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PÉNITENTIELS. L’APOGÉE


jusqu’à présent analysées sont brèves et médiocrement ordonnées. Il n’en est point qui envisagent tous les péchés des clercs et des laïques. Cependant se fit jour, dès les origines, la tendance de classer les fautes avec un soin qui, vaguement perceptible dans les œuvres primitives, est sensible dans "Vinnian et dans Colomban. Il y a beaucoup de finesse dans les discriminations de Vinnian, où tous les degrés de l’acte volontaire sont prévus. La casuistique s’est développée surtout à propos des fautes charnelles.

Le corps, qui a joui du péché, doit souffrir pour l’expier. Entre le plaisir et la souffrance, il faut une compensation. Le simple pseniteat signifie interdiction de la viande et du vin. Souvent, nous l’avons vii, s’ajoutent à ce mot : in p. et a., in pane et aqua, l’interdiction de tout autre aliment que le pain et l’eau. Parfois, le régime est encore aggravé : le sodomite et l’homicide coucheront un an sur la terre nue, une seconde année avec pour oreiller une pierre et la troisième sur une planche (Gildas, can. 11). Certains textes précisent les aliments autorisés. D’autres peines sont commuées : aumônes, affranchissements, exil, réparation pécuniaire et, sur ce dernier point (cf. Oakley, op. cit., passim), les pénitentiels renforcent la loi séculière.

La communion est refusée par Vinnian à celui qui n’a pas terminé sa pénitence ; Gildas l’accordait quand la moitié en était accomplie ; mais, conformément à la tradition, il maintient la suspense du prêtre jusqu’au bout.

Adapter la peine à la faute et aussi à la qualité du coupable, c’est à quoi s’efforcent les pénitentiels : plus durs en général pour les clercs que pour les laïques et pour l’évêque ou l’abbé que pour le diacre ou le simple moine ; pour la faute manifeste et scandaleuse que pour la faute secrète et pour la récidive ou l’habitude que pour la chute casuelle.

Telles sont les grandes lignes du système pénitentiel qui se développa dans les chrétientés insulaires jusqu’au milieu du viie siècle.

IL L’apogée. - Les premières compilations de quelque envergure apparaissent dans la seconde moitié du vii c et au début du vin siècle : elles sont placées sous les noms de Cumméan et de Théodore. Nous caractériserons successivement ces deux grandes œuvres, puis les pénitentiels mineurs du viii c siècle.

Le pénitentiel de Cumméan.

Depuis Fleming,

on croyait connaître le pénitentiel de Cumméan, mais Schmitz, suivi par d’autres historiens, a montié que l’édition de Fleming est un simple Excarpsus et Zettinger a publié, en 1 902. un pénitentiel contenu dans le Vatic. Pal. lat. 485 et qui est, semble -t-il, l’œuvre originale de Cumméan, Archiv fur katho Haches Kirchenrecht, t. lxxxii, p. 501 540, celle qui alimenta les tripartites dont nous aurons bientôt à nous occuper. P. Fournier, von I lôrmann et tous les historiens ont adopté les conclusions de Zettinger, ainsi que l’auteur d’un mémoire inédit présenté à l’Institut de droit canonique de Strasbourg, que nous utilisons (Edward Bléricq, Étude sur Cumméan).

Le pénitentiel de Cumméan s’ouvre par un prologue de inedi<iu ; r saluiaris animarum où sont indiqués les douze remèdes du péché et le principe : contraria conlrariis sanantur. Suivant l’ordre de l’octoade de Cassien, il s’occupe successivement des liuil principaux péchés : gourmandise, luxure, cupidité, colère, tristesse, acedia, Jactance, orgueil ; il ajoute quelques commutations, puis trois titres consacrés aux peccadilles (minutas causa), aux fautes

des novices et à « elles commises dans la célébration

de la messe du la conservation des saintes espèces, i H épilogue termine le manuel

Lei textes insérés dans ces 1 I I ilres ont pour source

principale les séries insulaires analysées jusqu’à présent dans cet article : Vinnian, David et ses deux synodes, Gildas. Le pénitentiel de Cumméan est donc comme une somme des tarifs celtiques. Et, sans doute, en utilise-t-il plusieurs qui sont aujourd’hui perdus. Il exploite aussi une règle monastique, peut-être plusieurs règles.

Parfois, il transcrit fidèlement son modèle ; souvent, il abrège, retouche l’exposé du cas ou la peine, jusqu’à modifier complètement le fond avec la forme (par exemple quand il suit Vinnian).

Le grand mérite de Cumméan, c’est d’avoir classé, dans un ordre méthodique, des dispositions jusqu’alors fragmentaires et incohérentes. Sa fidélité aux dissociations proposées par Cassien est remarquable. Ainsi, sous le titre de filargiria, il vise successivement le vol, le parjure et le mensonge. Pro hac non mendacii, non perjurii, non furti facinus admit tere perhorrescit, non fidem frangere, avait écrit Cassien. Et, de même, avec Cassien, il saura distinguer trois sortes de colère.

La peine le plus fréquemment imposée est le jeûne, tantôt fixe, tantôt arbitré par le confesseur. Avec M. Bléricq, il convient de distinguer les pénitences infligées aux « habitants du monastère », aux clercs séculiers, enfin aux laïques. Aux premiers — - moines, jeunes gens et enfants — sont imposées toutes les variétés du jeûne, la récitation de psaumes, l’exclusion de la table, la prison. Rares sont les textes visant les clercs séculiers : le prêtre coupable de péché charnel est puni comme un moine engagé dans les ordres mineurs. Les laïques criminels doivent déposer les armes : l’adultère sera séparé de sa femme pendant la pénitence ; si la complice est son esclave, il devra la vendre et, s’il en a eu des enfants, l’affranchir.

Conformément au critère marqué dans le prologue, contraria conlrariis sanantur : les péchés de la langue sont châtiés par l’obligation du silence, la cupidité se rachète par l’aumône. Et les peines afllictives ne font que seconder les médicinales.

Notre pénitentiel ne contient aucun élément d’origine continentale. En revanche, il est marqué de ces caractères monastique, biblique, propres aux chiétientés insulaires : il emprunte beaucoup aux pénitentiels celtiques. Sa patrie ne peut être que l’Irlande ou l’Ecosse.

Comme les plus récentes sources sont antérieures à la fin du viie siècle, et que, d’autre part, l’influence de Cumméan est sensible dès la première moitié du vin, la date de notre pénitentiel semble être le vir siècle. Théodore y est mentionné, mais, s’il ne s’agit point là d’une interpolation, la seule conclusion licite est que Cumméan composait au temps de Théodore son ouvrage. Lequel des 21 moines de ce nom faut-il reconnaître en notre auteur’? Theiner, Zettinger et Bléricq penchent pour Cumméan le Long, abbé de Hy, en Kcosse, qui mourut en (561 ou 602, et considèrent donc la mention de Théodore comme ajoutée. Nous n’oserions accepter sans réserve une opinion si précise ; elle est raisonnable, mais saura I on jamais quel Cumméan ou quel clerc se parant du nom de Cumméan composa cet ouvrage ? Contentons-nous de le lenir pour une œuvre insulaire du vii c siècle, probablement postérieure à 650.

2° Les recueils théodoriens. Si le doute est permis quant à l’auteur du pénitentiel de Cumméan, il est

depuis longtemps exclu quant aux recueils théodo

riens. Théodore (archevêque de Cantorbéry de 666

à 690) n’a jamais compose de pénitentiel. Mais peu de temps après sa mort, des judicia qui lui étaient attribués furent groupés en cinq recueils : les Canones

de d’Achery, publiés d’abord par dom i uc d’Achery, Spicilegium, éd. In i". t. i, p. M36 sq. ; les (animes Gregorii, édités par Kunstmann, Die lat. Pœniunttal"