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PÈRES DE L'ÉGLISE. AUTORITÉ


modernes procès de canonisation. L' « avocat du diable » aurait beau jeu à relever dans telle vie de Père de l'Église, d’un saint Jérôme, d’un saint Cyrille, des objections redoutables. L'Église ne laisse pas, pour autant, de les compter parmi ses docteurs.

3. Approbation de l'Église. — Cette approbation en certains cas s’est exprimée de manière expresse. Les réclamations des Massilienses contre saint Augustin amènent de la part du pape Célestin une intervention spéciale en faveur du docteur d’Hippone, qui venait à peine de mourir. « Augustin, écrit le pape, a toujours été en notre communion, et, contre son orthodoxie, il n’est pas possible d'élever le moindre soupçon ; sa science est telle que, par nos prédécesseurs déjà, il était compté au nombre des meilleurs maîtres, inter magistros optimos etiam ante (et donc de son vivant) a meissemperdecessoribushaberetur. » VoirDenz.-Bannw., n. 128. Comparer ce que dit le pape Hormisdas des livres d’Augustin sur le libre arbitre et la grâce : « c’est là que l’on pourra le mieux connaître la doctrine de l'Église romaine. » Epist., lxx, P. L., t. lxiii, col. 493. De telles approbations sont rares. On rangera tout à côté celle qui est fournie par le Décret de Gélase, ci-dessus, col. 1195.

Moins expresse est l’approbation que constitue le fait, pour un écrivain, d'être cité avec honneur par un concile œcuménique ou tel autre document officiel. Il serait intéressant de relever la liste des Pères qui furent ainsi allégués aux divers conciles ; le concile tenu au Latran, en 649, par le pape Martin I er en fournirait une énumération fort longue, aussi bien que le IIIe concile de Constantinople, le IIe de Nicée, le IVe de Constantinople. C’est l'époque où la théologie se constitue surtout par les assertions des Pères. Une citation de ce genre couvre d’abord, cela va de soi, les affirmations contenues dans l’ouvrage auquel elle est empruntée. Mais elle est aussi une garantie, pour l'écrivain qui la fournit, d’orthodoxie générale.

Pour n’avoir pas été expressément approuvés par des papes ou cités par des conciles, nombre d'écrivains méritent néanmoins le nom de Pères, qui réunissent les autres conditions énoncées. De saints évêques, comme Zenon de Vérone, Pacicn de Barcelone, Césaire d’Arles, Martin de Braga et tant d’autres, ont tout droit à figurer parmi les Pères. Nous dirons que leur approbation par l'Église est implicite ; en d’autres termes qu’il ne faut pas trop presser cette approbalio Ecclesiie dont nous venons de parler.

4. Ancienneté.

C’est ici que se poserait la question des limites à assigner à l’antiquité chrétienne. Sur ce point, les idées ont beaucoup varié. Les gens du xvr siècle appelaient couramment Pères » les écrivains du Moyen Age qui n'étaient pas des scolastiques. Les premières Patrologies (elles datent du xvjr siècle) font place à des écrivains du xvr siècle. On entend appeler, aujourd’hui encore, saint Bernard le dernier des Pères ».

Toutefois, l’accord semble s'être fait, depuis la tin du xviir 5 siècle, pour réserver le nom de Pères aux écrivains de l’antiquité chrétienne, en tant que celle-ci 'oppose au Moyen Age. Que si l’on entend par ce dernier terni" l'époque où achèvent de disparaître les derniers vestiges de la culture gréco romaine, on peut. s. mis trop d’hésitation, fixer au milieu du vir siècle la coupure en Occident. Grégoire le Grand <+ 604), Isidore de Séville († 636) compteront encore parmi les Pères. En Orient, on les transitions furent plus mena gées, on convient d’arrêter l'âge patriotique à saint Jean Damascène (t vers 749). Ces limites, de toute

évidence, n’ont rien d’absolu.

On sait que, dans la détermination du concept de i Docteur de l'Êgllêt, le racteur ancienneté ne joue plus,

depuis un certain temps déjà ! le même rôle. La liste

des docteurs, au sens liturgique et théologique du mot » comprend aujourd’hui plusieurs noms des temps modernes. C’est peut-être un avertissement de ne pas trop insister, dans la définition du mot Père de l'Église, sur le fait de l’antiquité.

IL Autorité doctrinale des Pères. — Puisqu’ils sont les témoins de la foi de l'Église, les Pères ont été, dans le passé, invités à déposer au sujet de cette foi, quand il s’est agi de savoir si tel ou tel point de doctrine appartenait au domaine de l’enseignement ecclésiastique officiel. Bien que le nombre des questions non liquidées ait beaucoup diminué de nos jours, il reste encore des problèmes de dogme ou de morale à résoudre, sur lesquels on peut être appelé à demander l’avis des Pères. Quelle est donc l’autorité qui s’attache à telle ou telle assertion patristique ? La question ne peut être traitée dans son ensemble qu’au mot Tradition ; l’on ne trouvera donc ici que des indications fort sommaires.

Autorité d’un Père pris isolément.

- Un Père,

en tant que tel, n’est pas infaillible. Un témoignage isolé, provenant de tel ou tel Père, quelle que soit par ailleurs son autorité générale, ne saurait être décisif. L’approbation globale de l'Église, qui couvre ses écrits, n’en garantit pas toutes les affirmations. Il peut se trouver, dans l’une ou l’autre de ses œuvres, telle assertion qui va contre l’opinion générale : elle doit alors être considérée comme non avenue. On invoquerait vainement, par exemple, dans la question de la validité du baptême des hérétiques, le témoignage « le saint Cyprien. Saint Augustin, sur certains points fort délicats en matière de grâce ou de libre arbitre, a pu excéder. L’exagération des jansénistes, dans leur culte pour Augustin, a donc été justement réprouvée parle pape Alexandre VIII. Voir la prop. 30 parmi les propositions condamnées le 7 décembre 1690 : « Dès que l’on trouve qu’une doctrine est clairement affiimée flans Augustin, il est loisible de la tenir et de renseigner de manière absolue, sans s’occuper d’aucune bulle pontificale. » Dcnz.-Banmv., n. 1320.

Mais une assertion, même isolée, d’un Père, si elle ne va pas contre renseignement authentique ou contre le sentiment commun de l'Église, peut et doit être prise en considération. Ce n’est pas impunément que l’on rejette l’assertion d’un Père dont l’autorité est omni exceptione major. Il faut ajouter d’ailleurs qu’un docteur de cette taille est rarement un isolé : son autorité lui a d’ordinaire rallié, de très bonne heure, des partisans.

Il va de soi que, si tel écrit d’un Père a reçu du magistère extraordinaire une approbation toute spéciale, cette pièce jouit de l’autorité qui s’attache aux actes de ce magistère. C’est le cas, par exemple, de la IIe ' lettre de saint Cyrille à Nestorius, KocracpAOO’poOai. expressément approuvée par le concile d’I’phèse. cf. ai t. Nestorius, col. 113, et que l’on peut considérer comme la définition de foi du concile.

2° Autorité d’un groupe de Pères, s’accordant sur une question de doctrine.- Il n’est pas rare que l’on voie, lors de la discussion de certains problèmes dogmatiques, se former, soit par accord tacite, soit même pal entente expresse, des groupes de Pères qui prennent parti en' sens opposé. Nous avons signalé plus haut la séparation qui s’est faite, lors des luttes christologiques, entre « Orientaux et alexandrins n isiblement, le concile de Clialeédoine a été amené à reconnaître ce qu’il y avait d’exact dans la théologie des uns et dans celle des autres. Cette question n’a donc été liquidée

que par la considération de la valeur que représentait

l’un nu l’autre groupe. Il eut été contraire aux lois essentielles de l'Église de faire crédit Uniquement à un parti sans s’inquiéter de ce « pie « lisait l’autre. On trou verait aisément d’aiilrcs excinples’de questions ainsi

résolues par mie cote mal taillée