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PÉCHÉ. LE PÉCHÉ D’OMISSION


nant tout ce qu’il y a de positif dans l’acte humain, le formel comme ne signifiant que la privation. Aussi bien n’est-ce pas un empêchement pour les thomistes que nous avons suivis. Ces dénominations s’entendent sur le plan du mal absolu. De plus, même dans le genre moral, on conçoit que la privation soit appelée formelle, puisqu’elle survient et achève, sans être toutefois constitutive ; ainsi, dans l’ordre du bien moral, saint Thomas appelle-t-il « acte formel de charité » et « acte matériel de tempérance » un acte de cette dernière vertu accompli pour l’amour de Dieu, lequel, cependant, est spécifiquement un acte de tempérance (cf. Salm., loc. cit., n. 56). Tout ceci donc sans insister sur les deux quasi qui, dans l’article, semblent concerner la transposition de ces dénominations de forme et de matière du plan de la substance, où elles se disent proprement, à celui de l’action. Où l’on trouve, comme nous l’annoncions, l’exemple d’une interprétation, à la fois fidèle et progressive, de l’idée que saint Thomas s’est faite du péché.

Nous avons cité déjà les principaux des théologiens thomistes défenseurs de cette thèse. On peut y ajouter, entre autres, Capréolus, le Ferrarais. Bancs, Gonet. Contre elle, les plus notables sont Sylvius et Contenson. On en peut voir la liste dans Billuart, Summa S. Thomœ…, tract. De peccatis, diss. 1, a. 3, avec les différences remarquables qui distinguent certains partisans de la même thèse. Cet article de Billuart présente un aperçu très bien informé et très bien ordonné de l’une et de l’autre opinion : l’un des meilleurs morceaux de ce manuel excellent. Pour lui, il évite de choisir entre les deux extrêmes : il tente seulement quelque part de réconcilier les combattants : en vain, nous semble-t-il, comme toujours. Mais pourquoi s’avise-t-il de conclure son précieux exposé par une anecdote qui n’est digne ni de lui, ni d’aucun théologien ? On raconte, dit-il. que Simon le Magicien ayant un jour interrogé saint Pierre à Borne dans une dispute solennelle : Qu’est-ce que le péché? Est-il une nature positive ou seulement une privation ? l’Apôtre, méprisant sa question, lui répondit : « Le Seigneur ne nous a point commandé de rechercher la nature du péché, mais d’enseigner de quelle manière il le faut exiler. » Les théologiens modernes, cependant, semblent se rallier volontiers à l’avis de saint Pierre ; et le mystère d’iniquité « suscite en eux d’ordinaire plus d’effroi que d’analyse. Rendons hommage néanmoins à L. Billot qui, dans son traité De personali et originali peccalo, semble incliner vers la malice positive comme constituant le péché actuel. l a p., C. I.

Réfléchissant sur l’analyse jusqu’ici conduite, on observera combien le péché, tel que l’obtient une théologie achevée, est chose complexe et prêtant à confusion. Qu’on y distingue soigneusement l’acte bumain en mi ((institution physique ; le même acte

humain comme contraire à la règle des îiKiurs : la privation dont il soutire par suite de cette contrariété. Et qu’on observe que le mot de conversion, qui recouvre le plus souvent les deux premiers membres de cette division, peut aussi ne s’applique ! qu’au premier ; surtout que les mots de désordre et même d’aversion, par lesquels toujours est désigné le troi lième membre conviennent aussi au second : désordre cl aversion par contrariété, comme le troisième l’est

par privation. Celle-ci n’est Jamais qu’indirectement ci accidentellement voulue ; l’objet de l’acte l’est directement et immédiatement encore faut M v

discerner s ; i bonté réelle et sa condition d'être diSCOl

dant a In règle, celle-ci n'étant voulue que secondaire ment, celle là principalement. Des trois membres de Cette division, le second, on le comprend, est celui qui prête davantage à méprise il le faut donc lingu lièrement observer.

Le péché d’omission.

La structure du péché,

telle que nous l’avons jusqu’ici obtenue, n’est pas applicable de tout point au péché d’omission.

Qu’il y ait des péchés d’omission, c’est-à-dire excluant au moins tout acte extérieur, les théologiens n’en ont jamais douté. Mais leur soin a porté sur la constitution de ce péché où, comme bien l’on pense, ils ne sont pas d’accord. Ne comporte-t-il absolument aucun acte ? De toute façon, il faut découvrir l’endroit par où vient à l’omission sa culpabilité. Saint Thomas, qui trouvait chez ses prédécesseurs et ses contemporains les deux opinions défendues, propose en cette matière des discernements qui nous fassent retenir la vérité de l’une et de l’autre. I a -II : r, q. lxxi, a. 5.

()n peut considérer le péché d’omission en lui-même : en ce cas, il arrive qu’il comporte un acte intérieur de volonté : lorsqu’on veut ne pas faire un acte requis : mais il arrive aussi qu’il ne comporte absolument aucun acte : lorsqu’au moment où l’on est tenu de faire un acte, on n’y songe même pas. Mais on peut considérer le péché d’omission en ses causes et occasions : et, en ce cas, il suppose nécessairement un acte, au moins un acte intérieur de volonté. Car il n’y a péché d’omission que lorsqu’on omet ce que l’on peut et doit faire. Or. que l’on en vienne à ne pas faire ce que l’on pouvait accomplir, cela tient à une cause ou occasion, simultanée ou antérieure. Il est bien vrai qu’une telle cause peut n'être pas au pouvoir de la volonté et ne comporter aucun acte de la part du sujet : comme lorsque l’on se trouve empêché par une tempête violente de se rendre où le devoir l’eût demandé : mais aussi bien n’y a-t-il en ce cas aucun péché d’omission. Celui-ci n’a lieu que dans le cas où la cause ou occasion était au pouvoir de la volonté : il suppose donc au moins l’acte par quoi la volonté a consenti à (elle cause ou occasion. Cependant, dira-t-on dans tous les cas que l’acte relatif à la cause ou occasion appartient au péché d’omission lui-même ? Un dernier discernement est ici nécessaire. Ou bien, en faisant cet acte, on vise directement l’omission elle-même : je veux éviter la fatigue d’aller entendre la messe (seul acte intérieur) ; je veux accomplir ce travail, dont je sais qu’il m’empêchera d’aller à la messe (acte intérieur et acte extérieur). Alors cet acte ou ces actes, qu’ils soient antérieurs ou simultanés à l’omission, appartiennent par soi à l’omission, car la volonté de quelque péché appartient par soi à ce péché. Le volontaire étant essentiel au péché, l’n tel péché d’omission ne va donc pas sans acte. Mais il advient aussi que l’on pose ce qui sera la cause ou l’occasion d’un péché d’omission sans que l’on songe le moins du monde a l’omission qui doit suivre ou même accompagner un Ici acte : l’omission échappe à l’intention. En ce cas. elle est accidentelle par rapport à l’acte qui l’a causée et. comme il faut juger des choses selon ce qui leur convient par soi et non selon ce qui les concerne par accident, il Vaut mieux dire qu’en ce cas le péché d’omission ne comporte aucun acte. Autrement, à l’essence des autres péchés aussi il faudrait rattacher les actes et occasions qui les entourent : ce qu’on ne fait pas.

i.es analyses révèlent trois typés de péchés d’omission : on veut l’omission même : on veut directement

l’omission dans sa cause ; on veut un acte qui se trouve devoir causer l’omission. Les théologiens n’ont guère douté que le péché d’omission ne se vérifiât dans les trois cas II est notoire dans les deux premiers ; mais il n’est pas moins assure dans le troisième, étant bien

entendu que je pouvais me rendre compte en posant mon acte qu’il m’empêcherait d’accomplir mon devoir Les théologiens mêmes qui nient que l’omission, dans

OÙ elle a lieu quand il n'était plus au pouvoir du sujel (le l'éviter, d’ailleurs par sa Faute (par exemple.