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PÉCHÉ. DISTINCTIOiN NUMÉRIQUE

la sainte nourriture. Au contraire, d’une absolution à l’autre, il n’y a pas de suite essentielle ; chacune d’elles constitue de la part du prêtre un acte ayant son objet complet et adéquat. Aussi, les péchés dû confesseur, dans le cas supposé, se multiplient-ils selon Je nombre des absolutions données.

Par rapport au même objet adéquat de moralité, les péchés sont susceptibles de multiplication ; il y en a autant que d’actes volontaires moralement interrompus. Un acte volontaire a été interrompu qui n’a persévéré ni formellement, ni virtuellement. La règle en est constante. Mais quand un acte volontaire ne persévère-t-il en aucune de ces deux manières ? C’est quand on l’a expressément révoqué, quand on l’a volontairement cessé ; les deux cas sont clairs..Mais il advient que l’on cesse involontairement d’agir, du fait de causes ou circonstances étrangères à la volonté et qui interrompent l’action ; dira-t-on, en ce cas, que l’acte recommencé l’est en vertu d’une volonté nouvelle ? On le dira, si l’acte en cause est purement intérieur, en sorte qu’H n’y ait aucun lien nécessaire entre le premier et le second. On ne le dira point, si l’acte en cause est purement extérieur, en sorte qu’il poursuive ou complète l'œuvre même que le précédent avait commencée. Si l’acte en cause est un acte intérieur ordonné à un acte extérieur, comme le propos de voler, son renouvellement, après cessation involontaire, ne constitue pas un nouveau péché, ces différents désirs étant ordonnés au seul et même acte où ils doivent trouver leur assouvissement.

On prendra garde que la multiplication numérique des péchés ne mesure pas exclusivement la culpabilité du pécheur : la gravité réunie de plusieurs péchés peut le céder à la gravité d’un seul, et dans la même espèce. La multitude des actes volontaires et l’intensité de la volonté ne sont point proportionnelles. Pour le détail des cas, voir les manuels de théologie morale, au traité du péché ou au traité de la pénitence. Pour une étude doctrinale, voir spécialement les Salmanticenses, Cursus (heologicus, tract. De peenitentia, disp. VIII, dub. ni, édit. cit., t. xx, p. 250 sq.


IV. Les péchés comparés entre eux.

Les péchés se distribuent selon des espèces diverses. Il se pourrait « pie celles-ci fussent organisées de manière à ne former qu’un seul système, ainsi qu’il advient aux vertus qui n’existent pas en régime indépendant. Il se pourrait du moins que les péchés, divers et indépendants quant à leurs espèces, fussent égaux dans la privation qu’ils infligent. D’où les deux recherches distinctes que nous entreprenons sous le titre général des péchés comparés entre eux : 1° les rapports des péchés entre eux ; 2° l’inégale gravité des péchés.

1° Rapports îles péchés mire eux. Comme les

vertus sont connexes entre elles, il serait assez naturel rie rechercher si les vires ne le sont pas. Mais la théologie sans doute eût moins insisté sur ce point sans le texte célèbre de saint Jacques qui, au rebours du sentiment commun, semble rendre l’auteur d’un seul péché coupable de tous les péchés : Quicumque lolam legem servaverit, oflendat autem in uno, factus est Wimium reus. Jac, ii, 10. Ce versel a beaucoup troublé Mlnt Augustin, au point qu’il consulta à ce sujel saint Jérôme, non sans trahir son émoi, EpisL, ex xvii, /'. /… |. XXXIII, col. 733 sq. P, Lombard

i transmis aux théologiens médiévaux la question de saint Augustin avec la solution que ie Père proposait /// Sent., dist. X |.

Une théologie systématique, comme est celle de Mini Thomas, peut traitei ce poinl comme il suit. Xnl "' ' i l’intention du v< rtueux, autre celle du p< cheiir, par rapport à la raisin. Le premier entend se conformer à la raison, « i |e sou< i de mesurer son ai lion m < ette règle lui dicte sa conduite. Don la connexion

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de toutes les vertus, préposées aux actes divers de sa conduite, en cette vertu de la droite raison qui est la prudence. Le pécheur ne se propose point de se détourner de la raison, mais bien plutôt de poursuivre quelque bien, lequel est l’objet propre de son acte au point de conférer au péché son espèce. Il n’y a donc pas lieu de faire procéder tous les péchés d’une sorte d’imprudence foncière ; s’il y a entre eux quelque connexion, elle doit être cherchée du côté du bien qui est l’objet de l’intention volontaire. Or, y a-t-il là quelque unité? Certains thèmes célèbres de la littérature chrétienne le feraient d’abord penser, telles les antithèses augustiniennes : l’amour de Dieu faisant la cité céleste, l’amour de soi faisant celle de la terre De cio. Dei, XIV. xxviir, P. L., t. xli, col. 436 ; cf. Enarr. in ps. lxiv, t. xxxvi, col. 772 sq. Mais ces formules ne peuvent dérober à l’analyse la dissemblance des deux cas. Il est vrai que l’amour de Dieu opère l’unité de tous nos appétits du bien ; mais l’amour de soi n’opère pas l’unité de tous nos appétits du mal. Car aimer Dieu, c’est aimer cet objet qu’est Dieu ; s’aimer soi-même, c’est aimer comme objet tout ce qui pourra convenir à soi. Aimer Dieu, c’est aimer Dieu lui-même ; s’aimer, c’est aimer quelque autre chose en faveur de soi-même. Or, pour qui ne s’est pas fixé au bien absolu, la multitude des biens changeants séduit successivement son amour. Il n’y a pas de rapport nécessaire entre ce qu’il aimait hier et ce qu’il aime aujourd’hui. La séduction qu’il a subie d’un bien ne le rend pas insensible à quelque bien nouveau, qui est avec le premier sans commune mesure. Le pécheur est en proie à la multiplicité. Et cette douloureuse condition de sa vie, recedendo ab unitale ad muililudinem (Sum. theol., I a -Il^, q. lxxiii, a. 1), est du moins le signe qu’en faisant un péché il ne se rend pas coupable de tous les autres

Mais qu’advient-il en cette théologie du texte de saint Jacques ? Saint Thomas l’entend ex parle aversionis. L’apôtre enseigne, explique-t-il, que l’homme, en commettant un péché, s'écarte d’un commandement de la loi ; or, tous les commandements viennent d’un seul et même auteur, aussi le même Dieu est-il offensé dans tous les péchés. Et comme la peine du péché vient de ce qu’on y a offensé Dieu, on peut dire justement qu’un seul péché rend digne de la peine attachée à tous les péchés : omnium reus (ibid., ad lum). En somme, quel que soit le péché commis, et tout en n’encourant la culpabilité que d’un seul péché, le pécheur a offensé le même Dieu qui es1 offensé en tous les péchés : el de l’offense de Dieu vient qu’il est soumis au châtiment, Cette interprétation du théologien scolas liquc n’est point sans parenté avec celle que découvrait déjà saint Augustin : il y a, en tout péché, ce point commun qu’il est contraire à la charité, don dépend toute la loi : par là. il se rend coupable contre toute la loi puisqu’il offense le principe qui la contient floe. til.). L’exégèse moderne se rencontre, pour le principal, avec ces vénérables témoignages. L’objet de saint.la..pies est de faire sentir aux Juifs, ses correspondants, la gravité d’une seule faute, puisque, par cette faute, c’est la loi qui est atteinte, la même loi qui prohibe tous les péchés ; aussi, au %. 11. conclut il. non pas que Ton a commis <vu.rimes, mais que I on a transgressé la loi. Du reste. le rap inocliement que l’on peut faire entre le y. lu de saint Jacques et la littérature juive invite à voir dans l’es pression de l’apôtre, moins renoncé- d’un fin Idéal qu’un procédé juif d’amplification pour mettre en

relief la gravité d’un.- tauie.i Chaîne, L'épttre de

latnt JacqtUS, Paris. [927, p. 52. On retiendra.1. explications que le texte inspire ne saurait autoiin

ie qu’on appelle une connexion « les péi lies, mais qu’il

se prêt* a signaler les conditions privative ! dont est