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PHILARÈTE DROZDOV. VIE


branche de la dogmatique. Il réussit en tout, et aux succès du professeur s’ajoutent ceux du prédicateur. Aussi, dès le 30 juin 1811, il reçoit du tsar Alexandre I er sa première décoration et, le 8 juillet suivant, il est promu à la dignité d’archimandrite. Les autorités ecclésiastiques et civiles de la capitale ont déjà les yeux sur lui. Son ascension aux plus hautes charges va se poursuivre sans répit.

Dès juillet 1811, il est associé à l’œuvre de réorganisation des séminaires et écoles cléricales des districts de Pétersbourg et de Moscou. La charge de recteur de l’académie ecclésiastique de Pétersbourg, qui lui est confiée, le 1 1 mars 1812, lui fournit l’occasion d’appliquer sur place ses projets réformateurs. Les règles qu’il établit servent de modèle aux autres académies. Le statut académique de 1808 est revisé et modifié par lui en 1814. Son titre de recteur, qu’il cumule bientôt avec celui de supérieur du monastère de première classe de NovgorodIouriev et celui de membre-assistant du Consistoire ecclésiastique de Pétersbourg, ne le soulage pas de ses obligations de professeur de théologie. Il travaille, au contraire, plus que jamais à la préparation de ses leçons et, durant la période 18121817, compose plusieurs manuels et opuscules théologiques. En 1814, la commission des écoles cléricales lui décerne le titre de docteur en théologie, et le tsar, après l’avoir décoré de l’ordre de Saint-Wladimir, lui alloue une pension annuelle de 1500 roubles. A partir de 1816, de nouveaux titres, de nouvelles charges, qu’il serait fastidieux d’énumérer, continuent à pleuvoir sur lui. Ces titres sont si nombreux qu’on aurait peine à en croire ses biographes, si l’on ne savait que la Russie autocratique était le pays par excellence des commissions, des comités, en un mot de la bureaucratie la plus développée.

En 1817, commence la carrière épiscopale de Philarète. Sur la proposition du métropolite de Pétersbourg, Ambroise, il est d’abord nommé évêque-vicaire de l’éparchle de Pétersbourg avec le titre de Revel. Le métropolite le consacre lui-même, le 5 août de cette année. Deux ans après, le 15 mars 1819, il passe au siège archiépiscopal de Tver et devient en même temps membre du Saint-Synode. Membre du synode, Philarète le restera désormais jusqu’à la fin de sa vie, bien que, sous l’administration du procureur Protasov, il doive s’éloigner, durant de longues années, de la capitale (18-13-1855) et ne participer que de loin aux affaires. Il était à peine installé à Tver qu’un oukaze impérial, daté du 26 septembre 1820. le transférait au siège de Iaroslav. L’année suivante, un nouvel oukaze fixait enfin sa résidence définitive a Moscou (2 juillet 1821), avec le titre d’archevêque, changé, le 22 août 1820, en celui de métropolite.

Le diocèse de MOSCOU, l’un des plus importants de Russie, trouva en lui un pasteur modèle, axant l’œil ouvert sur tous les besoins spirituels et même temporels de son troupeau. Il veilla spécialement à la bonne formation du clergé, et on le vit plus d’une fois faire passer lui même les examens aux étudiants du séminaire ou de r tcadémie ecclésiasl Ique. Prédicateur élu quent, c’est, Moscou qu’il prononce ses meilleurs ser

mous. En même temps, il se préoccupe de ce que les Musses appellent la mission intérieure i, c’est-à-dire de la conversion des rascolntks ou gehismatiques, par ticulièrement nombreux dans le diocèse. Par la parole,

par la plume, par îles mesures que ses biographes qualifient de sages », il essaie de les ramener dans le

giron de ri. lise officielle.

Mais le diocèse de Moscou ne suffit pas a absorber son activité dévorante. Elle déborde sur la Russie entière pour ce qui regarde non seulement l’Église, mais aussi l’Etat. Paiement on il un homme exi dans son pays une influence aussi forte et aussi univer DI) 1. m im’.oL CATBOLi

selle. On peut dire, sans exagération, que, pendant près de cinquante ans, Philarète fut l’oracle écouté de la Russie. Nulle affaire importante ne se traita, soit dans l’Église, soit dans l’État, sans qu’il ait été appelé à donner son avis, qui fut souvent la décision finale. Pour ce qui regarde en particulier les questions théologiques ou canoniques, c’est lui qui en a été l’arbitre, sauf en certains cas, où le procureur Protasov lui a imposé sa volonté de fer. Toutes les affaires importantes traitées au synode passèrent par ses mains, même pendant sa longue, retraite à Moscou (18431855). Dans la question de l’union en masse des uniates de Pologne à l’Église russe (1833-1839), son rôle, sans avoir été de premier plan, fut cependant important et il a sa part de responsabilité dans cette criante iniquité. Cf. A. Roudou, Le Saint-Siège et la Russie. Leurs relations diplomatiques au XIXe siècle ( 18 1$1-$2847), Paris, 1922, p. 217-218. Voir aussi la réponse de Philarète sur les plaintes du clergé catholique contre les agissements du clergé russe à l’égard des uniates, dans le Recueil des avis et réponses ( Mnic’niia i otzyvy) de Philarète par Sabbas, archevêque de Tver, t. iii, Pétersbourg, 1885, p. 48-51. Deux réponses de lui, datées de 1838, traçaient le plan à suivre pour l’incorporation de l’Église unie à l’Église officielle. Op. cit., t. ii, p. 442451. S’il donne quelques conseils de modération, c’est pour arriver plus sûrement au but recherché par le gouvernement russe. Pas plus que les uniates catholiques, les rascolniks russes n’ont à se féliciter de notre prélat. Plusieurs des articles du code russe dirigés contre eux sont dus à sa plume. La rédaction de l’acte d’émancipation des serfs, promulgué par Alexandre II le 19 février 1861, lui fait plus d’honneur.

Au cours de sa longue carrière, cet homme heureux eut pourtant ses heures d’épreuve. Il rencontra sur sa route des adversaires, qui contrecarrèrent ses projets et ses idées. Affilié dès 1814 à la Société biblique russe, en compagnie des principaux prélats russes, il étail un chaud partisan de la traduction de l’Écriture sainte en langue vulgaire. Dans la première édition de son Catéchisme, parue en 1823, il eut l’audace de traduire en langue russe le Credo, le Pater, le Décalogue et les textes de l’Écriture sainte, contrairement à l’usage de ne se servir, pour ces textes, que du slavon liturgique. Cela suffit à déchaîner contre lui les adversaires de la Société biblique, qui venaient de triompher par la chute du prince Golitsyne et l’arrivée au pouvoir de l’amiral A. G. Chiskov. Le Saint-Synode, qui avait cependant approuvé le Catéchisme, dut en arrêter la diffusion, en attendant une nouvelle rédaction.

C’est encore à l’occasion de la traduction des Livres saints qu’un nouvel orage fondit sur notre prélat, en 1842, et le força à demander son renvoi dans son diocèse. Les élèves de l’Académie ecclésiastique de Pétersbourg avaient lithographie en cachette et fait circuler là traduction russe de certains livres de l’Ancien les taillent. L’affaire fut portée au synode et y fit scandale. Protasov, dans un rapporf au tsar, en profita pour décrier l’ancienne formation académique, dont Philarète avait été le principal champion et initiateur en I SI 1. Pour comble de malheur. Philarète lui-même, dans le rapport qu’il adressa à Séraphim. métropolite de Pétersbourg, conseilla une revision du texte slave de l’Écriture. Séraphim. qui avait déjà conçu des soupçons sur l’orthodoxie de son confrère de Moscou. vit dans sa proposition l’intention de ressusciter en Hussie la défunte Société biblique. C’en fut assez pour

déterminer Philarète a demander son congé. La sup plique, appuyée par Protasov, qui ne demandait pas

mieux, fut aussitôt agréée par le tsar.

Après la mort de Nicolas I" et de ProtaSOV, notre métropolite prit sa revanche sur cette question de la

traduction de la Bible eu langue vulgaire, Profitant

T. — X 1 1 — Il