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POUGET (FRANÇOIS)

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mener sur la terre la vie qu’il y faut mener ». C’est la division adoptée presque partout, maintenant, dans l’exposé de la doctrine chrétienne : 1. ce qu’il faut croire ; 2. ce qu’il faut faire ou éviter ; 3. ce qu’il faut recevoir et demander, grâce, sacrements, prière, cérémonies de la messe. Il donne une ampleur beaucoup plus grande que celle à laquelle on est accoutumé, à l’exposé du sacrifice. Le sacrifice, pris en général, lui paraît « une offrande d’une chose extérieure et sensible faite à Dieu par un ministre légitime avec quelque destruction ou changement de la chose offerte ». Il éludie en détail les sacrifices de l’Ancienne Loi, figures du sacrifice unique de la Loi Nouvelle qu’il définit : « Le sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ que Jésus-Christ et l’Église offrent à Dieu par le ministère des prêtres, sous les espèces et apparences du pain et du viii, pour continuer et représenter le sacrifice de la croix. » Partie III, sect. ii, c. vu. Tout ce chapitre, qui n’a pas moins de 70 pages, reste à lire. Il évite donc l’excès des protestants qui ne voient dans la messe qu’un souvenir sans réalité et de ceux qui en font une reproduction non sanglante du sacrifice de la croix. Voir H. B remond, Hisl. lill., t. ix, La vie chrétienne sous l’ancien régime, c. ii, § 2, Le saint sacrifice, p. 129 sq., et Masure, Le sacrifice du chej, Paris, 1932, in-12.

Ce qu’il dit de la communion est très sage : « On doit conseiller la communion fréquente à tous ceux qui vivent assez saintement pour cela ; c’est l’esprit de l’Église. Il faut conseiller à tous les autres de faire une sincère pénitence, pour se mettre par elle en état de communier ensuite souvent… La communion est un remède souverain pour les guérir de leurs faiblesses. S’en priver par tiédeur, sous prétexte d’humilité, c’est un grand malheur. » Pour l’usage plus ou moins fréquent, « suivre avec docilité les avis et la conduite d’un confesseur éclairé ». Sect. i, c. iv, § 7. Les questions difficiles et vivement discutées de son temps y sont, en général, bien traitées : la nécessité de la grâce, le sort des enfants morts sans baptême, le commencement d’amour nécessaire pour recevoir l’absolution, la différence entre la contrition parfaite et l’attrition, la prédestination.

Cet ouvrage obtint un grand succès et eut jusqu’à trente éditions françaises qui allèrent en se perfectionnant, de 1702 à 1710 ; cette dernière, avec les suivantes, sont les meilleures. Il fut traduit en plusieurs langues : en italien, en anglais par M. Hall, docteur en théologie de la faculté de Paris, en espagnol par Villegas, secrétaire de M. le marquis de Richebourg, capitaine général de Galice. Les exemplaires de cette traduction sont rares parce que l’Inquisition fit tout ce qu’elle put pour les supprimer. Malgré sa réelle valeur, il fut des plus discutés ; l’histoire des nombreuses éditions françaises et des deux éditions latines est bizarre, presque incompréhensible : il faut les étudiera part ; nous en raconterons à la suite les principaux faits.

Les éditions françaises.

1. Ce catéchisme eut

le premier tort de se présenter sous le patronage compromettant de deux évêques notoirement jansénistes, M. de Colbert à Montpellier, qui en ordonnait la lecture au prône de la messe paroissiale, et M. de Noailles, archevêque de Paris. — 2. Dans les années qui précédèrent et suivirent la bulle Unigenitus, 8 septembre 1713, sévissait à l’état aigu la manie d’accuser de « jansénisme », comme plus près de nous de « modernisme », quiconque était d’un avis différent du vôtre.

— 3. Il faut reconnaître que le P. Pouget avait donné quelques gages aux jansénistes, puisqu’il composa une Lettre à M. de Colbert sur la signature du Formulaire et Lettre du R. P. Pouget, prêtre de l’Oratoire, abbé de Chambon, écrite à son Éminence Mgr le cardinal de Noailles, le 27 mars 17 14, cas de conscience sur l’acceptation de la bulle « Unigenitus ». Après avoir dit dans la

deuxième : « Je fus dans la résolution de m’y soumettre de cœur et de bouche avec tout le respect que j’ai toujours eu pour le Saint-Siège et pour toutes ses décisions acceptées », p. 2, il trouve que « cette instruction pastorale (celle des quarante évêques adhérant à la bulle) doit être regardée comme un ouvrage auquel la politique a beaucoup de part… composée avec art par ceux qui veulent absolument faire passer comme dogmes de foi les sentiments de leur école… Je crois ne pouvoir en conscience accepter ni la Constitution, ni l’instruction pastorale de MM. les quarante évêques… Hépondre de manière favorable à la Constitution, n’est-ce pas manquer de respect pour le Saint-Siège auquel je veux demeurer toujours inviolablement attaché ? » p. 10. — 4. Ce n’est pas cependant une raison suffisante pour permettre au P. de Colonia de défigurer la pensée de Pouget comme il l’a fait dans sa liibliolhèque janséniste, appelée plus tard Dictionnaire des livres jansénistes, mis à l’Index en 1749 et 1754. Voir ici l’art. Colonia, t. iii, col. 37(5. Au t. ii, de sa Bibliothèque, p. 276 (éd. de 1752, réimprimée en 1755), Colonia critique des phrases comme celle-ci : « Si un grand nombre de peuples se sont perdus avant la venue du Messie, c’est que Dieu l’a voulu pour faire sentir aux hommes la corruption de la raison abandonnée à elle-même et l’imperfection de la Loi, qui n’était écrite que sur la pierre. » Il qualifie cette proposition de « fausse, erronée, suspecte d’hérésie renouvelant les 6e et 7e propositions de Quesnel ». Remise dans son contexte, elle ne présente aucune malice : « Pourquoi Dieu a-t-il permis qu’un si grand nombre de peuples se soient perdus avant la venue du Messie ? — Rép. Dieu a voulu faire sentir aux hommes, par cette expérience, la corruption de la raison abandonnée à elle-même et l’imperfection de la Loi qui n’était écrite que sur la pierre. Il fallait la grâce du Messie pour faire ce que la raison naturelle et la Loi ne pouvaient faire. » Part. I, sect. i, c. iv, § 1. La critique suivante paraît davantage de parti pris : « La lecture de l’Écriture sainte, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, doit être l’occupation ordinaire des fidèles. Cette proposition, ainsi prise d’une manière indéfinie, est fausse, injurieuse à l’Église et contraire à ses usages. » Or, le vrai texte est celui-ci : « La lecture de l’Écriture sainte… devrait être l’occupation et la consolation ordinaires des chrétiens qui cherchent à nourrir leur piété et n’ont pas la vanité de la curiosité. C’est l’esprit et le souhait de l’Église. » Part. II, sect. ii, c. 2, § 3. Colonia trouve encore fort suspecte celle-ci, dont il ne donne pas la référence : « C’est Jésus-Christ qui surmonte tous les jours dans nous le démon dans nos tentations, comme si, dit-il, nous ne coopérions nullement à cette victoire. » La phrase est peu claire, mais ne nie pas du tout la nécessité de notre coopération. Cette belle réponse pouvait au besoin en convaincre ceux qui accusaient Pouget : « Les hommes sont sujets à offenser Dieu : ils ont besoin sans cesse de la miséricorde du Seigneur ; ils doivent apaiser sa justice. Or, ils ne peuvent apaiser sa justice souveraine que par leur ameur. C’est en cessant.d’aimer Dieu qu’on l’offense. C’est en commençant à l’aimer qu’on l’apaise, et qu’on se le rend favorable… Mais depuis le péché… nous ne pouvons offrir à Dieu le sacrifice de notre amour, sans détruire autant que nous le pouvons ces restes de concupiscence qui s’élèvent sans cesse en nous. Ainsi nous ne pouvons aimer Dieu comme il faut sans mourir à nous-mêmes. » Part, fil, sect. ii, c. vii, § 3. Au t. ii, p. 232, pour montrer que, semblable aux jansénistes, Pouget n’aime pas la sainte Vierge, Colonia critique l’oratorien sur -sa manière de parler de l’assomption et ne cite que la première réponse qui s’explique par la suivante. Part. II, sect. iv, c. ii, § 18.

5. Pour toutes ces raisons, le pape Clément XI