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PLATONISME DES ALK XAN DU INS

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diate. Cela est encore plus vrai dos premiers apologistes. Même quand oïl leur donne, comme à Justin, le nom de « philosophe ». ils n’ont pas demandé autre chose à Platon qu’ils connaissaient d’ailleurs assez mal.

b) Principaux points de contact des premiers apologistes avec le platonisme. Voir Pfâttisch, lier Einfluss Platos au/ die Théologie Justms des Marlyrers, p. 17 sq. ; A. Pueoh, Les apologistes grecs du //e siècle de notre ère, Paris, 1912 : art. Justin (Saint), t. viii, col. 2228-2277 ; Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, t. II, p. 4Il sq., 455 sq., 480 sq.

a. La notion de Dieu. -- Pour Justin, Dial.. 3, col. 481 B, Dieu est l'être immuable, toujours identique à lui-même : tô xarà tx aura xal waau-rcoç àsi SX 0V (ce sont les expressions même du Tintée, 27 d, 29 a). Il est absolument transcendant : èrcÉxstva Tracée oùaïaç, Dial., 4, col. 484 A (réminiscence de la République, 509 f), cause des intelligibles, Dial., 4, col. 481 A, et accessible à la seule Intelligence : to6eïov… taévco vu xttraX7]7rr6v, coç çr t a. UXoctcov, Dial., 3, col. 481 D (comparer le Timée, 28 a, surtout les plaloniei, Philon, Maxime de Tyr et noter que le vieillard, qui expose les idées chrétiennes, n’admet pas que l'âme puisse, par ses propres forces, atteindre Dieu dans l’extase). Ce Dieu transcendant demeure, sans en sortir, dans les régions célestes : - Le Père… ne va nulle part, ne se promène pas…, mais il reste dans sa demeure, où qu’elle soit. » Il se manifeste aux hommes par l’intermédiaire du Logos. Justin, Dial., 127, 56, 60, col. 772 B, 596 D, 612 C ; Théophile d’Antioche, Ad Autolycum, 22, col. 1088 A. Cf. Philon, Plutarque, Maxime de Tyr.

b. La doctrine du « Logos ». — Justin croit trouver le Logos, Fils de Dieu, dans Platon, qui l’aurait luimême pris à Moïse. Apol., i, 60, col. 420 A. Théophile distingue le Logos intérieur, èvSiâŒToç, et le Logos proféré, TTpocpopixéç, suivant une distinction qui remonte au stoïcisme ancien (cf. Eisler, }'ôrterbuch der philosophischen Begriffe, au mot Logos. Ie éd.. 1929, p. 60-61 ; Ueberweg-Pra’chter, Die Philosophie des Altertums, 12e éd., 1926, p. 424), mais que Philon avait reprise (De spécial. legibus, iv, 3, éd. Cohn, p. 224, 1. 20 ; De mutatione nominum, 23, éd. Wendland, p. 179, 1. 6) ; il s’en sert, et quelques anténicéens comme lui, pour expliquer la naissance du Logos, qui, près du Père de toute éternité, n’est engendré parfaitement comme Fils qu'à la création du monde. (Théophile, Ad Autolycum, il, 22, P. G., t. vi, col. 1088 B.) Ce ne fut pas un gain pour la théologie.

c. La création. — Dieu fait tout par son Logos. Justin croit lire cela, aussi bien dans le Timée, 47 e, que dans le prologue de saint Jean, chez saint Paul, dans les Proverbes aussi (vm, 22), où il est écrit que Dieu a produit la Sagesse comme principe, àp'/Y), de ses voies pour ses œuvres. Le Dialogue, 61, col. 613 BC, interprète ainsi, en excluant l’idée d’une création du Logos, le texte que, plus tard, les ariens ne se lasseront pas d’invoquer : àpyry rpô TravTcov tcov v-iaj.y.-ctiv 6 Qzbç -'Evsvvvy/'.E Sova(xCv tivx è£ éauToû Xoytxi^v ; cf. Dial., 129 ; Athénagore, Leyutio, 10. Sur la création et la matière informe, comparer Apol., i. 10. 59, col. 340 C, 416 B, et Timée, 51 a.

d. L'âme et la destinée. — A la suite de Platon (Timée, 41 a), plusieurs apologistes acceptent le principe que ce qui a commencé doit avoir une (in, et en déduisent que l'âme, ayant été créée, est de soi corruptible ; si elle ne meurt pas, c’est en vertu d’un décret divin. Justin, Dial., 5, col. 488 B : Théophile, Ail Aulolyc, ii, 27, col. 1093 B. Et pourtant l'âme, parce qu’elle a de plus noble, par sa raison, Xoyoç, est apparentée à Dieu, car tout le genre humain a participé au Logos, oS nsôcv vé^Ç àvOptô^wv iz- : icr/z. Justin, Apol., i, 46, col. 397 C. Cette théorie du eszzu.'j. to’j XoVoO, inné en

tous k-s hommes, Apol., u. 8. col. 457 H, porte l’empreinte du stoïcisme sans doute, mais elle avait été incorporée dans le platonisme éclectique auquel le Dialogue avec Tryphon l’attribue. (Test par ce Logos ou voûç et par lui seulement que l'âme peut atteindre Dieu. Justin. Dial., 2. 3. col. 477 B, 481 D sq. ; Athénagore, Legatio, 10, col. 908 B.

c) Dans quelle mesure les apologistes sont-ils restés dépendants du platonisme ? — Il est vrai qu’au début du Dialogue avec Tryphon, tandis que le vieillard parle en chrétien, Justin parle en philosophe : on ne peut donc lui attribuer sans discernement tout ce qu’il dit, puisqu’il joue pour ainsi dire un rôle. Voir art. Justin, t. viii, col. 2253. Mais il faut remarquer que c’est dans tout le Dialogue et non seulement dans le début, c’est aussi dans les deux Apologies qu’une influence excès sive du milieu se fait sentir, surtout dans la manière d’exprimer la transcendance de Dieu, le rôle du Logos, la création.

Il n’est pas facile de démêler ce qui est dû à la formation religieuse ou à la sainte Écriture et ce qui est emprunté à la philosophie. Aussi les avis des critiques sont-ils partagés (à propos des idées de Justin sur Dieu, comparer Pfâttisch, op. cit., p. 28 ; art. Justin, col. 2253 ; Aube, Saint Justin, philosophe et martyr, Paris, 1861, p. 137). Les premiers apologistes gardent du platonisme tout ce qui leur paraît s’accorder avec leur foi. S’ils en ont gardé un peu trop, la raison en est d’abord qu’en ces débuts de la pensée chrétienne le dogme auquel ils croyaient ne se présentait pas encore en ces formules nettes qui avertissent des limites qu’il ne faut pas franchir. L’habitude d' « allégoriser », caractéristique de cette époque et de cette école, ne favorisait pas non plus la précision : on considérait dans les textes moins ce qu’ils disent que ce qu’ils suggèrent ; le champ était ouvert très large aux interprétations subjectives et, comme les apologistes avaient tendance à voir les points de contact plutôt qu'à souligner les oppositions, il n’est pas étonnant qu’on en soit venu à des analogies forcées, à dos rapprochements imprudents, à des exégèses dont leurs auteurs ne voyaient pas toutes les conséquences et qui durent plus tard être abandonnées. Car, si, dans cet effort d’accommodation, le platonisme est souvent travesti, le dogme non plus n’est pas toujours respecté.

2. Le platonisme des premiers alexandrins.

a) On reprochait à Clément d’Alexandrie de citer trop souvent les philosophes grecs ; la défense qu’il présente, non sans une pointe d’ironie, est un aveu. A supposer même, dit-il, que la philosophie soit inutile, s’il est utile de confirmer son inutilité, elle sert encore à quelque chose. En tout cas, il n’appartient pas de la critiquer à ceux qui n’y comprennent rien. Strom.. I. u. Il était, lui, et voulait être disciple non d’une école particulière, mais de la philosophie, de la vraie (c’est contre l’autre que saint Paul a parlé), qui est constituée de ce qu’il y a de bon, aussi bien chez les plato niciens que chez les stoïciens ou chez Philon. Maigre toutes les oppositions, Clément avait foi en cette philosophie ; il lui demandait de mettre sur le chemin ceux qui cherchent et de préparer leurs oreilles à la prédication de l'Évangile ; d’aider, dans l’approfondissement de la vérité révélée, ceux qui la possèdent, et de leur donner des armes pour repousser les attaques de la sophistique. Strom., i, lxxx, xcvii, c ; cf. Camelot, Clément d’Alexandrie et l’utilisation de la philosophie grecque, dans Recherches de science religieuse 1931, p. 541-569.

Eclectique, Clément a pourtant un faible pour Platon, qu’il déclare tout à fait excellent, Pœdag., III, 11, zélateur de la vérité, Strom., V, xii, dont il apparente même la philosophie aux Hébreux, sans doute à cause des analogies où il croyait reconnaître des