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    1. POLYGÉNISME##


POLYGÉNISME. LES HYPOTHÈSES

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péché originel ; il y a donc lieu d’examiner le problème de près. Essayons diverses hypothèses.

f rssai. — Une solution commode serait d’établir que l’homo Neanderthalensis n’est pas un véritable homo. mais seulement un hominien très voisin de homo, arrêté avant le changement qui fait un animal raisonnable et libre, de l’être qui n’était qu’un animal tout court, encore que très élevé dans son genre. L’un de nous (A. B.) écartait, et fort dédaigneusement, l’idée que le squelette de La Chapclle-aux-Saints n’avait appartenu qu’à un animal. Il a perdu un peu de son assurance, et l’a montré dans la Remic apologétique du 1.") octobie 1925, où il revise ses conclusions sur ce point.

Pour soutenir que l’individu de La Chapelle-aux-Saints est véritablement un homme, on invoque au moins cinq arguments :

1° La ressemblance des formes anatomiques entre ce fossile et les squelettes modernes.

2° L’industrie avec laquelle ce moustérien taillait le silex et qui exigerait la raison et, de même, l’usage du feu.

3° L’ensevelissement intentionnel qui révélerait une croyance métaphysique — plus ou moins confuse — à la spiritualité et à la survivance de l’âme.

4° La continuité qui unit la race de Néanderthal à celles de Grimaldi, Cro-Magnon, Chancelade, par l’industrie, le genre de vie, l’ensevelissement, etc.

5° Les rites magiques accomplis à La Chapelle-aux-Saints et qui dénotent la croyance en une puissance supérieure que l’homme conçoit, invoque, apaise.

Comme on peut le voir en détail dans l’article indiqué, de ces arguments le 1 er, le 2e, le 4e ne sont pas rigoureux ; le 3e et le 5e sont plus probants, sans être absolument décisifs. Mais la convergence des cinq corrige l’insuffisance de chacun, au point de ne laisser place qu’à un doute presque infinitésimal et en somme négligeable. Il faut chercher ailleurs une solution au problème qui nous occupe.

2e essai. — C’est l’explication que Pierre Tcrmicr déclare préférer, dans un article du 15 juin 1925 de la Revue universelle et qu’il a reproduit dans La joie de connaître, sous le titre A propos de l’ancienneté de l’homme. L’un de nous (A. 15.) l’avait déjà exposée dans la Revue du clergé français, 1 er juillet 1911, Un problème qui se posera. Polijgenisme et monogénisme. Sans doute, l’idée avait été exprimée par d’autres auparavant et plus d’une fois. L’homme de Mauer, celui de Xéanderlhal seraient des descendants dégénérés de l’homo sapiens.

Le P. Teilhard écarte vivement cette hypothèse, en particulier si l’on attribue la dégénérescence à une cause morale. « On comprendrait qu’une régression fît des infra-hommes, mais pourquoi des préhommes ? » Termier ajoute, en se faisant l’objection à lui-même : « Les dégénérés d’aujourd’hui n’ont pas, dans leur anatomie, de caractères simiens ; ni leur crâne, ni leur conformation cérébrale, ni leurs mâchoires ne diffèrent sensiblement des nôtres. »… A quoi l’on pourrait peut-être répondre que l’espèce humaine était, à son début, d’une plasticité très grande qui est maintenant perdue depuis longtemps.

Dans une communication à l’Institut français d’anthropologie, le 21 mars 1923, le P. Teilhard élargit sa conception de l’irréversibilité et en donne une raison philosophique. Cette loi n’est pas, pense-t-il, spéciale à la paléontologie, mais elle est constamment supposée ou vérifiée dans toutes les sciences qui s’occupent de réalités physiques (sociologie, linguistique, physique…). Elle s’applique partout où il y a hérédité. Dès lors, en effet, qu’un être emmagasine des traces de chaque phase qu’il traverse, il est incapable, par construction. de revenir exactement à aucun des états par lesquels il

a passé… Mais l’irréversibilité « admet toutes sortes de nantissements et de circuits ».

Puisqu’il emploie les mots « régression » et « rebroussement », le P. Teilhard admet que l’on puisse revenir dans une certaine mesure à un état antérieur, quoique jamais complètement, et donc l’infra-homnie peut se rapprocher du préhomme, pour qui croit à l’origine animale du corps de l’homme. Une mutation brusque progressive a pu produire l’état plus parfait qui a occasionné la création et l’infusion d’une âme spirituelle ; une mutation brusque régressive a pu également ramener l’homme à un aspect plus grossier et plus voisin du préhomme. Comme le dit M. Termier loc. cit., p. 300) : « Est-il bien sûr qu’il n’y ait pas, à côté du principe ascensionnel, dans la chose vivante, un principe contraire, un principe antagoniste, qui, au lieu de pousser l’organisme plus avant, tende à le laisser retomber dans un état antérieur ? Certaines ammonites de la deuxième moitié du crétacé ressemblent à s’y méprendre, les unes à des ammonites du jurassique, les autres à des cératites du trias. Ne serait-ce pas là des exemples d’une évolution régressive ? »

Il est imprudent et antiscientifîque de parler d’impossibilité dans un domaine aussi mystérieux que la matière et la vie. Les découvertes viennent tous les jours montrer possible et réel ce que la science d’hier ne soupçonnait pas ou même croyait irréalisable.

M. Poule dit en propres termes, de la race de Néanderthal : « Peut-être peut-on aller jusqu’à dire qu’elle était une espèce dégénérée. » Hom. foss., 2e édit., p. 247. Il avait d’ailleurs résumé sa longue expérience en de sages paroles (ibid., p. 91) : « Nous apprenons pour ainsi dire tous les jours, souvent aux dépens de notre amour-propre de paléontologistes, qu’il faut interpréter les documents incomplets avec beaucoup de prudence…, que la nature prend en quelque sorte plaisir à varier ses combinaisons de la manière la plus imprévue… » Comparons cette déclaration du P. Teilhard dans la Revue des questions scientifiques, janvier 1925, Le paradoxe transformiste : « Il ne faudrait pas exagérer beaucoup les méthodes employées par la paléontologie dans la reconstitution des phylums, pour arriver à établir qu’un fils ne peut pas descendre de son père, sous prétexte que de l’un à l’autre la variation des caractères ne se fait pas d’une manière irrévocable et continue. »

Continuons à chercher d’après les faits s’il y a des chances pour que Néanderthal soit le descendant bestialisé d’un sapiens très humain. La dégénérescence est une possibilité, a-t-elle quelque probabilité ? Pour percevoir quelques lueurs, remontons vers les plus anciens documents de la préhistoire.

De même que le squelette de La Denise, le crâne de Piltdown, avec son front haut, donne à la forme humaine une très haute antiquité. Mais la mâchoire de chimpanzé qui l’accompagne et peut-être lui appartient complique singulièrement le problème. Par contre, au moins aussi ancienne, la mâchoire d’Heidclberg montre l’extrême antiquité de la forme bestiale. A cette date très lointaine, les deux formes sont parallèles. Mais cette date pourrait être relativement récente dans la préhistoire humaine, si les dernières conclusions de l’abbé Breuil sont exactes, et il y a bien des chances pour cela. D’après lui, l’humanité ne remonterait pas seulement à la dernière période interglaciaire, mais aurait vu deux autres périodes glaciaires et deux autres interglaciaires !

En Europe, ce passé prodigieusement reculé ne nous a laissé que de l’industrie. Voici que la Chine eu a gardé et vient de nous livrer et les œuvres et les ouvriers. L’abbé lireuil est allé en Chine, a la fin île 1931, pour étudier avec les PP. Licent et Teilhard, avec le D r Davidson Black et de jeunes savants,