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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA THÉOLOGIE MÉDIÉVALE

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Sentences, il admet qu’à l’homme déchu sullit le secours <ic la grâce actuelle, pour éviter tout péché mortel, même pendanl longtemps ; ce ne sera point avec la même facilité que dans l’état de nature intègre, mais la Chose es1 possible, lu II""’Seul., dist. XXVII] a. 2. el surtout a. 3 : Præcepta Irais, quantum ad id quod directe sub preecepto cadit, potest aliquis implere ptr liberuxii arbitrium sine gratia gratis data vel gratum faciente, si tamen gratia accipiatur pro aliquo habitu infusa… Sed si gratia pro divina voluntate gratis in nobis omnia bona causante accipiatur, tune… neutro modo (ni quant à la substance de l’acte, ni quant au mode surnaturel) homo sine gratia pnecepta implere potest. Cf. In cpist. ad Rom., c ii, lect. 3.

l’ius tard, saint Thomas modifie sa pensée ; il ne lui semble plus possible de persévérer sans pécher, si l’on n’est soutenu par l’état de grâce. Nous nous acheminons ainsi vers la position moderne du problème : le passe perseverare de l’homme déjà justifié. Dans le De veritate, q. xxii, a. 5, ad 7um ; q. xxiv, a. 1, ad 10 ii, n et ad 12um, il propose encore deux opinions. Mais à la q. xxiv, a. 12, il traite derechef et ex professo la question et la résout en affirmant la nécessité de la grâce habituelle. Il commence par rappeler que la doctrine catholique se tient à égale distance de deux erreurs contraires : celle de Pelage, qui affirme que le libre arbitre suffit : celle qui prétend que l’impossibilité d’éviter le péché enlève à l’homme son libre arbitre. Les mouvements passionnels, prévenant la délibération, provoquent les péchés véniels qu’il est ainsi impossible d’éviter totalement. De même, par suite de l’existence du péché habituel en l’âme, il se crée une sorte de propension vers la faute grave qu’il est possible de réprimer, pour chaque cas particulier pris à part, mais qui amènera fatalement une chute grave dans l’ensemble des cas qui pourront se présenter. C’est la doctrine qu’il reprendra dans la Somme théologique, Ia-II®, q. cix, a. 8.

Dans cet article de la Somme, saint Thomas exprime la raison psychologique sur laquelle se base son sentiment :

De même que l’appétit inférieur doit être soumis à la raison, celle-ci, à son tour, doit être soumise à Dieu et placer en lui la fin de ses vouloirs. C’est la fin, en effet, qui doit régulariser tous les actes humains, comme c’est le jugement de la raison qui doit régulariser les mouvements de l’appétit inférieur. Or, de même que l’appétit inférieur n’étant pas pleinement sous la domination de la raison, il s’ensuit inévitablement des mouvements désordonnés dans cet appétit sensitif ; de même aussi, quand la raison de l’homme n’est pas pleinement soumise à Dieu, il s’ensuit beaucoup d’actes désordonnés dans l’exercice même de la raison. Du moment, en effet, que l’homme n’a pas son cœur vraiment affermi en Dieu, de telle sorte qu’il ne consente à s’en séparer, quel que soit le bien ou le mal qui se présente, il survient une multitude d’objets qui, ou bien parce qu’ils l’attirent ou parce qu’ils lui répugnent, le font s’écarter de Dieu en ne tenant pas compte de ses préceptes, et c’est le péché mortel. Étant donné surtout que, dans les cas qui se présentent inopinément, l’homme agit d’après la fin qui est déjà dans sa pensée et selon l’habitude préexistante, comme l’observe Aristote. Sans doute, par un acte réfléchi de sa raison, il est capable de se déterminer à rencontre de cette fin antérieure et de cette inclination de l’habitude. Mais il ne peut pas toujours se tenir dans un semblable état d’attention sur l’acte qu’il va accomplir. C’est pourquoi il n’est pas possible qu’il demeure longtemps sans taire un acte dans le sens de cette volonté désordonnée et détournée de Dieu… Pris en particulier, chaque péché peut être évité ; mais, pour les éviter tous, il faut la grâce. Luc. cit., a. 8 et ad l" iii, trad. Mulard, édit. de la Revue des jeunes.

Cette citation était utile pour faire connaître la raison sur laquelle, depuis saint Thomas, s’appuient tous les théologiens de son école, pour affirmer la nécessité de la grâce habituelle pour éviter tout péché mortel. Dans ce sens, ce n’est pas une pure tautologie

de dire que la grâce habituelle est nécessaire a la persévérance dans le bien. Voir également le comment aire In I Cor., e. xii. lect. 1.

2. Cette première conclusion n’épuise pas le sujet. Lue grâce autre que la grâce habituelle est-elle in saire à l’homme justifié, pour demeurer longtemps sans offenser gravement Dieu ? Les textes qu’on vient de citer sembleraient indiquer que saint Thomas, disciple d’Albert le Grand, a négligé cet aspect du problème de la persévérance. L’article 9 remet toutes choses au point.

Cependant, il est juste d’allirmer qu’ici encore la pensée de saint Thomas a évolué. Dans le Commentaire sur les Sentences, il paraît ne pas se préoccuper d’un secours spécial. Cf. In II" m Sent., dist. XXIX. a. 3, ad 2 IJ "’: dist. XL III. a. 3, ad 3° » ’; In /// « " Sent., dist. XXXIII, q. iii, a. 3, ad » ""> ; dist. XXXVI. a. 2, ad fum. Dans le De veritate, q. xxiv, a. 13, il distingue nettement posse abstinere a peccato, qui semble ne nécessiter que le secours de la grâce habituelle, et posse perseverare usque ad finem vilæ in abstinentia a peccato, qui n’est pas au pouvoir du libre arbitre, même soutenu par la grâce sanctifiante. Dans la q. xxvii, a. 5, ad 3um, il parle plus nettement : outre [’habitas de la grâce, nous avons besoin d’une opération divine à cause de l’infirmité de notre nature et de la multitude des obstacles : aussi, habens gratiam necesse habet petere divinum auxilium, quod ad gratiam cooperantem perlinet. Dans la Somme contre les gentils, t. III, c. clv, il veut, par cinq raisons différentes, prouver que l’homme juste a besoin d’un secours divin, autre que la grâce habituelle, pour persévérer dans le bien. Entre autres raisons, il affirme que les habitas infus ne stabilisent pas suffisamment l’homme dans le bien. Aussi habitis omnibus habitibus gratuitis adhuc indiget homo divinæ providentise auxilio exterius gubernantis.

Dans la Somme théologique, I-’-II », saint Thomas abandonne la distinction entre abstinentiam a peccato et perseverantiam in hac abslinentia ; il ne reprend pas les raisons apportées dans la Somme contre les gentils. Mais il fait reposer la nécessité d’un secours autre que la grâce sanctifiante principalement sur l’infirmité de la nature humaine que ne guérit pas complètement le don habituel de la grâce.

Pour bien vivre, l’homme a besoin d’un double secours de Dieu. Le premier, c’est le don habituel, qui guérit fa nature corrompue et, après f’avoir remise en état, i’étève pour lui permettre d’accompiir des œuvres qui méritent la vie éternelfe, ce qui est au-dessus des aptitudes de fa nature. Le second est un secours de grâce par lequel Dieu meut à l’action (grâce actuelle). Évidemment, celui qui se trouve déjà en état de grâce n’a pas besoin d’une nouvelle grâce habitueffe infuse. Mais il reste qu’il a besoin de la seconde sorte de grâce, c’est-à-dire que Dieu le meuve à bien agir. Et c’est nécessaire pour deux raisons. La première se tire de la loi générale… qui veut qu’aucune créature ne puisse arriver à un acte, quel qu’il soit, si ce n’est en vertu d’une motion divine (sur cette raison, voir aussi L’-It*, q. lxviii, a. 2, avec le commentaire de Cajétan). La seconde est une raison spéciale qui vient de la condition présente de la nature humaine. La grâce (habituelle), en effet, a bien pu guérir notre esprit, fa corruption et i’infection demeurent dans notre chair… Et, même dans l’intellect, règne encore une part d’obscurité et d’ignorance qui fait que… nous ne savons pas adresser la prière qu’il faut (Rom., viii, 26)… Voilà pourquoi il est nécessaire que Dieu nous dirige et nous protège, lui qui sait et peut tout. [a-Il », q. cix, a.’. : Cf. ad’l" m et ad 2 U, U.

Le même argument fondamental, tiré de l’impuissance de la volonté â réprimer tous les mouvements de la sensibilité, servira â saint Thomas pour montrer l’impossibilité où se trouve l’homme justifié d’éviter tous les péchés véniels. I » -II », q. cix. a. 8 : De veritate. q. xxiv, a. 12. Voir un beau commentaire de la doc-