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    1. POLOGNE##


POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, MOYEN AGE

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auteurs polonais de celle époque, les sujets pratiques dominent au détriment des sujets spéculatifs. C’est pourquoi l'école de Cracovic n’a produit ni Sommes théologiques, ni même commentaires originaux. Dans la division contemporaine des scolastiques en nominalistes et réalistes, les savants de Cracovie se prononcent généralement pour le réalisme, mais ils ne prennent pas ces questions bien à cœur. Ce n’est que vers la fin de ce siècle, que plusieurs philosophes spéculatifs apparaissent, comme les thomistes Jean de Glogow (flôO/), auteur d’une série de commentaires sur Aristote, Jacques de Gostynin († 1506), admirateur de saint Albert le Grand, et les scotistes Michel de Bystrzykowo et son élève, plus remarquable encore, Jean de Stobnica.

Quant aux questions dogmatiques, nous n’en pouvons citer que trois qui occupent les esprits des théologiens polonais du xv° siècle. La première, qui suscita une polémique, fut l’affaire des hussites, dont les théories n’avaient pas pris racine en terre polonaise, malgré la proximité de la Bohème. Dès le débuts l’université prit une attitude hostile aux nouveautés de W’iclef et de Huss. En 1431, eut lieu à Cracovie une dispute avec les hussites, dont on relève la trace dans quelques traités des savants de Cracovie dirigés contre les hussites (traités de Stanislas de Skalbmierz et d’André de Kokoszyn, tous deux professeurs à l’université, du dominicain Mathieu de Janow et d’autres). La seconde question concerne l’immaculée conception, question qui fut discutée à Bâle. Le professeur de Cracovie, Paul de Pyskowice, théologien contemporain, écrivit un traité sur ce sujet. Jean de Szamotuly, maitre en droit, surnommé Paterek(† 1519), laissa deux sermons, en langue polonaise, sur le même mystère.

Une question dogmatique des plus curieuses, dont s’occupaient les sciences sacrées en Pologne, avant l'époque de la Réforme, était celle de la validité du baptême des Ruthènes. On sait que l’union de Florence fut presque absolument rejetée en Russie moscovite et en Ruthénie lithuanienne. En 1453, saint Jean Capistran, arrivé en Pologne, y établit l’ordre des franciscains observants qui prirent le nom de bernardins (du nom de saint Bernardin de Sienne), s’accrurent très rapidement en nombre et développèrent une grande activité. Les terres russes devinrent un des principaux terrains de cette activité ; un courant uniate assez prononcé y commença. A la mort du roi Casimir Jagellon (1492), son fils Jean Olbracht devint roi de Pologne. Son frère cadet, Alexandre, grand-duc de Lithuanie, épousa en 1492 Hélène, fille du tsar de Russie, Ivan III. Hélène n’accepta pas de passer au catholicisme, ce qui suscita une vive émotion. Les maîtres de Cracovie, de leur côté, s’opposèrent aux bernardins et à leur action et mirent en doute la validité du baptême russe. Nous trouvons la trace de ce litige dans VElucidarius errorum rilus ruthenici (édit. de 1501, très rare) du professeur de Cracovie, Jean d’Osviecim, surnommé Sacranus, un des premiers représentants de l’humanisme en Pologne. Le point de vue de l’auteur est extrêmement radical. L'Église orientale n’a pas de sacerdoce légal, donc ses sacrements et le baptême lui-même sont sans valeur. Jean conseille la plus grande prudence en ce qui concerne l’acceptation des orthodoxes russes dans l'Église ; enfin, relativement au mariage du prince héritier, il se prononce de façon absolue en affirmant qu’un catholique n’a pas le droit d'épouser une schismatique. Cette erreur de Sacranus peut s’expliquer par une raison qui vaut également pour la théorie de la suprématie des conciles sur le pape. Le Décret de Gratien est la principale et presque l’unique source à laquelle Sacranus se réfère dans son œuvre. Tous ces savants,

formés par les Sentences et le Décret, ignorant tout à fait la tradition antique et se contentant uniquement de rationes theologicæ, ont succombé, de la meilleure foi du monde, à ces erreurs en se détournant de la tradition des premiers siècles. En particulier, Sacranus, élève des maîtres partisans du concile de Bàle, ne professait aucun respect pour les décrets de Florence. Il faut ajouter enfin qu’il pouvait arriver que le clergé russe contemporain, ignorant au possible, eût recours à quelques pratiques superstitieuses dans l’administration des sacrements. On comprend dès lors que le pape Alexandre VI ait admis la validité du baptême chez les Ruthènes, mais que plus tard Léon X, dans sa Bulla prouincialis de 1515, approuvant les coutumes juridiques et canoniques de la province ecclésiastique de Gniezno, ait signalé la possibilité de rebaptisation, au cas où la validité du baptême précédent aurait été mise en doute. Ce n’est que plus tard, en 1544, à l'époque de la Réforme, que l’ouvrage de Sacranus a trouvé un écho. Ce fut Stanislas Orzechowski qui répondit à cet ouvrage par son écrit, Baptismus Ruthenorum. Voir ici, t. xi, col. 1626. Cependant, à la mort d’Alexandre (1505) qui, en 1501, était devenu roi de Pologne, la question de l’Union perdit son actualité et on n’en parla plus après la mort de son partisan, Joseph Soltan (tl517) métropolite de Kiev.

En matière de théologie pratique, nous avons à cette époque une littérature plus abondante portant cependant un caractère local. Sans mentionner les nombreux sermons que nous ont laissés les plus remarquables savants de Cracovie, nous ne citerons que les œuvres les plus curieuses concernant les questions pratiques. Une de ces œuvres, sorte de manuel pour le clergé paroissial, intitulée Sacramental (écrite vers 1430), est une source de premier ordre qui fait connaître les anciennes coutumes et cérémonies liturgiques et surtout leurs particularités en Pologne. Nicolas de Blonie, surnommé Pszezolka (L’abeille) en est l’auteur. Nicolas était professeur de droit à Cracovie, ensuite il séjourna à la cour de Stanislas Ciolek, évêque de Poznan. Son œuvre a été dix fois réimprimée à l'étranger à cause de sa haute valeur (voir l’art. Plovius). Un autre travail du même genre a été écrit par André de Kokoszyn, d’abord professeur puis archidiacre de Cracovie, connu par ses polémiques contre les hussites. C’est un traité, concernant le saint sacrifice, intitulé Interpretalio canonis et destiné à l’usage du clergé.

Saint Jean Cantius († 1473), professeur à l'école de Cracovie pendant plus de cinquante ans, avec quelques interruptions, jusqu'à sa mort, a prêté l'éclat de ses vertus à l’université cracovienne sans y faire briller l’originalité de ses œuvres. Le saint homme nous a laissé quelques dizaines de copies de livres, faites par lui-même et témoignant de son assiduité au travail. Il est l’auteur aussi de solutions de cas de conscience, où, contrairement à l’opinion austère de l'époque, il est pour les sentences plus indulgentes, par exemple en ce qui concerne l’interprétation des conditions cessationis voti.

En dehors de l’université, les auteurs suivants méritent d'être mentionnés : le savant chanoine de Gniezno, plus tard chanoine régulier, Sedziwoj Czechel, partisan chaleureux de la théorie conciliaire, et Jean Ostrorôg (1436-1501), grand seigneur polonais, élevé en Allemagne et en Italie, député royal à Rome, auteur d’un mémoire concernant la réforme de l'État polonais : Monumentnm />ru comiliis generalibus regni sub rege Casimiro pro reipublicæ ordinatione congestum, œuvre écrite vers 1475, où l’auteur expose avec ampleur les points sensibles de la vie ecclésiastique contemporaine et conseille catégoriquement l'émancipation de l'Église polonaise de l’autorité papale. Tout d’abord, ce