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PLATONISME. LES INFLUENCES FUNESTES


révélé par les saints oracles. De dit', nom., 1. 1. 2, /'. G., t. iii, col. 588 A. C. Ainsi patient tous ceux qui ont le sens de la tradition. D’autres étaient avant tout philosophes.

Ceux-là, fussent-ils platoniciens, même lorsqu’ils se mettaient en peine d’habiller leurs théories avec des versets de l'Écriture, sortirent de l’orthodoxie. On ne s’y est jamais trompé. « Les philosophes sont les patriarches des hérésies », dit Tertullien. De anima, c. m. P. L., t. ii, col. 692 A. lue marque des sectes hérétiques, suivant Anthime de Nicomédie, mort martyr sous Dioclétien, et ce qui les oppose à l’apostolicité de la véritable Église, c’est qu’elles dépendent d’Hermès Trismégiste, de Platon ou d’Aristote et non de la tradition. Ce fut souvent un argument de Grégoire de Nazianze, comme d’Athanase, dans les controverses trinitaires. La philosophie doit se contenter de la situation d’Agar vis-à-vis de Sara : ceux qui l’ont oublié sont tombés dans l’erreur. Didyme l’Aveugle, De Trinil., iii, 1. P. G., t. xxxix. col. 781 A.

Et en effet, sans vouloir tout expliquer par là, on pourrait convaincre les hérésies des premiers siècles d’avoir cédé à l’entraînement de la philosophie. La plupart des Pères nous disent, il est vrai, que cette philosophie fut celle d’Aristote, l’ennemi de la Providence, l’athée qui, pour se faire place dans les écoles chrétiennes, dut triompher de méfiances persistantes, tandis que de Platon on ne se séparait, quand c'était nécessaire, qu’après une préface d’honneur. Et, pourtant, il faut reconnaître aussi l’influence de « Platon » à l’origine de plusieurs hérésies.

D’abord le gnoslieisme.

Ipsse denique hæreses a

philosophia subornantur. Inde œones et formée nescio quæ et trinitas hominis apud Valentinum : Platonicus /lierai. De præscr., 7, P. L., t. ii, col. 22 A ; cf. Hippolyte, Philosoph., vi, 21, 29, P. G., t. xvi c, col. 3226, 3235 B. Tertullien rattache au platonisme la distinction familière aux gnostiques des trois principes, sensible, animique, spirituel, dans la nature humaine ; il croit même retrouver, De anima, c. xviii, /'. L., t. ii, col. 719 C « les semences hérétiques des gnostiques et des valentiniens » dans les substances invisibles, incorporelles, divines, éternelles que sont les Idées. Vult Plato esse quasdam substantias invisibiles… quas appellat Ideas… Inde hwreticarum idearum sucramenta : hoc enim sunt et seones et genealogiw eorum. Cf. Irénée, Cont. hær., II, xiv, 3 et 4, P. G., t. vii, col. 751 B-752 A. Saint Irénée rend aussi Platon responsable de l’enseignement des gnostiques sur la préexistence des âmes et leur migration de corps en corps. Ibid., II, xxxiii, 1 et 2.

Et, en effet, un certain nombre de traits communs aux principaux systèmes gnostiques sont apparentés de fort près avec le platonisme du ire siècle. Un Dieu souverain, éloigné de la matière, et les intermédiaires qui le relient au monde ; la création émanant d’un Dieu inférieur. Certains, comme Saturnin, admettent une double création, les anges, les archanges, les vertus, les puissances étant produits par le Père, le monde et l’homme par sept anges. Cf. limée, 41 d, et Petau, Dogmata theologicu. Prolegomena. c. ni, 2.

L’arianisme.

Bien que Basile, Grégoire de

Xysse, Didyme l’Aveugle et d’autres fassent d’Aristote le patron des ariens et (pue la dépendance apparaisse souvent manifeste dans leur manière d’argumenter, un des principes sur lesquels l’arianisme est fondé, comme l’a remarqué saint Athanase, Cont. arian., orat. ii, n. 24, P. G., t. xxvi, col. 200 A, est l’excessive transcendance du Père et, par suite, l’impossibilité où il se trouve de créer le monde sans un intermédiaire, qui est le Fils ; car voici, dit-il. ce qu’ont osé non seulement dire, mais écrire Eusèbe, Anus, Astérius : » Dieu voulant produire la création et voyant qu’elle

ne pouvait participer à la main toute pure du Père et à son opération, fabrique et crée d’abord, lui seul, un être unique seul, ttoiei xott xtêÇei irpco-rioç (jlôvoç (i.ôvov eva, qu’il appelle Fils et Logos, afin de pouvoir ensuite, par son moyen, créer le reste de l’univers, » Cf. la lettre des piètres et diacres ariens à Alexandre, évêque d’Alexandrie, Athanase. De synodis, n. 16. P. G., L xxvi, col. 708 C.

Dr, que l’Un ne puisse produire immédiatement qu’une seule chose ((i.ôvoç u.ôvov), le reste dépendant de lui par intermédiaire, c'était un axiome, de philosophie néoplatonicienne. Cf. IF' pari., m. La créalion et le platonisme, col. 2351. Par suite, Arius. qui concevait, toujours avec les néoplatoniciens, la génération comme une création, devait comprendre la Trinité comme une hiérarchie descendante, à la manière de Numénius ou de Plotin : le Fils est un second Dieu. Albert le Grand l’a bien vii, Comment, in Joa., i, 3, éd. Borgnet, t. xxiv, p. 32 : Causa erroris Arii fuit quod nimis philosophie ? adhærebat. Cette philosophie, qui considérait le Logos comme une puissance et une lumière intellectuelle, créée avant le monde, par laquelle Dieu fait toutes choses, Albert l’a connue par les Arabes et les Juifs, mais elle était d’origine néoplatonicienne. (Cf. Ulrich de Strasbourg : El hanc philosophiam scrutas Arius dixit Filium Dei esse lucem intellectualem factam ante mundum, habentem virtutem factivam tolius mundi, ut dicitur in libro Valerii, discipuli ejus. Voir Stohr, Die. Trinitatslehre Ulrichs von Strassburg. p. 147, note 96.) Saint Thomas dit de même : Nos non ponimus Patrem et Filium seeundum subslanliam différentes : sed fuit error Origenis… et Arii sequentium in hoc platonicos. Sum. theol., I a, q. xxxii, a. 1, ad. lum.

La question du « platonisme d’Arius » a été fort diseutée. Petau, Dogm. theol., t. ii, De Trinitate, I.' I. c. viii, n. 2, déclarait : In eu vero professione… planissime constat germanum plalonicum Arium exslitisse, et c. i, n. 2 : Quidquid hæreseon opinionumque falsarum primis illis temporibus emersit, ac præsertim Ariana lola perfldia ex illo ptalonicorum commenta causam et originem accepit (cf. cependant Dogm. theol., Prolegomena, c. iii, 2…). Mais R. Cudworth. Systema intellectuelle universi, t. i, 2e éd., p. 872, et J. Mosheim (dans le même ouvrage, note ii, p. 875879) soutiennent une opinion contraire. Il va sans dire que parler du platonisme d’Arius, c’est seulement l’accuser d'être resté trop dépendant d’une, philosophie qui régnait de son temps à Alexandrie et qui subordonnait les uns aux autres les principes divins, sans prétendre pour autant qu’il ait tiré de là toutes ses erreurs. L’identité ior)Geiç tzoiv}gziç sIg’iv, posée par certains ariens, est aussi apparentée avec le néoplatonisme. Cf. Didyme, De Trinilale. i, 7, P. G., t. xxxix, col. 277 B.

3° Le même courant d’influences apparaît aussi chez Eunomius (t vers 395), à côté de l’influence aristotélicienne sur laquelle, d’ordinaire, on insiste davantage. Eunomius dit après Platon (il est vrai qu’Aristote le dit aussi) que seul l'être inengendré (àYsvvï)TOç) est par nature incorruptible. Saint Justin et Clément d’Alexandrie déduisaient de là que l'âme n’est pas immortelle par nature mais seulement par un effet de la volonté divine. Le Fils n'étant pas, lui non plus. inengendré, si l’on ne distingue pas entre àyswq-'jet àyavr/Toç, il fallait le ranger aussi parmi les créatures. (Sur l'équivoque entre ces deux mots. cf. de Régnon, Études sur la sainte Trinité, t. iii, p. 185 sq. ; de Ghellinck, dans Revue d’hist. ecct., 1930, p. 9-42.) C’est ce que lit Eunomius, étourdissant les braves gens, dit Grégoire de Nysse, avec les belles phrases de Platon. Contr. Eunom., i. IX, P. G., t. xi.v. col. 813 C. Il arrivait à la même conclusion, en invoquant le