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PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE


ions, peut être méritée, mail que la persévérance d’ici-bas ne peut pas êl re l’objet du mérite, pane qu’elle dépend seulement de la motion divine qui est le principe du mérite. Ceux à qui Dieu accorde le bienfait de cette persévérance le rcroiu-ni gratuitement, l^-l l iii, q. cxiv, a. 9. Trad. Mulard.

Toutefois, nous pouvons l’obtenir par la prière : En demandant (le don de la persévérance), on l’obi ient pour soi ou pour autrui, sans pouvoir néanmoins le mériter. » Ibid., ad l" m.

Saint Thomas n’a pas aborde 1 spécialement la question de l’incertitude où nous sommes concernant le don de notre persévérance..Mais il a posé le principe de solution touchant cette question, dans la Somme théologique, Ia-IIæ, q. exii, a. 5, et les endroits parallèles de ses autres œuvres : l’trum liomo possit scire se habere gratiam ?

Parmi les disciples de saint Thomas, antérieurs au concile de Trente, il faut signaler Cajétan, pour sa démonstration particulière de l’existence d’une grâce spéciale dans le don de persévérance finale. Cette persévérance, fait observer Cajétan, consiste dans la conservation de la grâce et cette conservation n’est pas autre chose que sa production ininterrompue. L’action par laquelle Dieu conserve les créatures est la même entilative que celle par laquelle il les produit. Dès lors, la persévérance finale ou la conservation à l’article de la mort de la grâce sanctifiante est la même chose, entilative. que la production ou infusion de cette grâce. Aussi est-elle le principe, non l’objet du mérite. In /am-j/æ, q. exiv, a. 9.

La doctrine du concile de Trente.

On devra se

référer aux textes rapportés plus haut, col. 1283 sq. Le concile, on l’a vii, ne formule, à proprement parler, aucune doctrine sur la nature du don de persévérance. Ses enseignements peuvent se résumer dans les points suivants :

1. Nécessité d’un secours : spécial, dont la nature n’est pas déterminée, pour permettre au juste de persévérer dans le bien. Et, dans l’esprit du concile, cette persévérance inclut le fait même de la persévérance actuelle à l’instant de la mort. Can. 22.

2. La grâce de la persévérance finale est un don, par conséquent une grâce absolument gratuite de Dieu. On ne peut l’obtenir que de celui qui, d’après la doctrine de saint Paul lui-même, a le pouvoir de soutenir qui est debout et de le maintenir ainsi. C. xiii. Le canon 16 appelle même ce don de l’expression augustinienne de magnum donum.

3. La nature même de ce don gratuit, accordé par Dieu seul, exclut, pour le juste, la certitude de posséder la persévérance finale. Il peut simplement en avoir l’espérance très ferme et escompter le secours que Dieu ne refuse à aucun juste, Dieu achevant lui-même l’œuvre du salut qu’il a commencée, opérant dans l’âme le vouloir et le faire. C. xiii. Seule, une révélation spéciale pourrait donner à un homme la certitude de sa persévérance. Can. 16. Enfin, l’incertitude de la persévérance finale tient aussi à l’incertitude de notre persévérance active ; nous devons toujours redouter l’issue du combat que nous devons livrer à la chair, au monde, au démon. Et c’est avec crainte et tremblement que nous devons travailler à notre salut, dans les bonnes œuvres de toutes sortes. C. xiii.

4. La question du mérite de la persévérance finale n’est pas directement agitée par le concile. Mais l’incertitude même, dans laquelle nous sommes par rapport au don de la persévérance, montre que nous ne le pouvons mériter strictement. Can. 16.

On le voit, le concile est resté dans des formules générales, qui, tout en indiquant suffisamment que la persévérance finale se rattache à l’exécution du plan divin de la prédestination, laissent une liberté suffi sante aux théologiens pour expliquer ce « grand don conformément à leur système préféré sur la grâce efficace et la prédestination.

~i° La théologie postlridenline. — Les précisions des théologiens postérieurs au concile de Trente porteront sur deux points principaux : justification du magnum donum Dei par la doctrine de la grâce efficace appliquée à la persévérance finale : justification de cette doctrine dans chacune des opinions particulières sur l’efficacité de la grâce.

1. La théologie de la grâce efficace dans l’explication du magnum donum Dei ». — D’une manière générale, les théologiens modernes partent du fait que la persévérance finale ajoute toujours, et dans toute hypothèse, un secours spécial accordé par Dieu au sec ours du passe perseverare. On cite péniblement deux théologiens, un franciscain du xvie siècle, théologien et commentateur du concile de Trente, André de Véga, Traclatus De justificatione, De gralia, etc., t. XII, c. xxii, et, au début du xviie siècle, le sorbonniste André Duval, Traclatus De gralia, q. I, a. ult. (10), qui enseignent que, dans le cas où la mort suivrait à bref intervalle l’instant de la justification et que, en ce court intervalle, le juste n’aurait eu à subir aucune grave difficulté, aucune tentation sérieuse, la perséérance finale ne comporterait, exceptionnellement, aucune nouvelle grâce spéciale. Position périlleuse et peu sûre, dit Jean de Saint-Thomas, De gralia. disp. XXI. a. 2, n. 3.

La persévérance finale, avons-nous dit, col. 1292, ajoute au pouvoir de persévérer longtemps dans le bien deux éléments nouveaux : 1° les dispositions spéciales de la Providence faisant coïncider l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce : 2° la grâce particulière, donnant à l’âme non seulement de pouvoir persévérer, mais de persévérer effectivement à l’instant ultime de l’existence. Or, dans ces deux éléments, les théologiens posttridentins trouvent réalisée leur notion de la grâce efficace.

a) La conjonction de la mort avec la continuation de l’état de grâce est un secours efficace de Dieu. — Suarez a fort bien posé le problème de la persévérance finale sous ce premier aspect, et pour les enfants incapables encore d’user de la raison, et pour les adultes qui, dans la continuation de leur état de grâce, n’ont pas à faire usage de leur libre arbitre (par exemple dans le sommeil). De gratia. t. X, a. 4, n. 16 sq. La question peut se poser, à fortiori, pour les adultes aux prises avec les tentations et la difficulté d’éviter le péché. Bien qu’en certains cas la liberté humaine n’ait pas à s’exercer dans le sens du bien pour éviter le mal, il n’en est pas moins vrai que, dans la coïncidence de la mort avec la continuation, même simplement passive, de l’état de grâce, s’exerce déjà positivement un secours spécial, efficace, de Dieu. Ces enfants ou ces adultes déjà justifiés, incapables, à l’instant où les frappe la mort, de se décider dans le sens du mal, en seraient cependant devenus capables si l’heure de leur mort avait été retardée. Suarez, loc. cit.. n. 17 : Salmanticenses, op. cit., n. 241. Or, ni la vie, ni la mort ne sont au pouvoir du libre choix de l’homme : seul. Dieu peut ôterla vie à l’homme à l’instant qu’il lui plaît. Or. dans les cas envisagés, la coïncidence de l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce n’est pas, de la part de Dieu, une coïncidence fortuite, accidentelle : mais elle est positivement voulue, dans l’intention efficace de conduire à la gloire ceux qui en bénéficient. Il y a là. comme l’explique fort pertinemment Billuart. après Gonet, l’aboutissement de tout un jeu de dispositions divines, agencées de telle sorte que. finalement, l’instant de la mort coïncide avec la possession de la grâce. Et cette coïncidence procède, comme le disent les deux théologiens dominicains, ex