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PLATONISME DU PSEUDO-DENYS


tonisme. On ne doute plus guère aujourd’hui que, dans les œuvres de jeunesse, cette inspiration ait été fréquente. Dans la suite, s’il revient en arrière chaque lois qu’une opinion lui apparaît contraire à la foi, il reste « convaincu de la vérité de beaucoup d’idées néoplatoniciennes telles qu’il les a comprises… : la conception de l’esprit, la doctrine du Verbe, la transcendance de Dieu, le mal considéré comme une privation… Plus il va, plus il les approfondit. Aussi apparaît-il par certains côtés de plus en plus néoplatonicien. II l’est davantage dans les Soliloques que dans le Contra academicos. » Boyer, Christianisme et néoplatonisme dans la formation de saint Augustin, p. 194.

Même si l’on est d’avis, avec Nourrisson, La philosophie de saint Augustin, t. î, 2e éd., p. 33, et Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, p. 150, que' le néoplatonisme du docteur d’Hippone est allé diminuant avec les années, 41 faut admettre que son esprit en avait été marqué, pour la vie, d’une empreinte profonde.

Saint Augustin s’est expliqué lui-même sur ce qui le frappait davantage dans le platonisme : Cette philosophie, déclare-t-il, De ordine, II, xviii, 47, P. L., t. xxxii, col. 1017, peut se résumer en une doctrine de l'âme et une doctrine de Dieu. Prima efflcit ut nosmetipsos noverimus, altéra ut originem nostram. Or, Dieu et l'âme, c’est tout ce qu’il désirait savoir : Deum et animam scire cupio. Nihilne plus ? nihil omnino. Soliloq., i, 7. Grâce à cette philosophie, continue-t-il, on devient capable de comprendre l’univers et son auteur : idoneus ad intelligendum ordinem rerum, id est ad dignoscendos duos mundos et ipsum parentem universitatis, cujus nulla scientia est in anima nisi scire quomodo eum nesciat. Ainsi, deux mondes distincts, qui composent un univers ordonné et hiérarchisé, depuis la nature, qui est presque un rien, jusqu'à la créature spirituelle, qui est proche de Dieu. Dieu, père de cet univers, difficile à connaître à cause de sa transcendance, dont on sait ce qu’il n’est pas plutôt que ce qu’il est. La Cité de Dieu ajoute que, selon les plalonici, Dieu est la lumière des intelligences, la fin vers laquelle tendent tous les êtres et la source de leur bonheur. De cii>. Dei, VIII, ix-x, t. xli, col. 234-236.

De là, quantité de réminiscences dans le détail des doctrines. L. Grandgeorge, op. cit., p. 57 sq., a montré qu’Augustin s’inspire souvent de Plotin quand il parle de la méthode négative, de l’immutabilité de Dieu, de son ubiquité, de son éternité, de la Providence, du problème du mal. Lorsqu’il lut dans les Ennéades (peut-être III, ii, 7) que le mal n’est pas un être positif, il semble qu’il fut libéré d’un grand tourment d’esprit. Cf. R. Jolivet, Essai sur les rapports entre la pensée grecque et la pensée chrétienne, ii. Plotin et saint Augustin ou le problème du mal, Paris, 1931, p. 102 sq.

On a énuméré à l’article Augustin (Saint) un bon nombre de théories platoniciennes qu’Augustin a toujours approuvées et adaptées à ses explications dogmatiques, t. i, col. 2327 sq., d’autres qu’il a toujours rejetées, col. 2329, d’autres encore qu’il a rétractées après les avoir d’abord adoptées, col. 2330 (suivant quelle règle ces diverses opinions sont-elles acceptées ou rejetées, voir col. 2326).

Sur la question du monde intelligible et de l’intuition intellectuelle, voir le P. Boyer, L’idée de vérité dans la philosophie de saint Augustin, p. 31 sq., 71 sq., 81 sq. Comment Augustin a-t-il pu croire que certains dogmes chrétiens étaient dans les livres des platonici ? cf. ibid., p. 104-119 ; à propos de la contemplation, le P. Cayré, La contemplation auguslinienne. Principes de la spiritualité de saint Augustin, Paris, 1927, p. 48 sq. ; sur la théorie de l’illumination, Grabmann, Le fondement divin de la vérité humaine d’après saint Augustin et saint Thomas, dans la Revue de philosophie, 1928 et

1929. On trouvera dans la suite de cet article d’autres rapprochements concernant la création de « la première nature raisonnable », la vision des intelligibles, la vie intérieure.

Comment caractériser la nature de cette influence ? Deux choses surprennent ici en saint Augustin : et la constance avec laquelle il reste sous l’empire des images et des thèmes néoplatoniciens, et la prudente réserve qui tient tout ce platonisme à l’extérieur du sanctuaire. Le plus souvent, il s’efforce de pénétrer un texte de l'Écriture dont l’obscurité se prête à diverses interprétations. Les hypothèses, que son imagination métaphysique se joue alors à faire pleuvoir (vel… vel… nisi forte… an forte ?), sont suggérées pour la plupart par le néoplatonisme. Explications plausibles, « tolérables », rien de plus. Quand il s’agit de conclure, il hésite et préfère le doute au risque de s'égarer.

Il est vrai que son esprit, avide de spéculation, quand il se laisse aller à ses affinités naturelles, spécule en platonicien. Mais on dirait qu’il se défie de sa sympathie même ; il s’observe ; il se rétracte ; il s’excuse d’avoir été trop loin dans l'éloge : tantum extuli, quantum impios homines non oportuit. Retr., I. I, c. i, n. 1. Et pourtant son platonisme est passé par une âme chrétienne et cela se sent.

Saint Augustin a prononcé sur le Verbe ou Logos platonicien des paroles surprenantes ; aucune crainte pourtant qu’il tombe dans les erreurs d’Origène ; il s’applique au contraire à prévenir toute confusion entre la production de l’Intelligence plotinienne et la génération du Fils (voir IIe part., i. La irinilé platonicienne, col. 2322. S’il adopte en grande partie les analyses de Plotin sur la naissance du second dieu, il en fait l’application aux natures spirituelles créées, c’est-àdire aux anges. Les Idées platoniciennes l’enchantent, mais ce sont chez lui les idées de Dieu. Il s’est approprié plusieurs des formules qui, dans les Ennéades, décrivent l’extase, mais, après avoir partagé les mêmes espoirs, il a vu que la promesse de la vision de Dieu est illusoire hors de la grâce et ne reçoit sa réalisation pleine que dans l’autre vie. Il félicite Plotin d’avoir reconnu la Providence, De civ. Dei, X, xiv, mais la Providence pour lui est une pensée personnelle, et non une sorte de loi abstraite, immanente à la nature (Enn., III, ii, 1). Cf. R. Jolivet, Essai sur les rapports entre la pensée grecque et la pensée chrétienne, p. 139.

Le Christ, la charité du Christ, a pris la place du déterminisme naturaliste. Son humilité a fait plier l’orgueil de la raison. A cela près, le docteur de la grâce est resté platonicien, le plus platonicien de tous les Pères.

d) Le pseudo-Demjs. — Aucune tentative n’a jusqu'à présent réussi à pénétrer le mystère dont il s’est entouré [la plus récente aurait voulu l’identifier avec. Sévère, patriarche monophysite d’Antioche (512-518) : Stiglmayr, Der sogenannte Dionysius Areopagita und Severus von Antiochien, dans Scholastik, t. iii, 1928, p. 1-27, 161-189 ; cf. R. Devreesse, Dengs l’Aréopagile et Sévère d’Antioche, dans Archives d’hisl. doctr. et tilt, du M. A., t. iv, 1930, p. 159-167, et J. Lebon, Le pseudo-Dengs et Sévère d’Antioche, dans Revue d’hist. ecclés., t. xxvi, 1930, p. 880-915.] Du moins ne peut-on pas douter qu’il ait été fortement influencé par les milieux néoplatoniciens du ve siècle.

Le titre d’un de ses écrits les plus considérables. LTspi 6d « v ôvofi-cxTcov, est le même que celui d’un ouvrage de Porphyre, et la question qu’il y traite était classique dans cette école : Porphyre, Théodore d’Asine, Proclus l’avaient abordée. Cf. H. Koch, Pseudo-Dionysius Areopagita in seinen Beziehungen zum Neuplatonismus und Mysterienivesen, dans Forschungen zur christlichen Literatur und Dogmengeschichte, Mayence, 1900, p. 9. Il exploite volontiers