus tenace, fait équilibre à la foi nouvelle pendant un demi-siècle. Gratien et Yalentinien II en accélèrent la défaite et Théodose l’anéantit officiellement. Depuis Constantin, d’ailleurs, et gra duellement, la législation s’est imprégnée d’esprit évangélique et, cent ans après ledit libérateur, on peut dire que l’union de l’Église et de l’Étal est accomplie.

1. Mais, au point de vue civil et politique, la situation de Pévêque de Rome est restée la même. En fait, le pape n’est ni politiquement indépendant, ni souverain ; il est donc sujet. Cependant, il ne saurait être un sujet comme les autres, et cela précisément eu raison de la pénétration de la société civile par l’esprit chrétien. La foi des princes et des peuples, les prérogatives de sa charge suprême lui assurent une place unique et une incomparable dignité, sans qu’aucun article du Code Théodosien détermine les honneurs dus à sa personne, sans que sa prééminence, d’ordre purement religieux et moral, repose sur aucun titre civil ou politique. Le fait que Rome n’est plus, depuis le début du ive siècle, la résidence des empereurs, eut certes d’importantes conséquences, mais il est insuffisant à fonder immédiatement la parfaite indépendance du successeur de saint Pierre.

2. Bientôt apparaissent les inconvénients d’une situation qui laisse le pape sans défense contre l’arbitraire du pouvoir. S’il plaît à celui-ci de refouler le courant chrétien — telle sera la tentative de Julien — l’évêque de Rome sera livré aux mains des persécuteurs. S’il lui plaît de favoriser l’hérésie — tel est le cas de Constance contre Libère — il ne reculera pas devant une sentence de proscription. S’il lui plaît de rétablir l’ordre au siège même de la papauté et de trancher les différends qui s’élèvent entre chrétiens, tout en se maintenant dans une attitude correcte — comme Valentinien I er à l’égard de Damase, en 366

— son intervention, forcément, l’établit juge du chef suprême de l’Église. Et, s’il prend parti délibérément entre les factions — comme Honorius en faveur d’Kulalius, puis de Boniface, en 418 — on voit à quelles vicissitudes et à quels dangers peut être livré le sort du pontife romain, lorsqu’il n’est pas le maître chez lui. Kncore peut-on considérer cette période, jusqu’à la chute de l’empire d’Occident, comme relativement paisible.

3. Avec les souverains de fait qui se succèdent après 47(5 les rapports de sujétion de l’évêque de Rome n’ont pas toujours été mauvais ou tendus. Pendant cinquante ans, les princes barbares qui régnent en Italie entourent le pape de respect et même d’honneurs. Pourtant, en 483, Odoacre, s’ingère dans l’élection papale et ce n’est qu’en 499 que le pape Symmaque peut annuler cette mesure odieuse. La compétition du pape Symmaque et de l’antipape Laurent amène, à diverses reprises, l’intervention du roi des Ostrogoths, Théodoric ; et c’est devant le tribunal de ce roi arien que le pape est mandé pour se justifier d’un crime de droit commun. Voir l’art. Symmaque. Kn 525, Théodoric, dont les sentiments ariens se réveillent, emprisonne Jean I effet rétablit, en l’aggravant d’une taxe, le décret d’Odoacre soumettant la validité de l’élection papale au placet de son gouvernement. Mais ces barbares vont faire école.

4. Kn 537, Bélisaire, qui a reconquis Rome pour le compte de Justinien, se saisit en son nom du pape Silvère, qui va finir ses jours en exil, parce que Théodora veut lui substituer Vigile, lequel connaîtra, à son tour, les violences impériales : et. s’emparant du privilège exercé par ceux dont il prend la place, Justinien s’arroge le droit de confirmer les élections pontificales. Cf. art. Élection des papes, t. iv, col. 2294-2296.

Cependant, c’est cet empereur légiste qui, en lait eonime en droit, préparc le plus cflieacemeht le pouvoir temporel du pontife romain. Déjà depuis Constantin, les évêques pouvaient, en certaines causes, être juges au civil et, au cours des invasions barbares, beaucoup d’entre eux s’étaient vus investis des loue-