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PLATONISME DES PÈRES. LE MONDE INTELLIGIBLE


col. 1079. De même, dans le De Genesi ad litt., i, v, 10, t. xxxiv, col. 249 : La seconde personne de la suinte Trinité n’a pas été « formable » avant d'être « formée ».

Par ces précisions sur lesquelles il s’attarde longuement, Augustin met au point les considérations des philosophes platoniciens sur la génération du Logos ou de l’Intelligence et accuse ce qui les distingue du dogme chrétien. Quand on dit que la Vérité incréée se tourne vers celui dont elle procède, il ne peut être question d’une conversion enrichissante, puisque, par nature, de toute éternité, cette Vérité est parfaite et égale à son Père, « quo procedit et in qacm se perfecta convertit. Augustin parlait ainsi déjà dans le De beala vita, iv, 34, t. xxxii, col. 975. Il ne faut pus oublier cela, quand on l’entend confesser qu’il a trouvé chez les platonici exprimé de mille manières, que le Fils possède la nature du Père.

Par conséquent, si l’on veut conserver dans ses termes mêmes l’analyse néoplatonicienne, il faut en faire l’application, non pas au Fils de Dieu, mais à une nature qui, d’abord imparfaite, a reçu sa forme en se tournant vers son Créateur ex informitale formata. C’est ce qu’a fait Augustin. Les Confessions, les Commentaires sur ta Genèse, en interprétant la sainte Écriture, exposent les conditions dans lesquelles fut produite cette « .première créature spirituelle ou intellectuelle », en qui il faut reconnaître la nature angélique. Il ne s’agit plus alors de la génération du Verbe, mais de la création. Voir ci-dessous, ni. La création, col. 2355.

c) La Trinité platonicienne fut longtemps une source de difficultés. — Arduissima maleria ! s'écriait Ulrich de Strasbourg. Il apportait cependant une explication correcte du problème. Ipsi (les philosophes platoniciens) Verbum non sumunt personaliter, sed vel sumunl ipsum pro racione exemplari… vel sumunt Verbum pro prima simplici intclligentia, quæ est a primo simplici, per quam Deus omnia operatur. III, tr. V, c. vi ; cf. Stohr, Die Trinitdtslehre Ulrichs von Strassburg, p. 8, n. 18. Il voyait donc bien la différence et, pourtant, il restait gêné (cf. saint Thomas, In Ium Seul., dist. III, q. i, a. 4, d. 1) moins gêné, il est vrai, par le texte de Platon que par le témoignage que saint Augustin lui avait porté, comme déjà JeandeSalisbury, Polycralicus, t. VII, c. v, P. L., t. cxcix, col. 646 CD.

C'était ce qui avait encouragé Abélard dans ses hardiesses. Soucieux de démonstrations rationnelles, il avait invoqué, lui aussi, en faveur du dogme de la Trinité, le témoignage de Platon, maximus omnium philosophorum et de ses disciples. Theologia christiana, part. 1, t. I, c. xvii, P. L., t. clxxviii, col. 1012 C sq. ; reproduit dans le même tome, col. 1114 A sq. Mais, condamné par le concile de Soissons, puis par celui de Sens, il se rétracta dans sa Dialectique remaniée : « Il y a des catholiques, y confesse-t-il, qui s’attachent trop à l’allégorie. Ils s’efforcent d’attribuer à Platon la foi en la sainte Trinité, ils voient l’Intelligence (Noy) venir du Dieu suprême, qu’on appelle Tagaton, comme le Fils engendré du Père, et l’Ame du monde procéder du' Noy, comme du Fils le Saint-Esprit. Mais cette foi platonique est convaincue d'être erronée en ce que cette Ame du monde, comme elle l’appelle, elle ne la dit pas coéternelle à Dieu, mais originaire de Dieu, à la manière des créatures. Or, le Saint-Esprit est tellement essentiel à la perfection de la Trinité divine… » Ouvrages inédits, p. 475, cité par Picavet, Essais, p. 206. Cf. Hugues de SaintVictor, Miscellan., t. I, c. clxxxiv, P. L., t. clxxvii, 551 BC. Abélard reprenait ainsi, pour les condamner, les expressions mêmes qu’il avait employées dans son Epitome theologise christianse, c.xviii, P.L., t. clxxviii, col. 1720 D et 1721.

A propos d’Abélard, saint Bernard écrivait au pape

Innocent II : Dum multum sudat quomodo Plalonem facial christianum, se probat ethnicum. Epist., exc, seu tractalus ad Innocenlium II Pontificem, c. iv, P. L., t. clxxxii, col. 1062 C. L’accusation était exagérée. Du moins faut-il convenir une fois de plus que le « platonisme », quand il s’introduisit dans le dogme, le déforma. Quant aux tentatives de retrouver la Trinité chrétienne dans Platon, on voit ce qu’il faut en penser. « Platon n’en a jamais eu la moindre idée, pas même en rêve, de iis ne somniavil iste quidem. » Ainsi jugeait Denys Petau, Theol. dogm., t. ii, t. I, c. ii, n. 6. Marsile Ficin, si porté cependant à christianiser le platonisme, ne s’exprimait pas avec moins de netteté : Extra controversiam assero Trinilatis christianæ secretum in ipsis platonicis libris nunquam esse, sed nonnulla verbis quidem non sensu quoquo modo similia. Epist., t. XII, fol. 237 b. Et, pourtant, vers 1510, Gilles de Viterbe s’ingéniait encore à retrouver le Père et le Fils au 1. VI de la République, où sont distingués en Dieu le Penseur et la Pensée, et le Saint-Esprit dans cet Amour dont le Banquet déclare qu’il est « un grand Dieu », et il s'écriait : Ecce Academiæ vires, ecce cur Plato divinus appellatur… Trinitas, quæ in Aristotelis doctrina apparet nulla, ita in Platonis Academia fulgel, ut ad eam in terris cognoscendam nihil fere desiderari possit. C'était montrer vraiment peu d’exigence. Cf. Paquier, Un essai de théologie platonicienne à la Renaissance, dans Recherches de science religieuse, t. xiii, 1923, p. 423-425.

II. Le monde intelligible.

1. Les idées et le monde intelligible. Essai d’adaptation (col. 2339). 2. Le réalisme platonicien et la théologie trinitaire (col. 2343). 3. Le réalisme platonicien et la doctrine du salut (col. 2346).

Quelques textes. — Clément d’Alexandrie, Strom., V, xiv, P. G., t. ix, col. 137 AB ; Stàhlin. t. ii, p. 387, 1. 22 sq. ; IV, xxv, P. G., t. viii, col. 1364 BC ; Stàhlin, p. 317, 1. 10 sq. ; — Origène, De principiis, II, ni, 6, P. G., t. xi, col. 195 AB ; Kœtschau, p. 121, 1. 21 sq. ; In Joan., xix, 22, P. G., t.xiv, col. 568 AB ; Preuschen, p. 323-324 ; — Saint Basile, Epist., xxxviii, 2, P. G., t. xxxii, col. 325 B ; Epist., ccxiv (et non exiv, comme dit Harnack, Dogmengeschichle, t.n, 4e éd., p. 264, n.l), n. 4, ibid., col. 789 AB ; — Saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxxviii, 10, t. xxxvi, col. 321 AB ; — Saint Grégoire de Nysse, De communibus nolionibus, t. xlv, col. 180 ; Quod non sint très DU, ibid., col. 117 sq. ; De hominis opificio, c. xvi, t. xliv, col. 185 CD ; Oratio calechetica, c. xxxii, t. xlv, col. 80 BC ; — -Saint Augustin, Retract., t. I, c. iii, n. 2, P. L., t. xxxii, col. 588, 589 ; De ordine, I, xi, 32 ; II, xix, 51, ibid., col. 993 et 1019 ; Confess., XII, xi, 12, 13 ; xiii, 16 ; xvii, 24-26, ibid., col. 830-835 ; De Genesi ad litt., i, v, 10 ; II, vi, 12, t. xxxiv, col. 249, 268 ; De diversis quæstionibus Lxxxiii, q. xlvi, t. XL, col. 29-31 ; De civ. Dei, X, ii, t. xli, col. 279-280 ; — Saint Cyrille d’Alexandrie, In Joan., i, 14 ; xiv, 20 ; xvi, 6-7, P. G., t. lxxiii, col. 161 C, t. lxxiv, col. 280B et 432B ; — Synésius, Hymn., i, vers 76 sq., Hymn., iv, vers 206 sq., P. G., t. lxvi, col. 1589 et 1606 ; — Pseudo-Denys, De divinis nominibus, v, 5 ; xi, 6, P. G., t. iii, col. 820 ABC, 953 B sq. ; — Jean Scot Érigène, De divisione naturse, t. II, 15, 21, 36, P. L., t. cxxii, col. 547 BC, 561 CD, 615 sq.

Le néoplatonisme est una verissimæ philosophiæ disciplina ; on le reconnaît à ce signe qu’il dédaigne le monde matériel pour s’occuper de l’autre qui est intelligible : non enim est ista hujus mundi philosophia…, sed allerius intelligibilis. Saint Augustin, Cont. academicos, III, xvii, 37 ; xix, 42, P. L., t. xxxii, col. 956, 957. Le trait est aussi caractéristique d’Augustin que de l'école à laquelle il accordait sa faveur. Et, pourtant, Augustin et les platonici n’entendaient point la même chose, quand ils parlaient des intelli-