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    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. DONNÉES SCRIPTURAIRES

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pas. 20. si donc je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi <|ui le fais, mais le péché i h î habite en mol. 21. Moi qui voudrais faire le bien, je constate cette loi que c’est le mal qui esi à ma portée ; 22. car je prends plaisir a la loi de Dieu,

selon l’homme intérieur, 2.Î. niais J’aperçois dans mes membres une autre loi qui lutle contre la loi de ma raison cl qui m’enchaîne à la loi du péché qui est dans nus membres.

2 1. Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort’.' 2.">. Grâces soient rendues a Dieu, par Jésus-Christ Noire-Seigneur ! (Trad. J. Lagrange, Éptlre aux Humain*, Paris, 1916, p. 171 sq.)

On connaît les deux interprétations de ce texte. Lagrange, p. 172. De crainte que les pélagiens n’abusassent des ꝟ. 18 (le vouloir est à ma portée) et 22 (je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur), saint Augustin, sur la fin de sa carrière, opinait que l’Apôtre parlait, en ce passage, au nom de l’homme déjà justifié et obligé de lutter contre les mouvements indélibérés de la concupiscence. Cf. Contra duas epist. pelag., t. I, n. 16-23, P. L., t. xliv, col. 559-562, et Rétractât., t. I, c. xxiii, xxiv, xxvi ; t. II, c. î, t. xxxii, col. 621, 622, 62 4, 629 ; Contra Julianum, ]. VI, n. 11-12, t. xliv, col. 829, et De prædest. sanctorum, n. 8, id., col. 966. L’interprétation la plus littérale et la plus communément admise est que Paul parle ici au nom du juif harcelé par la Loi et conscient de sa faiblesse. C’est l’interprétation de saint Irénée, Cont. hæres., t. III, c. xx, n. 3, P. G., t. vii, col. 944 ; de Tertullien, De pudicitia, c. vii, P. L., t. ii, col. 1045 ; de saint Ambroise, De Abraham, t. II, c. vi ; De Isaac, c. n ; De Jacob, t. I, c. iv, P. L., t. xiv, col. 490, 529, 634 ; de saint Jérôme, In Danielem, c. ni, t. 29, P. L., t. xxv, col. 532 ; Epist., cxxi, c. viii, P. L., t. xxii, col. 1022 sq., et même de saint Augustin dans ses premiers temps, Expositio quarumdam propos, ex epist. ad Rom., prop. xxxviii-xlvi ; Comment, in epist. ad Galatas, n. 47, P. L., t. xxxv, col. 2070-2072, 2139 ; De Lxxxiir diversis quxstionibus, q. lxvi ; De diversis quæstionibus ad Simplicianum, t. I, q. ii, n. 7 et 9, t. xl, col. 60 sq., 115-117. Dans son commentaire sur l’épître aux Romains, saint Thomas expose les deux manières, mais, en raison de l’autorité de saint Augustin, à la fin de sa carrière, préfère la première. On ne doit citer que pour mémoire l’interprétation jadis soutenue par saint Méthode d’Olympe, De resurrectione, II, 1-8, édit. Bonwetsch, p. 189-204, et reprise par Cajétan, d’après laquelle le moi de ce chapitre vu désignerait l’humanité enfermée dans le premier homme. Malgré le rajeunissement qu’en a tenté le P. Lagrange, op. cit., p. 168, cette exégèse ne paraît pas devoir être prise en considération. Sur tous ces points, voir F. Prat, La théologie de saint Paul, t. î (17e édit.), Paris, 1930, p. 272-275.

La signification littérale du texte de saint Paul est claire : le juif, placé sous la loi mosaïque, mais abandonné à l’infirmité de sa chair sans la grâce du Christ, peut ressentir un attrait vers le bien, et le vouloir même d’une manière inefficace ; il ne peut l’accomplir en réalité. Le mal lui est si intimement présent, comme une loi existant dans ses membres et s’opposant à la loi de Dieu (qu’il connaît cependant et qu’il approuve), il le tient tellement captif sous la loi du péché que, loin de faire le bien, il pèche plutôt contre la loi de Dieu (ꝟ. 21-23) d’une façon qui lui est imputable et le voue à la mort spirituelle (ꝟ. 11). Les expressions « ce que je ne veux pas » du ꝟ. 16 et « ce n’est plus moi qui le fais » du ꝟ. 17 n’impliquent pas la négation de tout volontaire, mais désignent simplement un involontaire secundum quid. De cette triste condition, seule la grâce du Christ délivre. Cette affirmation n’est qu’implicitement contenue dans la formule eù^ocpiaTio tîo ©eôj du ꝟ. 25, mais se retrouve explicitement plus loin, viii, 2. Sur cette interprétation, voir Lagrange, Prat, loc. cit., et Hermann Lange, De gralia, Fribourgen-B. , 1929, n. 144.

I Je l’interprél ai ion lit térale du texte, il est facile de passer a la doctrine. Ce qui est vrai pour le juif soumis à la loi mosaïque est vrai pour le païen, qui ne connatt que la loi naturelle, et même, dans une certaine mesure, pour le juste déjà sous l’influence de la grûee. Pour le païen, nous avons l’assertion explicite de saint Paul. Les païens connaissent une certaine loi divine, la loi naturelle : sans la loi (mosaïque), ils pèchent et périssent, Rom., n. 12 : car ils sont à eux-mêmes leur loi et ils portent, inscrit dans leur cœur, ce que la Loi commande, il, 15. Ce qui. au c. vii, est dit du juif sous la loi mosaïque peut donc être transposé au païen sous la loi naturelle. Quant aux chrétiens de la loi nouvelle, il est inadmissible que des docteurs comme Augustin et Thomas se soient égarés sur la doctrine elle-même. Il faut leur concéder que ce conflit est possible, même sous la grâce… L’argument de Paul prouve donc que toute loi divine est imparfaite, même dans l’ordre de la grâce ? Oui, car, d’après saint Thomas, IMI 86, q. xevin, a. 1, une loi divine atteint le fond de l’homme, c’est-à-dire les actes intérieurs de la volonté, qu’elle ne peut cependant assister pour les rendre meilleurs. De sorte que la grâce est toujours le recours nécessaire dans tous les états… L’opinion des saints docteurs a aussi cela de juste que les sentiments du moi, mis en scène par Paul, sont trop élevés, malgré leur imperfection, pour être ceux d’un gentil ou même d’un juif assujetti au péché dans le style des c. î et n ou vi. Làbas on avait pris son parti du vice ; on était affranchi vis-à-vis de la justice, vi, 20. Maintenant la pauvre âme, même quand elle se laisse entraîner au mal, soupire, gémit, jette un regard vers la loi de Dieu, dont on l’éloigné comme malgré elle. Est-ce le langage « l’un païen ancré dans le désordre ? » Lagrange, op. cit.. p. 172-173.

Ainsi, d’une manière générale, la grâce, qui nous vient par le Christ, est le seul moyen d’éviter le péché, de vaincre la concupiscence, d’observerlaLoi.Cf. ICor., xv, 56, 57 ; II Cor., iii, 6 ; Gal., ii, 16, 21 ; iii, lu. Il : Rom., viii, 3-5.

2° La transposition doctrinale, opérée par saint Augustin et saint Thomas, trouve une légitimation scripturaire dans l’affirmation, fréquemment répétée, que les justes eux-mêmes doivent recourir à la grâce pour surmonter les périls spirituels. — Le diable, lion rugissant, tourne autour d’eux pour les dévorer, I Pet., v, 8 ; il se transforme en ange de lumière, II Cor., xi, 14, et sème sous les pas des justes des embûches. Eph., vi, 11-12. De là, pour le juste lui-même, de multiples tentations, contre lesquelles Jésus-Christ lui-même met en garde ses disciples, Matth., xxvi, 41 ; et que les apôtres indiquent d’un mot. Eph., vi, 10 sq. ; Rom., vii, 23 sq. : I Pet., v, 8-9 ; I Joa., ii, 16 ; Jac, I, 2, 12-15. De la aussi la nécessité d’un combat. Eph., vi, 11, 13 sq. ; cf. I Cor., ix, 26 ; II Tim., ii, 3 sq. ; cf. I Tim., î. 18 : Jac, iv, 7. Les armes dont le juste se servira sont des armes divines. Eph., vi, 11, 13 ; cf. II Cor., n. I. Saint Paul les énumère, Eph., vi, 14-18 : « Soyez fermes, ceignant vos reins de la vérité (cf. I Pet., i, 13 ; Luc, xxii, 35) et revêtant la cuirasse de la justice, et chaussant vos pieds pour vous préparer à l’évangile de la paix : prenant surtout le bouclier de la foi (cf. I Pet., v, 9 ; Jac, i, 3-4 ; I Cor., xvi. 14 ; I Thess., v. S : I Joa., v, 4), dans lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin. Prenez aussi le casque du salut et le glaive de l’Esprit, qui est la parole de Dieu (cf. Heb., iv, 12) ; priant en esprit en tous temps (cf. Matth., vi, 13 ; Luc, xviii, 1 ; xxii, 40), par toute sorte de prière et de supplication pour tous les saints. » La vigilance est aussi recommandée, I Cor., xvi. 14 : cf. x, 12 ; Matth., xxvi. 41 ; I Pet., v, 8.

Beaucoup de ces textes laissent entendre qu’avec le secours divin l’homme peut avoir l’espérance du salut,