Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/462

Cette page n’a pas encore été corrigée

PLATONISME DES PÈRES. LA CUKATION

2360

Comment il faut comprendre cette conversion, c’est ce qu’explique un peu plus loin, dans le même livre,

la distinction V. Aussitôt après la création, certains se sont tournés vers leur Créateur, certains s’en sont détournés. Se tourner vers Dieu, c'était s’unir à lui par la charité. Converti ad Deum fuit ci caritate adhserere. En ceux-là, comme en un miroir, se réfléchit alors la Sagesse de Dieu dont ils lurent illuminés… El illi quidem conærsi sunt et illuminât i a Deo gratia apposita.

2. Dans plusieurs commentaires sur le IIe livre des Sentences, on retrouve la ct>ni>crsio des anges, Vaversio et la chute (Albert le Grand, In II'"" Sent., dist. V ; cf. saint Bonaventure, dist, V, a. 1 : De aversione Luciferi, et a. 3 : De conversione bonorum angelorum), la matière qui entre dans la composition de la nature angélique (par exemple, saint Bonaventure, ibid., dist. III, part. 1, a. 1) et même l’informitas, mais conçue, ici encore, comme relative à la grâce seulement : Auguslinus super Genesim ad lilteram : « per Ctelum intelligitur angeliea natura informis », sed non juit informis per defectum formée naturalis ; ergo informis fuit per defectum formiv superadditæ natune. Sed tuec est gratia, ergo, etc.

La nature informe et l’information, la conversion, l’illumination et l’achèvement, c’est le vocabulaire néoplatonicien. Mais, désormais, la conversion est dans la créature un mouvement de charité ; l’illumination est une grâce divine. Saint Augustin a passé par là, le platonisme est christianisé.

F. L’OMNIPRÉSENCE de dieu, conséquence de » UV ACTION CRÉATRICE : PARTOUT PRÉSENT ET NÉANMOINS TRANSCENDANT. — Sur ce point, la spéculation néoplatonicienne s’est exercée de façon particulièrement heureuse ; les écrivains ecclésiastiques lui ont fait de larges emprunts.

1° Quand saint Augustin, dans ses Confessions, IV. xii, 18, t. xxxii, col. 700, explique que Dieu est en toutes choses, ou plutôt que toutes choses sont en Dieu parce qu’il les a faites, et qu’il ne s’en est pas allé après les avoir faites, ipse fecit hxc et non est longe, non enim fecit atque abiil ; sed ex illo in illo sunt, il ne fait, dirait-on, que traduire une phrase des Ennéades, où Sôv-roç, sl-ra àTïoaTavTOç Ixelvou, àXV àsl x°P"0T°^ v " 70 ;. VI, ix, 9, Dieu n’a pas donné l'être aux choses pour s’en aller ensuite, mais il continue toujours à le leur fournir ; et c’est pourquoi « toutes choses sont en lui, mais lui n’est pas en elles sans toutefois en être éloigné ». V, v, 9.

lui particulier, la formule de saint Augustin : ex illo in illo sunt, rappelle le principe plotinien : Û7t' ôîAao’j.., -v-o-sp xal sv aXXw, V, v, 9, qui place dans l’action productrice la raison de la présence ; si l’effet est dans son principe, c’est parce qu’il en a eu besoin pour naître, et qu’il en a besoin pour subsister car, sans lui, il ne serait plus. C’est pourquoi le premier Principe embrasse toutes choses sans se disperser en elles, il les contient sans être contenu, c’est pourquoi il est partout. V. v. 9 ; cf. III, viii, 9 ; VI, iv, 3 ; VI, ix, 4, etc.

2° Cette conception de la présence ou de l’immanence divine, sauvegarde la transcendance du premier Principe. Quelles que soient, par ailleurs, les diflicultés d’interprétation de la doctrine plotinienne, il faut reconnaître que les deux points de vue, loin de s’opposer, se conditionnent mutuellement : Dieu n’est en tous que parce qu’il n’est en aucun de manière à lui appartenir, partout présent, à la condition de demeurer en lui-même et de n'être nulle part. VI, viii, 16. Dieu n’est-il donc nulle part ? On répond : Il est à la fois partout et nulle part. « S’il était seulement partout, -av-ra/oô, il serait toutes choses ; mais parce qu’aussi il n’est nulle part oôSa(XOÛ, toutes choses sont différentes de lui… Il faut qu’il fasse toutes choses, mais qu’il ne soit pas les choses qu’il fait. 111, îx, 3. Il est

aussi le dedans et le dehors de toutes choses, à la fois ce qu’il y a de plus central, de plus intime dans les profondeurs de leur être, et la limite extérieure, pour ainsi dire, la circonférence, hors de quoi il n’y a plus rien. VI, viii, 18.

Expressions caractéristiques que plusieurs Pères se sont appropriées. Saint Grégoire de Nysse, Oratio caiechetica, xxv, P. G., t. xlv, col. 65 D ; saint Cyrille d’Alexandrie. In Joan., xi, P. G., t. lxxiv, col. 525 A : sEoo te ttcxvtgjv xal èv tcxctîv ècm ; saint Augustin, Epist., clxxxvii (seu liber de prsesentia Dei), a. 18, P. L., t. xxxiii, col. 838 : Quomodu… ubique, r, i in seipso '.' V bique scilicet quia nusqtiam est absens, in seipso autem quia non conlinetur ab eis qui bus pnesens est ; cf. Confess., III, vi, t. xxxii, col. 688 : Tu autan eras interior intimo meo et superior summo meo ; DeTrinitate. VIII, m. 5, P. L„ t. xi.ii, col. 950 E ; saint Grégoire le Grand, Moralia.XW, viii, P.L., t. lxxv.coI. 1126C : sic inleriora implet, ut exleriora circumdct ; ibid., xxxi, 38, col. 1140 A : Creator quippe omnium in parle non est, quia ubique est ; ibid., xxxviii, 47, col. 1144 C ; cunctis corporibus exterior, cunctis mentibus interior Deus.

3° Si Dieu est nécessairement présent à tous les êtres, comment peut-on s’en éloigner ? C’est une question que les néoplatoniciens déjà se posaient, et qu’Augustin résout comme eux. Dieu est présent à tous, explique-t-il, mais tous ne lui sont pas présents. « Quand il ne vous est pas présent, avait dit Plotin, c’est que vous vous écartez de lui. Bien plus, quand vous vous écartez, vous ne vous écartez pas de lui (car il continue d'être présent), vous n’en êtes pas éloigné, mais… vous vous êtes détourné de lui. » VI, v, 12.

On s'éloigne de Dieu et, autant que c’est possible, on cesse de lui être présent, quand on cesse de lui ressembler. Et comment ? En s’embourbant dans la matière, répondaient les platoniciens ; en commettant le péché, expliquent les auteurs chrétiens. Nulla est a Deo alia longinquilas quam ejus dissimilitudo ; ab eo longe esse dicuntur qui peccando dissimillimi facti sunt. De pnvsentia Dei, v, 17, P. L., t. xxxiii, - col. 838. C’est ainsi qu’au temps de ses égarements Augustin avait découvert un jour qu’il était bien loin de Dieu, au pays de la dissemblance. Inveni me longe esse a le in regione dissimilitudinis. Confess., VIII, x, 16, t. xxxii, col. 742. Admirable expression, qui était une réminiscence de Platon, Rc’p., 273 d. Les pécheurs, en s'éloignant de Dieu, se perdent en quelque sorte eux-mêmes ; ils sont extra le et extra se, dit saint Augustin, Confess., IV, x, 15, col. 699 ; ce sont presque les termes de Plotin : cpsûyoutn yàp ocotoI ocûtoQ e5w. (i.âXXov Se « ûtôv e^w, Enn., VI, ix, 7.

Au contraire, on s’approche de Dieu par les voies de la purification, en lui devenant semblable. Nequc enim. fratres, Deo, qui ubique est et nullo conlinetur loco, aut per loca propinquamus aut ab illo per loca removemur. Propinquare illi est similem illi fieri… Si ergo vis appropinquare, similis esto ; si non vis esse similis, longinquabis. Enarr. in psal. ZXXIV, serin., ii, 6, t. xxxvi, col. 337. Mais Augustin aura soin de remarquer, et en cela il se sépare de ses précurseurs païens, que, pour acquérir cette ressemblance qui rapproche de Dieu, l’elïort de la nature ne sullit pas ; il y faut la grâce.

Ainsi : 1. Dieu/est en tout, ou plutôt — car on donne mieux ainsi l’idée de l’immensité divine — tout est en Dieu ; 2. Dieu est partout, parce que tout en dépend nécessairement, et que rien ne subsisterait séparé de lui ; 3. Dieu est partout, mais sans être circonscrit. Aussi peut-on et doit-on dire qu’il n’est nulle part. Il est le dedans et le dehors de toutes choses. I. Bien que Dicune cesse jamais d'être présent, on peut