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PERSÉVÉRANCE. LA THÉOLOGIE MÉDIÉVALE


11. 861 ; de Valence, eau. 6, Denz.-Bannw., n. 325 ; Cavallera, n. 862 ; concile de Tuzey, Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, I. iv, j). 230. Les expressions du traité De tribus epistolis, manifeste de l’Église de Lyon, sont particulièrement remarquables. Voir c. xxxvii et xxxviii, P. L., t. cxxi, col. 1048 sq. Plus nettes encore celles du De tenenda Scriptwse veritate, qui est du même auteur. Voir c. XI, ibid., col. 1112.

V. LA TBÈOLOOIE DV UOÏBN A.OJS. — Pour bien comprendre le progrès qui s’accomplit alors, de Pierre Lombard à saint Thomas et à ses commentateurs ou à ses contradicteurs, il faut se souvenir que notre terminologie actuelle : grâce sanctifiante ou habituelle, grâce actuelle, n’existe pas encore au début du xme siècle. Bien des équivoques ou des obscurités peuvent subsister si l’on ne prête pas attention à ce fait. Sans doute, quant à la chose elle-même, la doctrine d’un secours divin permanent et d’un secours passager existait, même chez saint Augustin. Cf. P. Dumont, Le surnaturel dans la théologie de saint Augustin, dans Revue des sciences religieuses, 1931 et 1932. Mais, jusqu’à Alexandre de Halès, la terminologie était variable.

Pour Pierre Lombard, la grâce sanctifiante paraît être la charité, identifiée avec le Saint-Esprit lui-même, gratia gratis dans, tandis que la grâce actuelle serait gratia gratis data. Sententiarum, t. II, dist. XXVII, n. 4.

Alexandre de Halès réagit contre cette conception. Il établit ce qu’il y a d’habituel dans la grâce sanctifiante, qui, distincte du Saint-Esprit et grâce créée, rend l’homme agréable à Dieu et semblable à lui. De toute évidence, l’influence de la philosophie aristotélicienne se fait sentir dans les concepts qu’Alexandre introduit dans la théologie de la grâce. La grâce est, pour lui, une forme qui perfectionne l’âme et ses puissances. Sum. theol., III », q. lxi, m. 6, a. 1 ; cf. m. 2, a. 4. Cf. Karl Heim, Das Wesen der Gnade… bei Alexander Halesius, Leipzig, 1907, p. 37 sq. Alexandre appelle grâces gratis datæ les autres grâces, actuelles ou habituelles (foi et espérance informes, charismes de la primitive Église). A l’égard du libre arbitre, la grâce est rectificans, comptais, élevons. Sum. theol. II a, q. xci, m. 1, a. 3.

Saint Bonaventure adopte la terminologie d’Alexandre, gratia gratum faciens, et gratia gratis data. La grâce gratum faciens, don créé et distinct de la grâce incréée, est le principe informant l’âme pour la vivifier et la réformer, In II » m Sent., dist. XXVI, a. 1, q. il. Sous le nom de grâce gratis data, il comprend quidquid illud sit, quod superadditum est naturalibus, adjuvans aliquomodo et prxparans voluntatem ad habitum vel usum gratia’, sive… sit habitus, sicut timor servilis, vel pietas aliquorum visceribus inserta ab infantia, sive sit etiam aliquis actus, sicut aliqua vocatio vel loculio, qua Deus excitât animam hominis ut se requirat. Id., dist. XXVIII, a. 2, q. i. La grâce gratum faciens est quelque chose de divin dans l’âme, au-dessus du libre arbitre ; la grâce gratis data tient le milieu entre le don de la grâce sanctifiante et la liberté naturelle de la volonté. Id., ibid. Voir aussi Breviloquium, part. V, c. i. Cf. F. Mitzka, S. J., Die Lehre des hl. Bonavenlura von der Vorbereitung au/ die heiligmachendc Gnade, dans Zeilschr. fur kathol. Theol, t. l, 1926, p. 27-72, 220-252, et dans Scholaslik (Fribourgen-B. ), t. i, 1926, p. 619 sq.

Albert le Grand réserve aussi le nom de gratia gratum faciens au don habituel, créé, qui constitue une habitude infuse, rendant notre âme capable d’accomplir des œuvres méritoires pour le ciel. //) IIum Sent., dist. XXVI, a. 1, 2, 3 ; cf. Sum. theol., l q. xxvi, a. 1 ; lia, q. xcviii, m. 1 et 2. On ne trouve pas chez Albert d’expression particulière répondant à notre concept de

grâce actuelle. Cel aspect de la grâce est chez lui négligé.

Avec saint Thomas, nous avons à la fois une doctrine plus ferme et une terminologie plus précise. Il distingue la grâce gratum faciens. et la grâce gratis data. La grâce gratum faciens. ayant pour effet de rendre l’homme agréable a Dieu ou de le disposer a le devenir ou à le demeurer, est tout secours divin, d’ordre surnaturel, habituel ou actuel. C’est la grâce créée, qui doit être distinguée de la volonté divine, laquelle, en un certain sens, peut encore être appelée gratum faciens. De verilale, q. xxvii, a. 5. On voit que. pour saint Thomas, la grâce gratum faciens, créée, comporte ce que nous appelons « grâce habituelle » et grâce actuelle ». On trouve déjà, sous la plume de saint Thomas, le nom de donum habituale, cf. Sum. theol., I a -II ; e, q. cix, a. 0. Mais la grâce actuelle n’a pas encore de dénomination propre : elle est décrite comme un auxilium graluilum Dei inlerius moventis sive inspirantis bonum propositum. Ibid.

La terminologie scotiste n’est pas encore définitive. Scot accepte la division proposée par saint Thomas, et distingue grâces gratis datæ et grâces gratum facientes ; ces dernières de deux espèces : gratum faciens vel actualiter, vel dispositive. In I V’um Sent., dist. VI, q. v, n. 11. La première est la grâce habituelle, la seconde, la grâce actuelle. Voir ici t. iv, col. 1899. Mais on trouve aussi gratia tout simplement, ou auxilium graliæ, ou encore adjutorium ad salutem, pour désigner la grâce actuelle. Cf. Minges, Compend. theol. dogm. spec, t. ii, Batisbonne, 1922, n. 54, 57, 58 ; Die Gnadenlehre des Duns Scotus au/ ihren angeblichen Pelagianismus und Semipelagianismus geprùft, Munster, 1906 ; Joseph Klein, Franziskanische Studien, t. viii, 1921. p. 260 sq.

De l’école occamiste nous n’avons rien à retenir, la grâce actuelle y étant méconnue et confondue avec le concours général de Dieu, voir Scheeben, Dogmalik, t. iii, n. 41 ; Denifle, Luther und Luthertum, t. i, p. 577 sq., 586 sq. ; sauf peut-être chez Marsile d’Inghen ; cf. Gerh. Bitter, Studien zur Spàlscholaslik. I. Marsilius von Inghen und die okkamistische Schule in Deulschland, Heidelberg, 1921. Pour les autres occamistes, voir aussi K. Feckes, Die Stellung der nominal. Schule zur aktuellen Gnade, dans Romische Quartalschrift, t. xxxii, 1924, p. 157-165, et Die Rechtfertigungslehre des Gabriel Biel, Munster, 1925.

C’est à Capréolus († 1444) qu’il faut rapporter l’origine de la terminologie actuelle : Non enim oportet, quod dispositio positiva ad graliam. scil. detestatio peccati et appetitus gratia ! et justifia’, procédât ex gratia habitua li gratum faciente ; serf su/fuit, quod procédât ex gratia acluali gratis data, qux est aliqua motio, ut oslendil S. Thomas, / » -// », q. CXII, a. 2. Defensio theol. D. Thomæ In IV U’= Sent., dist. XIV, q. ii, a. 3, ad lum, édit. de Tours, t. vi, 1906, p. 321.

Les autres théologiens immédiatement antérieurs au protestantisme parlent de la motion divine, gratia motionis divinse ou du secours divin gratuito movens. Cf. Lange, De gratia, n. 500.

Dans l’exposé des doctrines scolastiques, il conviendra de se souvenir de cette terminologie mouvante et parfois peu concordante.

Avant saint Thomas.

Dans son dialogue De

libero arbilrio, saint Anselme (| 1109) ne fait que rappeler les principes généraux sur lesquels s’appuiera, au xme siècle, la théologie de la persévérance. Par suite du péché originel, le libre arbitre a perdu la rectitude, c. iii, P. L., t. clViii, col. 494 ; aucune tentation, cependant, ne le force à pécher, c. v, col. 496 ; et, néanmoins, la volonté paraît impuissante devant la tentation, c. vi, col. 498. La rectitude ne peut être rendue que par celui qui l’avait donnée, c. x, col. 502.