Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/596

Cette page n’a pas encore été corrigée
1177
1178
PÉNITRNTIELS. LE Xie ET LE XII* SIÈCLE


première moitié du xie siècle empruntent leurs textes et notamment les textes pénitentiels au Décret et à la Collection en cinq livres, composée vers 1015 dans l’Italie méridionale, et dont le 1. IV a pour sujet la pénitence et pour sources les grands recueils du viiie (Théodore, Capitula judiciorum) et du ix° siècle (Dacheriana).

V. De la réforme grégorienne au décret de Gratien. — Contre les pénitentiels, Pierre Damien dirige les plus dures critiques : fables mêlées aux saints canons, dont, par une vraie présomption, des hommes perdus de vices ne craignent pas d’invoquer l’autorité. « Ces textes pernicieux portent des attributions douteuses ; tantôt ils sont donnés sous le nom de Théodore de Cantorbéry, tantôt sous un autre vocable ; parfois ils se couvrent d’une étiquette qui leur assigne une origine romaine, aussi menteuse que les autres. » Liber Gomorrhianus, c. x sq., dans P. L., t. cxlv, col. 169 sq. Atton de Verceil, dans la préface de son Capitulare, dénonce comme apocryphe le pénitentiel dit romain. Mai, Scriptorum velerum nova collectio, t. vi b, p. 60-61. Les grégoriens, en conséquence, n’admettent dans leurs collections que les règles pénitentielles officiellement reçues à Rome. Cf. Fournier-Le Bras, op. cit., t. ii, p. 6-7.

Collections majeures.

 La seule collection grégorienne

qui contienne un pénitentiel est celle d’Anselme de Lucques, dont le t. XI, dans la forme A, est consacré à la pénitence. Cette forme est probablement plus ancienne que B, qui n’a point le pénitentiel. Celui-ci, composé de 174 chapitres, tire presque toute sa matière des Capitula judiciorum, dont la série canonique, dite souvent romaine, a surtout été exploitée ; la série théodorienne a fourni quelques textes, la cumméanienne a été presque complètement négligée. Fournier-Le Bras, op. cit., t. ii, p. 29-30. On ne trouve qu’un petit nombre de règles pénitentielles dans la collection de Deusdedit (1. IV), toutes tirées des sources authentiques.

En revanche, dans le 1. XV du Décret d’Yves de Chartres, publié vers 1094, P. L., t. clxi, reparaissent nombre de textes empruntés à Burchard, à côté de quelques autres, tirés de sources mineures, comme le petit pénitentiel qui porte le nom de Fulbert de Chartres. Mais, dans la Panormia, où Yves de Chartres a résumé son Décret, les textes pénitentiels ont été écartés systématiquement.

Collections mineures.

La plupart des collections

de la fin du xi c siècle et du premier tiers du xii c subirent, on le sait, l’inlluence des deux groupes, grégorien et chartrain, dont nous venons de nous occuper. Les rares recueils qui, en Italie, échappent ; ’i l’emprise grégorienne restent dans la dépendance de la collection en cinq livres, de Burchard et notamment de son Correclor : c’est le cas des recueils contenus dans le ms. 300 de la Riccardiana, dans le ms. 230 du Mont-Cassin, dans le Valicanus 4977. Fournier-Le liras, op. cit., t. n. p, 121 sq. Même des recueils très favorables à la réforme, comme la collection en deux livres du Yatic. 3832, la collection en cinq livres du Vatic. 1348, la collection de Turin en sept livres, la collection d’Assise, la collection en dix-sept livres des inss. de l’oitiers et de Reims, la collection de Sainte-Geneviève, le recueil du manuscrit de Saint-Germain des Très, la collection en dix parties, les deux collections de Chftlons ici ranscriveiil totalement ou en partie le Correclor. Ib(d., p. 130, 132, 134, 166, 168, 2 : 50, 2<ix. 286, 299, 308. Plusieurs font des emprunts aux pénitentiels insulaires des ir et viir siècles. Bonizo de Sutri, par exemple, dans son Liber de otia ehristlana, recourt à Théodore <i â Cumméan, a Bède

et a Egbert. Ibid., p. 143. La collection en trois livres du Vatic. 3831, le recueil de Saint (ermain des-Prés sont tributaires de Théodore. Ibid., p. 200, 288. Et la collection du ms. 903 de Turin a reçu nombre de décisions pénitentielles d’origine insulaire. Ibid., p. 219.

En somme, l’influence du Correclor a été la plus constante jusqu’au xii° siècle. Quelques collections, cependant, comme la collection en sept livres du Vatic. 1346, prennent à Anselme des séries de canons pénitentiels. Fournier-Le Bras, t. 11, p. 189. D’autres réunissent les éléments d’Anselme et ceux de Burchard, comme la collection en treize livres. Ibid., p. 251. D’autres remontent jusqu’à la Dacheriana, comme la collection en dix-sept livres, la collection en dix parties. Ibid., p. 233, 299. Enfin, parmi les apocryphes fabriqués au début du xiie siècle, il en est un lot concernant la pénitence. Ibid., p. 176, 196. Et des textes importants sont interpolés, comme ce canon 142 du Correclor de Burchard : monachi secularibus penitenliam dare possunt, où l’auteur de la collection en dix-sept livres introduit une négation (non possunt), certainement peu favorable aux moines. Ibid., p. 234.

Par les collections canoniques, les pénitentiels continuèrent donc, après la réforme grégorienne, à exercer une notable influence. Les sentenciaires, aussi, servirent à la diffusion de leurs textes. Par exemple, le magister A qui fut utilisé par Gratien, est tributaire de divers pénitentiels, notamment de Théodore.

Textes des pénitentiels dans le Décret de Gratien.


De toute cette littérature pénitentielle, bien des textes devaient, par l’intermédiaire des collections canoniques, aboutir au Décret de Gratien (vers 1140). Désormais, l’ère des pénitentiels est pratiquement achevée.

VI. Conclusions : la fonction historique des pénitentiels. — 1° Place des pénitentiels dans l’histoire de la pénitence. — Il ne nous appartient pas d’apprécier, dans ce chapitre d’histoire littéraire, toute l’influence des pénitentiels sur le développement de la pénitence. Voir l’art. Pénitence, col. 846 sq. Nous nous bornerons à noter qu’ils attestent et imposent la pénitence privée, et que, par leur arbitraire, beaucoup d’entre eux tendaient à en troubler la fonction. L’idée d’une satisfaction effective et personnelle, légale et proportionnée au péché, a été défendue par les canonistes soucieux de l’ordre et de l’unité, à toutes les époques de restauration religieuse. Les recueils gélasiens, beaucoup des carolingiens, enfin les grégoriens, ne contiennent que les règles authentiques, et ce sont elles qui ont fini par l’emporter. Mais leur application universelle n’a-t-elle pas été favorisée par l’énergique pression des insulaires en faveur de la confession ? Et les rédemptions celtiques ne préparaient-elles pas, de loin, et dans une certaine mesure, la pratique des indulgences ?

2° Place des pénitentiels dans l’histoire de. l’Église, Ce concours, finalement donné à la discipline catholique, n’était guère prévu des évêques carolingiens ni des doctrinaires de la réforme grégorienne. Dans la Vie de l’Église, les pénitentiels insulaires apparaissent comme une des manifestations du particularisme, de l’individualisme. Mais ils ont. comme les schismes il les hérésies, contribué, par les réactions qu’ils provoquèrent, à l’œuvre de la centralisation et au régime

de l’autorité.

3° Place des pénitentiels dans l’histoire de la civili sation. — Aussi profonde, bien que moins facile à mesurer, fut l’action civilisatrice des pénitentiels.

D’abord ils ont comme doublé la loi séculière. en ajou tant une pénitence au Wergeld, en réprimant comme péché ce que le juge séculier a réprime comme délit, pour employer une discrimination que les hommes’lu Moyen Âge eussent sans doute mal comprise : le cou