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1941

IMKKltK DE LILLE

PIERRE LOMRARD

1942

minorum l. ii, Romé, i ; l921, p. : « : > et 342 ; II. Iluiter, Nomenclator, 3 « éd., t. ii, col. 689-69p.

Am. Teetært.


43. PIERRE LOMBARD, dit le Maître des Sentences, professeur de théologie à Paris, puis évoque de Paris († 1160).
I. Vie.
II. Œuvres(col. 1951).
III. Analyse théologique (col. 1978).
IV. Luttes autour du Livre des Sentences (col. 2003 ;.
V. Conclusion (col. 2015).

I. Vie.

Les événements de la vie de Pierre Lombard n’ont pas été marqués de la notoriété dont a joui son œuvre. Sur la plupart des années de son existence pèse une obscurité profonde, que l’histoire a peine à percer. Elle connaît la date de sa mort, qui finalement a pu être fixée avec certitude au 21 ou 22 juillet 1160, mais celle de sa' naissance demeure toujours inconnue. Son élévation au siège épiscopal de Paris est datée, avec une suffisante précision, de la fin du mois de juin 1159 ; mais son arrivée en France quelque vingt ans avant cela, ses études antérieures à Novare ou à Bologne, le début de son enseignement à Paris et l’apparition de son principal ouvrage, les IV libri Sententiarum, soulèvent des problèmes chronologiques dont plusieurs semblent se dérober à toute solution. Le travail des bibliographes s’est trop souvent contenté de juxtaposer les avis, ©u de répéter celui de leurs prédécesseurs, sans prendre le souci du contrôle critique. Nous donnerons ici les principaux traits de sa carrière connus avec certitude, ou fixés avec une certaine probabilité, et nous indiquerons, au sujet des autres, les principales questions et hypothèses qu’ils suscitent.

Premières années.

Mort en juillet 1160, sacré

évêque une douzaine de mois plus tôt, comme le disent les documents cités plus loin, Pierre Lombard doit avoir vu le jour dans les premières années du xiie siècle ou, au plus tôt, dans les dernières du xie ; car il est difficile d’admettre que l'élection épiscopale de 1159 ait porté au siège de Paris un homme déjà arrivé au seuil de la vieillesse ; mais, d’autre part, l'épithète de venerabilis vir, employée par saint Bernard dans son billet de recommandation, Epist., cdx, P. L., t. clxxxii, col. 619, ne permet pas d’abaisser au-dessous de trente ans l'âge de l'étudiant voyageur arrivé d’outremonts à Reims, puis à Paris ; l’usage médiéval dans l’emploi des mots adolescens, juvenis, etc., oriente dans le même sens. Or, cette première présence de Pierre Lombard en France doit se placer très probablement vers 1136 ou peu après, comme on le dira plus bas.

Sa patrie est sûrement la Lombardie, comme l’indique son surnom de Lombardus, que nous rencontrons très tôt et déjà de son vivant, par exemple chez Gerhoch de Reichersberg, Liber de ordine donorum sancti Spiritus, dans Mon. Germ. hist., Libelli de lite, t. iii, p. 275, lig. 43 ; Liber de gloria et honore Filii hominis, c. xix, P. L., t. cxciv, col. 1143 ; chez Jean de Salisbury, Historia pontificalis, dans Mon. Germ. hist., Script., t. xx, p. 522 ; et chez Gautier Mapes, édit. Wright, The latin poems commonlij attribuled to W aller Mapes, t. xvi, Londres, 1841, p. 28-29 ; chez Arnon de Reichersberg vers 1163, Apologeticus contra Folmarum, édit. W’eichert, Leipzig, 1888, p. 13 ; chez Robert de Torigny, abbé du Mont-Saint-Michel, édit. Howlett, dans The chronicles and memorials of Great Britain and Ircland, t. i.xxxii, vol. iv, Londres, 1889, p. 204, et la Continuatio Beccensis, Id., ibid., p. 323 ; un peu plus tard, avant 1206, Etienne Langton l’appellera souvent Lombardus tout court : in libro Lombardi, etc. : Postillse super Apostolum, Paris, Bibl. nation., lat. 14 447, fol. 276, 282, etc. ; cf. G. Lacombe, Studies on the commentaries of cardinal Slejihen Langton, part. I, dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. v, 1930, p. 57, n. 3, p. 59 ; etc.

On peut la préciser davantage : c’est de Novare qu’il est originaire, comme le dit expressément la chronique

anonyme de Laon vers 1220. Chronicon universale. édit. Cartellieri, Paris. 1909, p. 7, et la mention d’un ms. des Sentences qui remonte au xii c siècle, .Munich. lut. 18 109, fol. Il : renseignement que répètent désor mais les chroniqueurs, comme Jacques d’Acqui, ver*1328, Chronicon imaginis mundi, dans les Monumenta historiæ patrise, Scriptores, t. iii, Turin, 1848. col. 1620 B, Riccobald de Ferrare, vers 1312, Historia imperatorum, dans Muratori, Scriptores rer. ital., t. ix. col. 121 C, et Ptolémée de Lucques, avant 1327, Hist. eccl., t. XX, c. xxvii, ibid., t. xi, col. 1 108. Les efforts tentés, depuis l’humaniste Paul Jove (1552), sur une fausse donnée de ses Hisloriarum sui temporis libri XXXXV, Paris, 1558, t. III, t. i, p. 53 B, en faveur de Lomello ou de Lomellogno (cf. Histoire littéraire de la France, t.xii, 1763, p. 585, n. 1), ont déjà été écartés avec raison par Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana, t. IV, c. xi, t. iii, 1806, p. 298.

Sa famille était pauvre, puisque l'étudiant dut solliciter des secours pour séjourner à l'étranger (lettre de saint Bernard citée ci-dessus) et que sa mère, si les souvenirs des chroniqueurs sont exacts, gagnait péniblement sa vie par son travail de lavandière, voir Jacques d’Acqui et Riccobald de Ferrare, aux deux passages signalés ci-dessus.

De sa parenté avec le canoniste Gratien de Bologne et Pierre Comestor ou le Mangeur, appelé souvent Magister hisloriarum, il n’y a pas lieu de tenir compte : c’est une légende, basée sur le parallélisme des trois grandes œuvres scolaires théologiques du xiie siècle, qui, tardivement, a associé comme trois frères les auteurs de la Concordia discordantium canonum, des IV libri Sententiarum et de V Historia scolastica : intéressant exemple d’une évolution légendaire qui associe d’abord, deux par deux, Pierre Lombard et Gratien (comme chez Aubri des Trois-Fontaines, Chronica. Mon. Germ. hist., Script., t. xxiii, p. 843, Martin de Troppau, Chronicon, ibid., t. xxii, p. 469, et Godefroi de Viterbe, Panthéon, additions, partie, t. xxiii, n. 48, ibid., p. 260), ou Pierre Lombard et Pierre le Mangeur (comme chez Othon de Saint-Biaise, ContinuatioSan-Blasiana de la chronique d’Othon de Freising, n. 12, ibid., t. xx, p. 308, et Vincent de Beauvais. Bibliotheca mundi, t. iv, Spéculum historiale, 1. XXIX. c. i, Douai, 1624, p. 1185), pour les associer ensuite à trois (comme chez les chroniqueurs anglais, tels que Ranulphe de Higden, Polychronicon, t. VII, c. xix, dans The chronicles and memorials of Great Britain and Ireland, t. xli, vol. vii, p. 10 et 12, Jean de Trévise qui le traduit, Polychronicon, 1. VU, c. xix, ibid., p. 10, 12, 13, Henri de Knighton. Chronicon, t. II, c. x, même collection, t. xcii, vol. i, p. 135, Jean de Brompton, Chronicon, dans Twysden, Historiæ anglicanes scriptores decem, t. i, Londres, 1652, p. 1036, et dans les notices littéraires qui encadrent l'énumération des volumes dans le beau catalogue de la chartreuse de Salvatorberg, près d’Erfurt, vers 1477 : Petrus Comestor, frater Graciani et Pétri Lombardi ; voir P. Lehmann, Mittelalterliche Bibliothekskalaloge Deutschlqnds und der Schweiz, t. ii, Munich, 1928, p. 555, lig. 11-12). Finalement, on fait naître les trois frères du concubinage d’un évêque ou d’un prêtre, comme le racontent les c.vempla des prédicateurs, d’après l’information recueillie, par saint Antonin de Florence, Opus excellentissimum ou Chronica, III a pars histor., t. xviii, c. vi, Bàle, 1491, fol. xxiii qui, du reste, l'écarté comme sans valeur : reperitur non esse authenticum. La mère coupable, disaient-ils, éblouie par la gloire de sa brillante progéniture, ne pouvait se résoudre, même à son lit de mort, à se repentir de son péché. C'était supposer à la mère une bien longue survivance. Chez le bibliographe Guillaume Cave, Scriptor. eccles., t. ii, Oxford, 1743, p. 216, la légende s’enrichit encore d’un nouvel