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PH1LARÈTE DHOZDOY. DOCTRINE

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chlsme détaillé n’était pas une œuvre privée, mais un ouvrage officiel, que le Saint-Synode avait fait sien ?

Mais dans cette rédaction même il s’est ingénié, par des expressions équivoques, par des réticences calculées, par de simples insinuations, à laisser la porte ouverte aux doctrines qui lui étaient chères. Donnons un exemple typique.

Nous avons vu plus haut avec quelle insistance il a enseigné que l’Écriture sainte était l’unique source de la révélation. Obligé, conformément à la Confession orthodoxe, de joindre à l’Écriture cette autre source qui s’appelle la tradition, il a sans doute attribué à celle-ci la priorité, mais une priorité purement historique. La primauté véritable, au point de vue du contenu révélé, il a continué à la donner à l’Écriture. Cela n’est pas dit clairement, mais simplement insinué dans le catéchisme. A la question : Faut-il garder la sainte tradition même lorsque nous avons la sainte Écriture ? il est fait la réponse suivante : « Il faut garder la tradition conforme à la révélation divine et à la sainte Ecriture, comme l’enseigne elle-même la sainte Écriture. » II Cor., ii, 15. Ces paroles sont équivoques. Elles peuvent signifier : « Il faut garder la tradition, qui, en tant que source de la révélation, est nécessairement conforme à l’Écriture, c’est-à-dire, ne la contredit pas, bien qu’elle puisse fournir des données nouvelles, qui ne se trouvent pas dans l’Écriture », ou bien : « Parmi les traditions, il ne faut garder que celles qui sont conformes à l’Écriture, c’est-à-dire, celles qui sont contenues dans l’Écriture. » En fait, c’est cette seconde interprétation qui répond à la pensée personnelle de Philarète. Il s’est expliqué là-dessus clairement dans ses autres écrits postérieurs au catéchisme de 1839. Dans un rapport au Saint-Synode daté du 29 avril 1840, il écrivait : « Dans le symbole de Nicée-Constantinople aucun changement n’était nécessaire, attendu que n’a pas changé la sainte Écriture, de laquelle les Pères des conciles ont tiré la doctrine de la foi, et de laquelle nous aussi nous sommes obligés de la tirer. » Mniéniia, t. iii, Pétersbourg, 1885, p. 13. Dans un autre rapport, daté du 28 décembre 1844, ibid., p. 128, il parle plus obscurément : « L’enseignement de) la sainte Écriture est expliqué par la tradition, c’est-à-dire par les définitions des conciles et les interprétations des saints Pères. A son tour, l’enseignement de la tradition doit être conforme à la sainte Écriture. Ainsi ont pensé et agi les saints conciles et les saints Pères. » Mais, en 1859, revisant son opuscule sur les différences entre les Églises, à la remarque citée plus haut, col. 138(5, où il déclare qu’une tradition qu’on ne peut découvrir dans l’Écriture ne saurait être un article de foi, il a ajouté ces mots : « D’ailleurs la tradition doit être reçue comme une source auxiliaire de la doctrine chrétienne, non pas séparément de l’Écriture sainte, mais conjointement avec elle. » C’est bien là, du reste, le rôle secondaire qu’une autre réponse du catéchisme, faisant suite à la précédente, attribue à la tradition. A la question : A quoi est utile la tradition même maintenant ? on répond : « Elle est un guide pour l’intelligence correcte de la sainte Écriture, pour l’administration exacte des sacrements et pour la conservation des saints rites dans la pureté première de leur institution. »

D’autres luthéranismes sont restés dans le Catéchisme détaillé. Signalons : 1. L’exclusion des livres deutéro-canoniques de l’Ancien Testament du canon scripturaire (les deux premières éditions du catéchisme ne donnaient pas la liste des Livres saints) ; 2. Le silence complet sur le caractère sacramentel : S. La manière ambiguë dont il parle du sort de ceux qui meurent dans la foi sans avoir fait de dignes fruits de pénitence.

Si nous quittons le catéchisme pour examiner ses

autres écrits, nous trouvons d’autres témoignages plus explicites de sa fidélité à l’enseignement donné dans les séminaires et les académies ecclésiastiques avant l’arrivée de Protasov. fin 1838, chargé de traduire en russe le texte grec de la Lettre des patriarches ou Confession de Dosithée, il fait subir au document, envoyé aux Pusses en 1 723 par les quatre patriarches d’Orient comme l’exposé de l’orthodoxie, des retouches et des suppressions importantes : 1. Il supprime un passage de l’article 1 1 sur les effets du péché originel ; 2. A l’article 16, Dosithée enseigne que le baptême imprime un caractère ineffaçable, tout comme le sacerdoce, &a~zç. y.y.i r t [epcixrtWlf). Philarète saute : tout comme le sacerdoce ; 3. A l’article 18, Dosithée, énumérant les œuvres pénales par lesquelles le pécheur repentant et absous satisfait à Dieu pour ses péchés, dit que l’Église catholique a désigné à bon droit, dès l’origine, ces œuvres par le mot de satisfaction, [xavonoÎ7]oiv. Le mot satisfaction sonne mal aux oreilles de Philarète, et il change le texte original en celui-ci : ce que l’Église catholique, dés l’origine, déclare être agréable à Dieu ; 4. Au même article, là où Dosithée affirme que les défunts de la troisième catégorie ( = ceux qui sont morts dans la foi sans avoir eu le temps de satisfaire pour leurs péchés) savent qu’ils seront délivrés un jour des enfers. Philarète change le mot délivrance en celui de soulagement ( obleglchénié) ; 5. A la première question : Faut-il que tous les chrétiens indistinctement lisent la Bible ? Dosithée répond par un non catégorique, et il l’explique. Philarète supprime la négation et falsifie l’explication de l’auteur. G. Enfin, Philarète supprime en entier la troisième question, où le patriarche de Jérusalem enseigne que l’Église catholique reçoit comme canoniques et inspirés, au même titre que les autres, les livres deutéro-canoniques de l’Ancien Testament.

A part quelques légères variantes, le texte grec de la Confession de Dosithée, qui fut publié en 1840 par ordre du Saint-Synode, concordait non avec l’original, mais avec la traduction russe de Philarète. Aussi, dans un rapport sur la doctrine du caractère indélébile du sacerdoce adressé, le 22 juin 1860, au comte A. -P. Tolstoï, procureur du Saint-Synode, Philarète. usant d’une restriction mentale un peu forte, à moins qu’il ait manqué de mémoire, pouvait écrire : « Dans l’exposé de la foi des patriarches d’Orient de 1723, du saint baptême il est dit qu’il imprime un caractère ineffaçable. Mais on n’y trouve rien de semblable au sujet du sacerdoce. » Mniéniia, t. iv, Moscou, 1886, p. 481. Disons, à ce propos, que le silence du métropolite de Moscou sur la doctrine du caractère sacramentel dans la dernière rédaction du catéchisme équivaut, dans son esprit, à une négation de cette doctrine non seulement pour le sacerdoce, mais aussi pour le baptême et la confirmation. Cela ressort clairement du rapport adressé au comte Tolstoï, loc. cit., p. 478-482, et aussi d’autres rapports et réponses : Cf. ibid., p. 496-501, 517-533, 569-572. Cf. aussi la Lettre au procureur du synode, datée du 28 décembre 1844, Mniéniia. t. m. p. 132, où notre théologien est heureux de rappeler . que la Confession orthodoxe enseigne la reconfîrinatioii des apostats, doctrine inconciliable avec l’existence d’un caractère indélébile, et cela malgré la pratique de l’Église russe qui, depuis 1767, ignore la reconfirmation des apostats.

Ce n’est pas tout. Dans la même lettre du 28 décembre 1844. loc. cit., p. 133-135, Philarète ne craint pas de prendre là défense des anciens manuels de théologie, insérés par lui dans le statut des académies et séminaires en 1814, à savoir la Théologie de Théophane Procopovitch, celle d’Irénée Falkovskii, celle de Joachim Karpinskii, celle de Théophylacte Gorskii, celle du métropolite Platon. C’est à peine s’il fait quelques réserves sur Théophylacte Gorskii. celui des