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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA THEOLOGIE MÉDIÉVALE

Dans le traité suivant, Traclatus de concordia præscienliæ et prædestinationis necnon graliæ Dei cum libero arbitrio, Anselme déclare que la rectitude ne peut être conservée qu’avec le secours de la grâce, en raison des tentations que doit repousser le chrétien ; à plus forte raison, que la grâce est nécessaire à son accroissement. Q’. ni, c. iv, col. 525. Au sujet de la persévérance finale, Anselme a une phrase suggestive à propos de la fidélité des bons anges : Ille angélus qui stelit in veritate, sicut ideo perseveravit, quia perseverantiam habuit, ita ideo perseverantiam habuit quia accepit, et ideo aecepit, quia Deus dédit. De casu diaboli, c. ii, col. 328.

Saint Bernard († 1153), dans son traité De gratia et libero arbitrio, est plus orateur que théologien. P. L., t. clxxxii. Le libre arbitre n’a pas été détruit par le péché originel, mais s’il demeure, c’est dans un état misérable. Il lui faut donc le secours de la grâce : ipsa liberum excitât arbitrium, cum seminat cogitatum ; sanat, cum immutat afjectum ; roborat ut perducat ad actum ; servat, ne sentiat defectum. De grat., n. -17, col. 1026.

C’est Pierre Lombard († 1160) qui, le premier, écrivit un traité didactique de la grâce, Sententiarum, t. II, dist. XXIV-XXVIII. La dist. XXIV est consacrée à l’étude du libre arbitre et de ses possibilités de chute. La dist. XXV montre, dans le libre arbitre, les ravages du péché originel. Avant la chute, l’homme pouvait ne pas pécher : il possédait la liberté a miseria et a peccato ; après le péché, il conserve sans doute sa liberté, mais il a perdu cette liberté qui le préservait facilement du péché. Aussi les pélagiens doivent-ils être condamnés pour avoir dit que l’homme déchu peut accomplir les préceptes de la loi sans le secours de la grâce. La grâce est donc nécessaire à l’homme pour vaincre ses tentations et ses vices. Dist. XXVIII, n. 2. C’est sur ce thème que les commentateurs broderont leurs variations concernant la nécessité de la grâce pour la persévérance active.

Si la doctrine d’Albert le Grand (1206-1280) accuse un réel progrès dans la conception de la grâce habituelle, don créé, habitas surnaturel perfectionnant essence et puissances de l’âme, communiquant une vie nouvelle à l’âme, In IIum Sent., dist. XXVI. a. 1-5 ; cf. Sum., l a, q. xxvi, a. 1 ; II 1. q. xc.vin. m. 1. 2, elle est assez timide, pour ne pas dire muette, sur le rôle de la grâce actuelle dans l’œuvre « le notre persévérance. A prendre a la lettre les assertions d’Albert, U semblerait que le pécheur seul ne peut résister aux tentations et remplir, même d’une façon naturellement honnête, les préceptes de la loi. Dist. XXVIII, a.’Sum., I I- 1. q. c m. 2. Celle imprécision appelle des

réserves et sera corrigée par les théologiens contemporains ou postérieurs.

Alexandre de I laies († 1245) distingue, on l’a VU, grâce Incréée et grâce créée, grâce gratum /ariens et grâce gratis data. Voir col. 1271. D’une manière gêné raie, c’est la grâce qui excite notre libre arbitre en le faisant coopérer a l’action divine en nous, Sum. theol., III », q. i.xi, a. : i. I ; elle nous fait ainsi éviter le péché

mortel, a..">. Les assertions d’Alexandre relatives an posse peneverare se trouvent dans la IV* partie de sa Somme. On peut les ramener a trois : a) Il est impossible de fixer le libre arbitre dans le bien sans détruire par là même les conditions normales de la nature humaine, q. xc.i, m. 1. a. 2. S.’î, résol. ; b) Sans la

grâce, même dans l’état d’innocence ci. a plus forte

raison, dans l’étal présent, eu égard aux difficultés

qu’il comporte, l’bomme ne saurait progresser dans le bien, ld., m. 1. a. : î. s > résol. : c) Cette grâce néces aire est la grâce sanctifiante, ld., m. 2. a. t. résol.

Saint Bona vent urc < : - 1274) est plus précis. In

// » Sent., dist. in. n expose que, sans la

sanctifiante (gratum jaciente), l’on peut résister au diable avec le secours de la grâce actuelle (gratis data), mais non pas le vaincre. Vaincre le diable comporte, en effet, en plus de la résistance, un acte méritoire du ciel, ce qui suppose la grâce sanctifiante. A. 1, q. ri. Cette opinion de Bonaventure a été rappelée avecéloges dans les discussions du concile de Trente. Conc. Trid., éd. Elises, t. v. p. 571. La grâce gratis data (qui renferme, en plus de la grâce actuelle, des secours habituels, mais non encore informés par la charité, voir ci-dessus, col. 127 1). cette grâce gratis data est encore nécessaire à l’homme déchu pour observer les commandements d’une observance purement naturelle (quoad substanliam operisj. A. 1, q. ni. Aussi est-il faux de prétendre, comme quelques-uns l’ont soutenu, que, sans le secours de la grâce, le libre arbitre est capable de résister à toute tentation par ses seules forces. Une telle assertion est fausse et contraire â la sainte Écriture et au témoignage des saints. La continence et la foi, nécessaires pour résister aux tentations de luxure et d’infidélité, ne peuvent exister sans le don de la divine grâce. A. 2, q. n. Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès opposé et dire que, laissé à ses seules forces, le libre arbitre est incapable de résister à une tentation. L’expérience montre qu’il n’en est pas ainsi. Aussi faut-il affirmer que le libre arbitre, d’une part, ne peut, en raison de sa faiblesse et de sa versatilité, résister à toutes les tentations, mais, d’autre part, ne doit pas nécessairement succomber â toute tentation. Ibid. Ailleurs, saint Bonaventure semble affirmer la nécessité du don habituel de la grâce. In Ill am Sent., dist. XXX, q. î. Les grandes tentations, du moins, exigent un accroissement de grâce sanctifiante : la résistance initiale procure, â la fin de la tentation, cet accroissement. Ibid. Voir, sur le manque de précision de saint Bonaventure sur ce point, la note de ses éditeurs, édit. de Quaracchi. t. III, ]). 659. Et, précisément, l’accroissement de grâce habituelle montre que, dans la pensée de saint Bonaventure, la persévérance est toujours possible aux justes : Deus hominrm habentem carilalem minquain deserit, nisi ille voluniarie ab eo recédât ; quin potins secundum quod augetur tentationis bellum, operatur Deus caritatis augmentum. In II Ium Sent., dist. XXX, q. î.

Saint Thomas d’Aquin.

Le Docteur angélique

réalise, dans la question de la persévérance, un progrès considérable. A part la terminologie, il envisagera pour ainsi dire tout l’essentiel du problème moderne, tel que le concile de Trente le proposera à la théologie cali dique. Le cadre de la doctrine de saint Thomas esl très nettement tracé dans la Somme théologique. I’-ll. q. CIX, a. 1. S. ! » et III.

Dans l’article 8, saint Thomas se demande si l’homme, sans la grâce, peut ne pas pécher i et. dans l’article 0, si « celui, qui est déjà arrivé a la grâce, peut, de lui-même et sans un autre secours de la grâce, faire le bien el éviter le mal. c’est-à-dire persévérer ? Dans l’article 10, il se demande si l’homme en étal i< grâce a besoin d’un secours nouveau de grâce pour persévérer > jusqu’à la fin de la vie. Ce sont bien là les deux aspects du problème de la persévérance : le pouvoir de persévérer, la persévérance finale.

I. Le premier aspect, du problème, chez saint

Thomas, est inséparable, en fait, de la question

abordée à l’article I : Sans la grâce, el par ses seules forces naturelles, l’homme peut-il accomplir les pu eeptes de l ; i loi. même quaii ! a la simple SUbstfUlG

des actes’? c.ei accomplissement dis préceptes est. en effet. nécessaire pour que l’homme fasse le bien et évite

le mal.

Sur ce premier point, il y a eu, chei saint Thomas,

une 1res réelle évolution. Dans le Commentaire sur 1rs