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PLATONISME DE SAINT AUGUSTIN


anciennes religions grecques dans le plan philosophique, dépouillant la religion antique au prolit de la philosophie. Nos docteurs ont fait œuvre semhlable mais en sens inverse ; ils ont dépouillé la philosophie profane au prolit de la foi. en transposant dans la théologie chrétienne les plus pures données de l’hellénisme, de Platon et de l’iotin ». II. Pinault, op. cit., p. 2 11. On a remarqué dans l’exposé qui précède que quelques détails ne sont pas encore parfaitement assiinilis (et c’est sur ceux-là que nous avons insisté) ; le vocabulaire philosophique, qu’ils ont adopté, retient quelque chose de son ancien contenu. L’approfondissement des doctrines révélées par le Christ, de la grâce et de l’ordre surnaturel, de la liberté morale, fera peu à peu disparaître ces vestiges d’une » sagesse étrangère ».

I. Au Ie siècle. — Simplicianus félicitait Augustin de s'être mis à l'école des platoniciens plutôt qu'à celle de philosophes décevants et trompeurs : Ubi autem commemoraoi leyisse me quosdam libros platonicorum — gratulatus est mihi, quod non in aliorum philosoph<}rum seripta incidissem pleiui fallaciarum et deceptionum secundum elementa hujus mundi : in istis uutem omnibus modis insinuari Deum et cjus Yerbum. C.onf., VIII, ii, 3, P. L., t. xxxii, col. 750. Augustin partagea les vues de Simplicianus. comme Marius Victorinus Afer (converti en 355), et ce singulier Synésius, dont l’accession à l'épiscopat ne s’explique que parce que régnait alors un préjugé favorable à la philosophie dont il était le tenant déclaré.

a) Synésius de Cyrène. - Quand on lui proposa l'évêché de Ptolémaïs, en 109, dans sa réponse à Théophile, ' patriarche d’Alexandrie, il déclare ne pouvoir accepter qu'à la condition de ne rien sacrifier de ses convictions philosophiques ; en particulier, il ne pouvait admettre que l'âme fut créée après le corps, que le monde dût un jour finir et les corps ressusciter. En quelle mesure, lorsqu’il fut évêque, demeura-t-il philosophe ? II est difficile de le dire.

Dans les Hymnes. P. ('., t. i.xvi. col. 1587 sq., où l’effort apparaît sensible pour accorder le néoplatonisme avec les mystères chrétiens, l’expression et souvent la pensée restent pourtant nettement néoplatoniciennes. Après avoir déclaré que tout bien est méprisable, comparé au « souci de Dieu », le poète y chante la simplicité du premier Principe :

IvottJtcùv évàç àyvi,

[JLOvàScoV UOVXÇ TS UptÔTT,

(Hymn., i, vers 58, 59 : cf. iii, vers 171 sq. ; iv, vers 60 sq.),

l’enfantement suprasubstantiel » de la monade qui se répand de manière ineffable :

Tptxôp’jjjL^ov 'irr/pi iXxxv,

la beauté des enfants qui s'élancent du centre cl rayonnent autour du centre. Hymn.. i, vers 67-71. A plusieurs reprises, le dogme de la Trinité est explicitement professé : Hymn.. ii, vers 25-33 ; iii, vers '-Kl sq. ; iv. vers 1 17 sq.

Mais de ces hauteurs inaccessibles, Synésius se hâte de ramener son esprit vers les mondes intelligibles, i. vers 711, 77 ; cf. iv, vers 2(16 sq. Là est l’origine de l’esprit humain, descendu dans la matière, ô xxTXiSaTaç Èç 6Xav vôoç, i, vers 81, rejeton de l’esprit divin qui remplit l’univers et, partout répandu, se divise sans se diviser >. Là l’esprit remontera, pourvu qu’il échappe aux voraces aboiements de la matière », et dirige vers Dieu ses pas. Hymn.. î, vers 109-111 ; cf. Hymn., n. vers 87-91 ; Hymn.. iii, vers 90 sq., 376 sq., C-36-637. Et le poète encourage son âme à ce grand elîort par la pensée que bientôt, unie au Père, Dieu en

Dieu. Œôç Èv Œôi, elle exultera. Hymn., i, vers 133134 ; cf. Hymn., ni, vers 706 ad tinem, et les derniers vers de Hymn., iv et v.

Œuvre étrange : d’un côté des professions de foi dont on n’a pas de raison de suspecter la sincérité cl. dans l’hymne x, une prière touchante, d’accent vrai nient chrétien, du poète pécheur à Jésus ; de l’autre, la préexistence des esprits, la descente dans la matière, le retour aux mondes intelligibles, une manière de concevoir la production de l’univers et la purification des âmes et l’union à Dieu qui est toute néoplatonicienne.

Ce grand dévot de l’unité n’est pas arrivé à unifier ses pensées. Toujours il a tenu à rester philosophe : v ; v te xal eÏïjv epiX6<TOcpoç. Non sans hauteur, il a pris son parti de n'être pas un évêque populaire : oô&" lepeùç 8rjU.6at.oc slvat. po>iXo[Aai - oùy aroxç aTravra SùvaTa !.. Pour lui, il ne se résout pas à descendre des hauteurs de la contemplation et à se mêler à la foule après avoir joui du commerce de Dieu : <tuyyevôu.svo< ; sfxauTco xal Sià voû t<7> Œco. Hpist., lvii, ado. Andronicum, t. i.xvi, col. 1397 H.

b) Marius Victorinus, s’il ne fut pas, comme le vou lait Harnack, un Augustin avant Augustin, eut pourtant, sur l'évolution intellectuelle de son grand compatriote une influence décisive, en lui rendant accès sibles, par ses traductions, les livres de Plotin ; dans la transmission des idées platoniciennes, il occupe ainsi une place importante. Ses œuvres personnelles portent aussi l’empreinte des philosophes qui lui avaient donné sa première formation, de ces nonnulti dont il oppose la doctrine à l’opinion commune.

Dieu, dit-il, selon l’opinion généralement admise, ut ab omnibus dicitur, est un et seulement un, unum et solum unum. Quelques philosophes disent pourtant qu’il est un et tout, et même qu’il n’est pas un, unum omnia et nec unum. Adv. Arium, t. IV, c. xxii, P. L.. t. viii, col. 1129 A (cf. Plotin, Enn., VI, vii, 32 : oû8èv oùv toûto xwv Ôvtcov xal TrxvTa). Pourquoi est-il unum omnia ? Parce qu’il est la cause universelle, omnium existentiarum causa et ideo omnia. Adv. Arium, t. IV, c. xviii, col. 1126 D ; cf. c. xxii, col. 1129 A B. Pour la même raison, il n’est pas un, car, il est la’cause de tout et même de l’un : nec unum, quia omnium principium, unde et ipsius unius. Ibid., c. xxiii, col. 1129 C. Ainsi Plotin disait qu’il n’est rien, parce que les êtres viennent après lui, et qu’il est tout, parce que toutes choses viennent de lui : oùSsv ji.sv 8ti uaxEpoc Ta ovtoc. 7râvT<x Se, oti h aÙToû. Enn., VII, vii, 32 ; cf. VI, ix, 3 ; V, iii, 11 ; III, viii, 9. Et, cependant, en un certain sens, il est un et seulement un : super omnia et ideirco nutlum de omnibus acmagis ex quo omnia, rryo unum et solum unum ; principium enim omnium. Adv. Arium, I. IV, c. xxiv, col. 1130 D.

Dans la simplicité divine, les contradictoires en quelque sorte se concilient : Dieu est Ôv et il est j : r ov ; on devrait dire qu’il est Trpôov ; quand on l’appelle (j.t, Ôv, c’est non per privationem universi ejus quod sit, sed ut aliud Ôv ipsum quod est est |i.rj Ôv. Liber de yenr ratione Verbi, n. 4, col. 1022 A. Cf. IIe part., v. L" théologie négative, col. 2372.

Victorinus renchérissait donc encore sur les subtili tés de Plotin. Si son orthodoxie, malgré les apparences, ne fut pas atteinte, cf. Thomassin, t. III, c. ii, n. H. son action du moins en fut diminuée. Saint Jérôme le jugeait inaccessible, réservé à quelques spécialistes de la métaphysique. De vir. III., 101, P. L., t. xxiii. col. 739 H. Augustin, que sa tournure d’esprit rapprochait plus des Pères cappadociens que de Jérôme, fui de ce nombre.

c) Saint Augustin. Il ne s’agit pas de faire ici un relevé de toutes les thèses où le grand docteur africain s’est inspiré plus ou moins explicitement du néopla-