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    1. PERFECTION CHRETIENNE##


PERFECTION CHRETIENNE. POSSIBILITÉ

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autre faiblesse de la nature humaine, affirmée par l’Écriture, qu’elle ne peut pas, en cette vie, éviter tout péché, et cette autre vérité que notre charité in hac vila semper potest profleere, De carit., a. 10, troisième Sed contra, on verra que la perfection que l’homme peut atteindre ici-bas est une perfection relative et non une perfection absolue, la perfection simpliciler, cf. q. xxiv, a. 8, ad 3um et q. clxxxiv, a. 2, ad 2um, et que, par conséquent, à condition de la bien entendre, la thèse négative peut se soutenir.

Mais alors que va-t-on répondre aux arguments de la thèse affirmative ? — 1. Tu dois, donc tu peux ; la perfection est obligatoire de par le commandement divin, donc elle est possible. Saint Thomas se débarrasse lestement de cette objection dans la q. xlix, a. G, ad lum : ratio illa probat quod aliquo modo (prœceptum de dilectione Dei) potest impleri in via, licet non perfecte. La réponse du De caritate, ad l nm, est plus subtile et introduit une distinction sur laquelle nous reviendrons quand nous traiterons de l’obligation d’être parfait : hoc quod dicitur : Diliges Dominum Deum luum ex loto corde luo, intelliyitur esse præceptum secundum quod iotalitas excludit omne illud quod impedil perfeclam Dei inhœsionem ; et hoc non est præceptum, sed finis præcepli ; indicatur enim nobis per hoc non quid faciendum sit, sed potius quo tendendum sit, ut dicit Augustinus. Le texte de saint Augustin visé ici est celui du De perfections justitiæ, cité ci-dessus col. 1231.

2. Caritas in hac vila potest resislcre omni peccato et lenlationi ; ergo caritas in hac vila potest esse perjccla. De carit., obj. 4. Que la charité puisse résister à la tentation de telle sorte que l’homme ne puisse être entraîné par elle au péché mortel, saint Thomas le concède ; mais il conteste qu’il soit au pouvoir de l’homme quod nullo modo lentalione afjiciutur : hoc enim pertinet ad perjectionem patriæ.

3. Voluntas est domina sui aelus ; ergo volunlas humana potest tolaliter et perfecte ferri in Deum, obj. 6. Oui, la volonté est maîtresse de son acte, répond saint Thomas, mais seulement quantum ad hoc quod agat, non quantum ad hoc quod continue in uno actu persévère ! , cum conditio hujus vitse requirat ut actus et volunlas ferantur ad multa.

I. La bonté divine, objet de la charité, est ce qu’il y a de plus délectable : il ne paraît donc pas qu’il soit difficile de s’y attacher continue et sine inlcrmissionc, obj. 7. C’est vrai, répond saint Thomas, si l’on ne tient compte que de l’objet, mais il faut aussi tenir compte du sujet : à ce point de vue in hac vila non potest esse lotis deleclalio continua, quia contemplatio mentis humanse non est sine aclione viriulis Imaginatives et aliarum virium corporalium, quas necesse est laxari diuturnitate actionis propter corporis infirmitatem, unde impeditur delectatio, Voila bien ici. pour le dire en passant, la perfection chrétienne identifiée i la contemplation, s ; ms que l’on distingue d’ailleurs entre contemplation active et passive, acquise cl infuse.

."). I.a cinquième objection parlait de ce principe que affectas noster in hac viia immédiate fertur in Deum per dilectionem et qu’une faculté, qui atteint immédiatement son objet, l’atteint parfaitement et totalement. Dans sa répense, saint Thomas ne résout pas directe ment cette objection : il se contente de redire qu’il n’est pas possible in Cette Nie lll ahsqur lliliTlllissiolir

affectus aclualiter feratur in Deum.

6. la huitième objection, qui partait de l’indivis ! bilité de la charité pour conclure que l’on ne pouvait l’avoir aliquo modo sans l’avoir tout entière, saint Thomas répond que ce qui est simple et indivisible admet cependant une mesure. îles degrés, non secundum augmentum quantitalis, sed secundum (ntenstonem qualitatii

3° La thèse affirmative. La thèse négative paraît avoir les préférences de saint Thomas ; il ne nous dit pas quels adversaires il combat, mais il semble viser des tendances analogues à celles des futurs quiétistes, tant il insiste sur l’impossibilité d’une contemplation ininterrompue, continue et sine inlcrmissionc. Et pourtant, comme nous l’avons dit, c’est bien par l’affirmative qu’il répond à la question : Utrum aliquis in hac vila possit esse perfectus, dans la IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 2, qui représente sans doute la dernière étape de sa pensée à ce sujet. D’ailleurs, dans le De caritate, il accordait déjà que l’homme peut ici-bas écarter les deux premiers impedimenta qui l’empêcheraient ne tolaliter mens cjus in Deum feratur : à savoir le péché mortel et le souci des affaires du monde, occupatio ssecuiarium rerum ; et qu’il pouvait ainsi réaliser deux espèces ou degrés de perfection, la perfection commune, qui est d’obligation, et la perfection de subrogation ou la vie contemplative, qui est une imitation de la perfection des bienheureux ; et, nous l’avons dit aussi, après avoir réfuté les arguments de la thèse affirmative qu’il combattait dans cet article 10, il s’appliquait à répondre aux arguments apportés à l’appui de la thèse négative, c’est-à-dire de la thèse même qu’il venait de soutenir dans le corps de l’article et dans la réfutation des objections. Sans doute, ou éprouve quelque répugnance à désigner encore par ce terme de perfection des états ou des degrés de vie spirituelle qui ne sont pas la perfection simpliciler, mais l’Écriture elle-même ne le fait-elle pas’? à quelques lignes d’intervalle, saint Paul ne nie-t-il pas qu’il soit parfait et ne se range-t-il pas cependant au nombre des parfaits ? Phil., ni, 12-15 : non quod jam perjectus sim… ; quicumque ergo perjeeti sumus, hoc senliamus. Cf. q. xxiv, a. 8, ad lum : d’une part, l’Apôtre negat de se perfectionem patriæ, mais, d’autre part, il se reconnaît comme un perjectus viator. Oui, il y a des parfaits en ce monde, d’une perfection relative, c’est entendu, mais néanmoins d’une véritable perfection : ils aiment Dieu autant qu’ils le peuvent, étant données les conditions imparfaites et les imperfections inévitables de la vie présente ; ils ne réalisent pas la perfection secundum niduram ralionalis créatures, mais secundum tempus. Le précepte de l’amour de Dieu plene et perfecte in patria implebitur ; in via autem impletur imperfecte ; et tamen in via tanto unus alio perfeclius implet, quanta magis acccdil per quamdam similitudinem ad patriæ perfectionem. Q. XLIX, a. 6.

On objecte : 1. Que perfectio caritatis requiril quod homo sit omnino absque peccato, ce qui est impossible dans la vie présente. De carit.. a. 10, premier Sed contra. Saint Thomas répond que l’homme peut éviter le péché mortel ; quanl nu péché véniel, non répugnai perfectioni vise, sed perfectioni patriæ, parce que le péché véniel non tollit habitum caritatis, sed impedit actum cjus ; or, la différence entre la perfection de la terre et celle du ciel est précisément quc celle-ci consiste d ; ins un amour de Dieu toujours en acte, tandis tpie celle la consiste dans une disposition habituelle d’amour : <///< » / habilualiter ali<juis lolum cor suuin ponat in Deo. Q. xxiv. a. s.

2. Que l’amour est proportionné à la connaissance ; or. notre connaissance actuelle de Dieu est imparfaite, donc notre amour actuel de Dieu ne peut être parfait, Dr carit.. second Sed contra. Saint Tbomas répond très subtilement que, en elle t. la perfection de noire amour de 1)ieu en cet te vie est proport ionnec a nol rc connaissance de Dieu : ici bas. notre connaissance de Dieu est surtout négative, nous saxons ce qu’il n’est pas plutôt que ce qu’il est ; de même la perfection de notre amour : elle est en quelque sorte négative et consiste i n ce que nunquam in contrariant ejus feratur mens. plutôt qu’en ce que tempei actu in ipsum feramur.