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    1. PETAU (DENYS)##


PETAU (DENYS). OPINIONS PARTICULIÈRES

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Cano avait prêché la nécessité de ce changement de iront ; licllarmin s’y était appliqué dans ses Controverses ; Maldonat l’avait entrepris dans des leçons de théologie qu’il avait inaugurées au Collège de Clerinont ; Petau réalisa ce programme et c’est de ce point de vue que doit être déterminée la place de ses Dogmata theologica dans l’histoire de la théologie. Ils mettent à la portée des théologiens scolastiques ce qu’un trop grand nombre d’entre eux ignorent et négligent d’étudier : les sources et les principes premiers de leur science. La preuve y est faite de la possibilité et des avantages d’un enseignement fondé directement sur l’Écriture et la tradition. C’est, observe l’etau lui-même (c. ix, 9), ce que recherchent avant tout les esprits cultivés ; mais c’est aussi, il le note également, le moyen le plus sûr de parer aux attaques qui sont ou seront faites contre la doctrine actuelle de l’Église au nom de la fidélité aux doctrines primitives du christianisme.

Et tel est bien, en effet, son grand mérite : il a ouvert la voie à une théologie plus sobre de spéculation et plus nourrie d’histoire. Dans ce genre, il a été vraiment un initiateur. L’insinuation de Martène et Durand, en 1717, qu’il aurait « tiré ses Dogmes théologiques de certains traités de théologie positive écrits par le cardinal Oregio », en se bornant à « mettre tout au long les passages des Pères, des conciles et des auteurs ecclésiastiques que ce cardinal s’était contenté d’indiquer dans les marges de son ouvrage » ( Voyage littéraire de deux religieux bénédictins, I re part., p. 147) parut, dès le moment même où elle se produisit, procéder sinon d’un pur esprit de dénigrement, tout au moins d’une comparaison par trop rapide et superficielle de deux ouvrages dont on peut dire tout au plus que les titres et les divisions principales ont quelque ressemblance. Mémoires pour l’hisl. des sciences et des beaux-arts, Trévoux, juillet 1718, p. 109-133. Mieux informé, l’oratorien Thomassin, qui, lui, marcha sur les traces de Petau, s’est plu, au contraire, à lui rendre justice : Magnum primus omnium et longe pulcherrimum opus adgressus est Dionysius Petavius… priscam illam et patriliam Ecclesiæ theologiam mandare litleris, et in paucos theologicorum dogmatum lomos congerere tolam sanctorum Patrum atque generalium synodorum opulentiam. Tantse molis operi excogilando, adoriundo, perpoliendo, profligando unus par erat Petavius, erudilorum, non sui tantum sévi, sed plurium rétro sœculorum facile princeps, et lum humanas tum sacras disciplinas omnes immensa quadam ingenii vi ita complexus ul non facile quisquam harum lam prolixe hauriat singulas quam Me exhausit universas…

Virum clarissimum et sine excmplo maximum, qui magnitudine et fulgore splendidissimarum omnis generis lucubrationum adhærescenlem semper summis oppressit tandem invidiam, desponste justœque pars aliqua gloriæ deslituerel, si lam nemo illum imilaretur quam neminem Me habuil quem imitari possel. Maximum hoc in Mo fuerit, quod cujus operis primus author exstitit, in eo sit et perfeclissimus. Dogmata theol., De incarnatione, præf., 1-2.

Ces quelques lignes d’un imitateur et d’un émule disent tout. L’invidia, qui s’attaque aux plus grands et dont Petau mit du temps à triompher, fait allusion à l’insuccès premier des trois tomes des Dogm. theol. publiés en 1644. Ils ne s’écoulèrent pas. Tout se conjura pour les faire passer inaperçus. Ils parurent au moment où sévissait la querelle soulevée par le livre de la Fréquente communion. En même temps que les partisans d’Arnauld, l’université de Paris s’acharnait à ce moment-là même contre la Compagnie de Jésus ; elle s’obstinait, en particulier, à interdire l’accès des grades académiques aux étudiants de ce Collège de Clêrmont où enseignait et travaillait Petau. Voir Fou queray, op. cit., t. v, p. 241-248. Son grand ouvrage souffrit d’abord de cette irritation des esprits et de cette coalition de haines. Il fallut les applaudissements de l’étranger pour encourager l’éditeur Cramoisy a publier, en 1650, les deux volumes du t. iv. Mais, dès lors, le succès fut universel, et les éditions qui se succédèrent en attestèrent la durée.

Il lui vint aussi, observe Thomassin, la consécration des imitateurs : la voie ouverte par Petau fut suivie. Quelques années après sa mort, l’oratorien Jean Morin publiait le De disciplina in administratione sacramenti pœnitentiæ, qui s’inspirait des mêmes principes. Thomassin lui-même, en 1680, eu reprenant le titre même de Petau (Dogmata theologica), se faisait gloire de marcher sur ses traces. En 1700, le P. Annat, de la Doctrine chrétienne, publiera un Apparatus ad positivam theologiam methodicus. C’est dans tout l’enseignement théologique, peut-on dire, que se fait sentir alors cette influence de Petau. Les preuves positives y occupent une plus large place. Des auteurs classiques, comme Tournely, Billuart, les théologiens de Wurzbourg, éprouvent le besoin d’ajouter à leurs disputes ou dissertations proprement scolastiques des dissertations historiques ; ces éléments disparates forment un amalgame plus ou moins heureux ; mais hommage, tout au moins, est ainsi rendu au principe efficacement rappelé par Petau d’une théologie se fondant sur les données de l’Écriture et de la tradition. Cet hommage s’atténue quand la théologie, exclue des universités, se cantonne dans les séminaires ou dans des scolasticats plus ou moins fermés : l’enseignement élémentaire d’une science n’en comporte guère l’histoire. Le mouvement créé par Petau ne s’interrompit totalement, toutefois, qu’au moment où, sous prétexte d’un retour à la plus pure scolastique, on s’estima dispensé, en théologie, d’établir la preuve positive du dogme. Mais le danger reparut vite, alors qu’aux théologiens totalement insouciants de l’histoire s’opposaient, jusque dans l’Église, des historiens totalement affranchis de la théologie et manifestant pour elle le dédain ou le mépris qu’avait jadis dénoncés et voulu prévenir Petau. La crise moderniste se produisit, que caractérisa ce divorce affiché de la théologie et de l’histoire. Rien ne contribua plus efficacement à la conjurer que l’activité des milieux restés fidèles à la méthode et à l’esprit du grand théologien du xviie siècle. Au lieu qu’ailleurs les uns ne comprenaient même pas les problèmes posés par l’histoire des doctrines ou des institutions chrétiennes, et les autres, les réputant insolubles, se réfugiaient dans l’agnosticisme ou dans le rêve d’un évolutionnisme total, ici l’on n’éprouvait nisurprise.ni embarras. Ces difficultés, qui déconcertaient les scolastiques purs, à l’école de Petau on s’était habitué à les regarder en face, et, puisque l’heure était à la critique des données positives de la révélation, on concluait seulement à la nécessité de s’y appliquer soi-même, en s’inspirant de cet illustre exemple. Telle fut la revanche de Petau et de là vient sa persistante actualité : théologien positif, il apparaît aussi comme un initiateur à l’histoire du dogme.

IV. Opinions particulières.

L’historien, chez Petau, ne perd jamais de vue le but théologique qu’il poursuit ; mais il n’en demeure pas moins fidèle à rapporter exactement ce qu’il croit lire dans les documents du passé. Son interprétation de l’antiquité ne lui est point dictée par ses convictions personnelles ou par les doctrines, les opinions et les usages actuels de l’Église. Aussi, certaines de ses conclusions sur la pensée des Pères ou des premiers écrivains de l’Église ont-elles particulièrement attiré l’attention.

1° Sur la pratique de la pénitence aux premiers siècles.

— Petau n’en a pas traité dans ses Dogmes théologiques. Mais nous avons dit comment ses éditions de saint