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    1. PORPHYRE##


PORPHYRE. CONTRE LES CHRÉTIENS

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place tout d’abord, au point de vue historique et rappelle les coutumes des anciens peuples. Abordant ensuite le côté pratique, notre philosophe tolère, pour la masse, les rites qui comportent des immolations sanglantes et des repas sacrificiels : ce sont là de vieilles coutumes distinctes de la sorcellerie et censées efficaces contre la fureur des mauvais démons. Mais l’élite se doit de ne pas participer à des pratiques aussi grossières. Elle peut, à la rigueur, rendre un culte spirituel aux dieux inférieurs, comme dans les religions de mystères. Le vrai sage, lui, s’exerce uniquement à la contemplation béatiflque du dieu suprême. Au fond, dans les questions religieuses, Porphyre reste l’homme des transactions en vue de la propagande. Personne, d’ailleurs, ne lui en saura gré : les païens le trouveront trop tiède et les chrétiens, avec raison, trop crédule.

5° Le retour de Porphyre à Rome ; ses dernières années.

— On sait peu de chose sur la fin de sa vie. S’il est certain qu’il revint dans la capitale, Vita Plotini, 2, il est difficile de préciser la date et les motifs de ce retour. On suppose néanmoins, avec assez de vraisemblance, que Porphyre devait être dans la force de l’âge et que les difficultés de l’école néoplatonicienne ne furent pas sans le pousser à venir prendre la place de Plotin.

1. Ses conférences publiques eurent, paraît-il, un grand succès, Eunape, op. cit., p. 9. Il compta parmi ses élèves ou ses auditeurs plusieurs personnages distingués : le sénateur Chrysaorios, Némertius, Gédalius, Gaurus, Jamblique et peut-être Hiéroclès. On a aussi certains détails sur quelques-uns de ses travaux. Les Tentatives pour atteindre les intelligibles, ’Açoptiai. Tcpoç Ta vo7)Ta, sorte de manuel pour servir d’introduction à la philosophie, ne font que vulgariser les idées fondamentales de Plotin. Toutefois, dans ce court résumé, Porphyre se montre plus moraliste que métaphysicien et recommande spécialement les vertus purificatives. Cette opposition entre le monde sensible et le monde intelligible, notre érudit s’efforce de la découvrir, jusque dans les fables grecques. Tel est précisément le sujet de son opuscule Sur l’antre des nymphes de l’Odyssée (xiii, 102-112), Ilepl toû èv’OSuaada tg>v vufxcptov àvTpou, où il défend le sens caché des mythes païens. Plus tard, vers la fin de sa vie (après 300), Vita Plotini, 23, Porphyre tint à publier la doctrine même de son maître, en éditant les Ennéades. Il les fit précéder d’une Vie de Plotin, biographie où l’imagination a une trop large part. N’empêche que son travail d’éditeur est fait avec beaucoup de conscience ; c’est, en somme, la reproduction fidèle des leçons données par le chef de l’école néoplatonicienne.

2. Vers la même époque, Porphyre épousa une juive du nom de Marcella. C’était une veuve de santé délicate et chargée de famille. Païens et chrétiens trouvèrent plus qu’étrange cette union tardive de notre philosophe, qui avait recommandé toute sa vie la continence et le célibat. Il profita de la première occasion pour se disculper. Étant en voyage, il écrivit à Marcella une lettre destinée sans doute à la publication. Il explique son mariage par des motifs d’humanité. Il se lance ensuite dans de hautes considérations spirituelles qu’on aurait tort de prendre pour des maximes vécues, car souvent elles ne sont qu’une transposition des Sentences de Sextus. Jusque dans ses lettres, Porphyre aime à faire étalage d’érudition.

3. Il a probablement participé au fameux conseil de Nicomédie qui précéda la grande persécution de Dioclétien (303). Il nous dit lui-même, Ad Marcellam, 4, qu’il fut obligé d’entreprendre un voyage lointain, parce que les affaires de l’hellénisme se gâtaient. Toutefois, il est impossible de savoir en quel sens il a opiné. Certes, il semble avoir été quelque temps partisan de la tolérance. Mais il a tellement varié dans ses opinions, sa haine des chrétiens paraît si profonde, il

est déprimé par tant d’attaques et d’insuccès qu’il a très bien pu, sur la fin de sa vie, changer de sentiments. De fait, le portrait tracé par Lactance, 7nsI. div., V, ii-iii, P. L., t. vi, col. 553-555, du philosophe libidineux et cupide, soucieux de rester en bons rapports avec le pouvoir et plein d’une fausse humanité visà-vis des chrétiens lui ressemble d’une façon singulière. On ne possède aucun détail sur sa mort. Eunape, op. cit., p. 11, la place à Rome ; Suidas, Lexicon, sous l’empereur Dioclétien. Elle doit sans doute être fixée vers 303-305.

Conclusion.

1. Porphyre est, avant tout, un

érudit. On ne peut nier l’ampleur et la variété de ses connaissances, on doit admirer son activité infatigable, son esprit toujours en éveil et même une certaine souplesse pour aborder les genres les plus différents. Mais il n’est rien moins qu’un penseur original. « Si l’on voulait le caractériser avec les expressions qui s’emploient pour un écrivain de notre temps, on dirait de lui qu’il avait l’esprit vif et rapide d’un excellent publiciste, une plume alerte, des ciseaux adroits, et qu’il mit ces instruments tour à tour au service de la crédulité et de la superstition des cultes orientaux, de la critique scientifique et littéraire de Longin, enfin de la religiosité de Plotin. » (Bidez.) Il était fait pour les seconds rôles et, lorsque les événements l’ont poussé à la première place, comme défenseur de l’hellénisme, il n’a pu être qu’inférieur à sa tâche.

2. Porphyre, en effet, n’est pas seulement homme d’étude, il est aussi homme d’action. Lui qui, tout jeune, avait écrit la Philosophie tirée des oracles « en vue de ceux qui ont pris le parti de vivre pour le salut de leur âme », devait trouver sa voie au contact du mysticisme de Plotin. Il se fera le vulgarisateur de la doctrine néoplatonicienne. Il ne connaîtra du reste ni la ferveur d’inspiration, ni le rigorisme hautain de son maître. Toujours un peu terre à terre, il sera l’homme des compromis. En métaphysique et en morale, il s’inspire de Platon ; en logique, il donne raison à Aristote. Il développe et justifie l’ascétisme de Plotin ; il se donne garde de condamner sans retour les grossières traditions du populaire. Il ironise volontiers quand il traite de la divination et du culte des temples ; néanmoins, par ces concessions, il prépare les pires aberrations théurgiques où sombrera l’école. En un mot, il manque de caractère.

3. Ce n’est pas un tempérament de cette trempe qui pouvait arrêter la chute de l’hellénisme, entraîné déjà a sa perte par un mouvement irrésistible. Porphyre, sans doute, a pressenti cet effondrement. Dès les années de l’adolescence, il a connu l’ère des martyrs et s’est rendu compte de la force de la propagande chrétienne. Au cours de ses voyages, et, surtout à Rome, il a vu l’Église catholique vivre, prospérer, etles cultes officiels tomber en décadence. Aussi semble-t-il avoir consacré toute son énergie à la lutte contre la foi nouvelle. Il était d’ailleurs spécialement armé pour l’attaque : un sens critique assez averti, une grande habileté dans le maniement des sophismes, une érudition plus qu’ordinaire. Il ne lui manquait pour réussir que de servir une meilleure cause.

II. Le traité de Porphyre, contée les chrétiens. — On est mal renseigné sur cet ouvrage, « l’œuvre la plus considérable et la plus savante qui ait été écrite dans l’antiquité contre le christianisme » (von Harnack). On possède toutefois certaines indications sur son histoire. En outre, plusieurs témoins de la tradition en ont conservé quelques traces qui permettent de donner une idée d’ensemble de son contenu. 1. Histoire. 2. Sources. 3. Contenu.

Histoire.

1. Ce traité, intitulé Ka-rà Xpianavôiv,

comprenait quinze livres, Suidas, Lexicon, art. IIopepôpioç, et fut écrit en Sicile. Eusèbe, Hist. eccl., VI, xix, 2 ;